PAGE 13

Les keufs étant partis, Odile laisse Alain et ses amis occuper la salle de séjour. (Alain a quatre ans, et on ne parle pas encore de « la bande à Alain ».) Maurice, lui, s'est réfugié dans la chambre d'enfant, maintenant libérée. Et il pense. Il souffle aussi. Odile a parfaitement maîtrisé la situation et ça, c'est sa grande satisfaction, sa très grande joie. « L'harmonie dans le couple, la complicité, y a k'ça d'vrai », se dit Maurice. Il est assez fier aussi de sa trouvaille : « Si c'est plus moi qui va aux coffiots, c'est les coffiots qui viendront à moi ! »

C'est sa nouvelle maxime. Reste à savoir comment ils viendront à lui, les coffiots.

« Faudra sans doute être inventif. Le coup d'la panne, même si c'est pas fait exprès, on va pas l'refaire à chaque fois. Faut dire que là, Odile, elle a assuré. »

Mais il y a une question qui le taquine, et un problème qui, s'il n'avait pas été longtemps le mataf à s'allonger sur des couchettes qu'on y ferait pas reposer des macchabs, et à faire le quart, la nuit, plus souvent qu'à son tour, l'empêcherait à coup sûr de dormir.

La question, c'est « pourquoi ces lascars de Georges et René y s'trouvaient au Grand Garage à 5 heures du soir, quand Odile a téléphoné, alors qu'à La Closerie, le p'tit prince il avait bien dit qu'y z'étaient en RTT tous les deux. Faudra qu'y s'allonge, et fissa. »

Le problème, le big problème, c'est « s't'e putain d'arquebusade. Et s'moutard qu'y s'prend déjà pour Al Capone. Faudra que j'te la tricoche, s't'enquête, et avant qu'la centrouse y z'aient fini leur taf. Pasque j'peux pas laisser ce chiard partir manger les haricots. Y en a des vrais, des butteurs, que même si j'suis pas une balance, et même qu'y z'y sont pas sur s'coup là, y z'y méritent mieux k'le môme, s'menu d'cigogne. »

Maurice est fatigué. La journée a été tendue. Une bonne douche s'impose avant de rejoindre les lardons et leur fête. Il se fait prêter par Odile un autre cabas, histoire de mettre le beurre au frigo, et entre dans la salle de bains. Il en ressort aussitôt pour appeler :

- Ma puce, c'est quoi encore, cette caisse à outil dans la baignoire ?

- Mais c'est une surprise que je voulais te faire, mon chéri.

- Question surprise, tu crois pas k'j'ai eu ma dose pour aujourd'hui ?

- Ecoute mon chéri, tu verras bien. Je suis sûre que tu aimeras. Mais attend que les enfants soient partis, ça prend un peu de place. Viens plutôt avec nous !

- OK, ma puce, je range l'oseille, je prends une douche et j'arrive.