Par où commencer ? Commençons au hasard, par le musicien. Dès son entrée à l'Ecole, il s'inscrit dans un conservatoire de musique. Six ans plus tard, agrégé de physique et chimie, il joue remarquablement du piano, de la flûte traversière, de la guitare, du saxophone, de la contrebasse, de la trompette et j'en oublie. Il épouse Roselyne pendant sa troisième année d'Ecole. Ils se séparèrent vingt ans plus tard et il épouse alors une jeune élève du conservatoire.

En quatrième année, je passe beaucoup de temps chez lui et Roselyne car, binômés pour la préparation de l'agrégation, nous faisons les révisions ensemble. De sa bouche, une phrase sur deux est une contrepèterie, sans recherche, sans effort. Il fera de cette facilité son second métier : musicien des mots. Ecrire des contrepèteries comme des morceaux de musique et en faire une théorie : L'art de décaler les sons et, pour les enfants, La vie des mots.
L'art de décaler les sons C'est lui qui, depuis 1984, apporte chaque mercredi l'Album de la Comtesse au Canard Enchaîné. Disciple de Luc Etienne, auquel il succéda dans cette mission ?

Lui parlerais-je de vendanges ?
Ah, pour rien au monde je t'enduirais les serpettes de rouge, répondrait-il, du tac au tac.
Ou des vachers du Cézallier,
– Ah, ceux-là, je te leur dirais taisez-vous ! Laissez vos bêtes se reposer !

En plus de son métier de chercheur en physique atomique au CEA de Saclay, il écrit chaque semaine le journal du Centre. Et c'est aussi un montagnard et un très bon skieur.
Sa famille possédant un des plus vieux chalets de Peisey-Nancroix, en Tarentaise, Joël et moi nous retrouvions souvent sur les pistes de ski, puis nous nous arrêtions à son chalet pour les incontournables parties de scrabble. Il était imbattable. Et le soir, son chalet étant voisin du nôtre, le dominant d'une petite trentaine de mètres, il nous criait :

Taisez-vous tous en bas !

C'était aussi un bon alpiniste. Nous faisions souvent cordée à deux, surtout dans le Massif de la Vanoise :
La traversée du Bellecôte, cette longue course, se fit sans commentaire de sa part, mais l'Aiguille de la Vanoise fut une escalade assez difficile :
Quelle lutte, peste ! s'écriait-il.

Que n'ai-je pensé à écrire, dans mon récent Coffiots, la fin de casses... ?, au chapitre 20, que le directeur de cabinet avait le plus gros malus du Finistère !

Que nous dit Joël : "Sachons détecter et faire bon usage de tels mots contrepétogènes : acculer, balcon, berge, biaiser, biner, butte, caisse, concierge, consensus, délation, fine, fouille, génisse, mine, nouilles, phlébite, poncho, poutre, roussette, scorpion, site, tennis, vergeture, et bien d'autres."

Joël en a si bien fait usage de ces mots - et de tant d'autres ! - qu'il est maintenant accroché comme il faut - et comme nous, auteurs "alexandrins", nous aimerions l'être - par un grand éditeur. Pour lui, c'est essentiellement Albin Michel, comme en témoigne cette liste impressionnante de publications par cette maison :
Les contrepétines (album jeunesse) ; L'art des mots, l'eau des marres (album jeunesse) ; Manuel de contrepet ; Des prénoms fous, fous, fous (album jeunesse) ; La vie des mots, l'ami des veaux (album jeunesse) ; La bible du contrepet (Somme, anthologie, classification, théorie).

Et chez d'autres aussi : Le dico de la contrepèterie (ed. Seuil) ; Des contrepèteries (ed. First) ; Le petit livre des contrepèteries (ed. First) ; La bible du contrepet (Robert Laffont).