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A Brigneau, en s'y mettant tous, les Le Menech ont fini par monter Omaha Beach. Ils avaient avancé la Blue Star de quelques mètres, reculé la 2 CV et déballé toutes las pièces du débarquement au milieu du hangar. Ainsi étalées, la mer et la plage avec les falaises occupent presque toute la surface au sol. Tous les quatre sont assis sur des chaises pliantes mais seuls Maurice et Sébastien sont aux manettes. Ils jouent l'un contre l'autre et les points sont affichés sur l'écran de l'ordinateur portable qu'Odile a posé à côté d'elle, au bout de la plage, au fond du hangar.C'est elle qui contrôle les paramètres de jeu : force de la mer, vitesse des bateaux... Sébastien est défenseur. Son rôle est de rendre le Mur de l'Atlantique infranchissable. .Il a les blockhaus avec des canons, les Panzer et les soldats de la Wehrmacht. Maurice, c'est le Général Eisenhower. Il commande le débarquement. Il a des bateaux de guerre, des péniches de débarquement, des jeep et des Marines avec tout leur attirail. Odile, du clavier, peut changer quand elle veut l'état de la mer. Alain regarde, plein d'admiration.

Au début ça cafouillait. D'un côté comme de l'autre. Mais très vite Sébastien réussit à maîtriser parfaitement ses moyens de défense et Maurice n'arrive à faire accoster aucune de ses péniches et encore moins ses soldats et ses jeeps. Même ses tirs de canons, depuis les gros bateaux, ratent leur but. Odile atténue la force de la mer, mais le Mur résiste. Au bout d'une heure, Maurice arrête de jouer et décide de remettre ça un autre jour.

Pour ne pas avoir à réinstaller le jeu, tous conviennent de le laisser en place et de repartir avec les deux voitures, Odile se chargeant de la 2 CV. Ils sont de retour à l'hôtel peu après six heures. La patronne, voyant l'état de la 2 CV, propose à Odile de la rentrer dans le garage de l'hôtel, ce qu'Odile s'empresse de faire.

– Il n'y aura qu'à la laisser ici, on n'en aura pas besoin pendant le séjour, dit Odile à son mari.

– Non, ma puce, on n'en aura pas b'soin, elle est très bien là. Le p'tit Prince et le Singe y sauront bien la r'trouver si y r'viennent après qu'on s'ra partis.

– Mais on les verra bien à leur retour, lundi ou mardi.

– P'tet ben k'oui et p'tet ben k'non, des fois k'le Fernand y les ai laissés kek' part.

– Mon chéri, quand même, tu ne dis pas ça sérieusement !

– Tu sais, avec Fernand, faut s'attendre à tout. Mais en attendant, j'te propose d'aller s'soir à la fête des bateaux à Concarneau. Y aura un feu d'artifice que les enfants y vont adorer ça. Et pi d'main, c'est à Douarnenez qu'y a la fête, tout' la journée. On t'tournera à Brigneau lundi, j'ai la r'vanche à faire cont' Sébastien. – Et moi, Papa, j'pourrai jouer.

– Oui fiston, tu f'ras une partie avec Maman, après nous.

La soirée à Concarneau est merveilleuse. Les fusées sont tirées à partir de barges, à quelques centaines de mètres au large, et le feu d'artifice est grandiose. De même, la journée passée à Douarnenez laissera un bon souvenir aux enfants. Surtout la sortie en mer sur un bateau de pêche, un vrai, avec de vraies lignes de pêche et de vrais poissons.

A Granville, Fernand et ses deux bleus ont passé le dimanche sur les terrasses des bars, tout autour du port. Ils sont revenus à bord assez tôt pour partir à maarée haute lundi matin, vers 3 heures, et essayer d'être à Brigneau dans la nuit de lundi à mardi, si le courant n'est pas trop fort dabs la baie du Mont St Michel.

Le Lieutenant Declain, lui, a passé son dimanche en famille, autour du barbecue qu'il vient de s'offrir avec la prime de vacances. Il n'a pas arrêté de penser à cette deux pattes dont il n'a même pas eu l'idée de relever le numéro minéralogique.

Willy Vandernood, lui, a profité du dimanche pour faire quelques achats à Londres, dans Oxford Street, et terminer sa soirée à Paris. Pour les petits trajets, il se sert de son vieux Robin Chevallier, un vieux petit monomoteur de six places, très bien équipé en instruments IFR pour les vols par tous temps. Il s'est posé à Toussus-le-Noble et a rejoint son hôtel particulier du boulevard Raspail avec sa Mercedes, celle qu'il laisse habituellement au grand Garage. Avant de quitter Saint Helier, il est passé à sa banque et s'est fait remettre par le caissier quelques liasses de billets de 50 euros – une dizaine. « Pour bien vivre à Paris, il faut ce qu'il faut. »