Julia et les chics types - Prologue
Par Mahaut le samedi, avril 28 2007, 00:00 - Julia et les chics types - Lien permanent
C'esteut l'nut dè Noyé
Li Mame féve des boûkètes.
Et tos les p’tits effants, rassonnés dilé l’feu,
Rin qu’à houmer l’odeûr qui montéve del pêlette,
Si sintient l’èwe al boque et s’ralètchient les deugts.
Georges Ista (1874 - 1939)
Li mame, c'était Grany. Et comme tous les Noëls, elle tenait à ce que la porte reste ouverte, grande ouverte, à ceux qui rentraient de la vigile natale.
Et l'odeur de ces crêpes à la farine de sarrasin, traditionnellement piégées - l'une d'un fil, l'autre d'un bout de papier - inondaient le quartier. Ah, le plaisir de la confiture et du sirop de Liège...
Mais la boûkète de ce soir emmacralerait Julia.
Li boûkète emmacralèye, mon bon monsieur est une texte traditionnel liégeois, mais en cette nuit de Noël 2000, à l'aube du millénaire, pour cette brunette spittante, commence une aventure magique.
La crêpe, sans poil ni noirceur, juste une crêpe partagée avec l'hôte du jour - enfin de la nuit - serait ensorcelée !
Car Grany, sa marraine, sa bonne fée, inquiète des années qui passaient, a résolu de pendre les amours de Julia dans sa main bienveillante.
« Tu verras, ma petite fille, c'en est fini de la solitude et de la morosité, ta marraine veille sur toi. Tu vas apprendre l'amour, pas celui des romans mais celui de la vraie vie.
Cette nuit, sans savoir,
Celui avec qui ta boûkète tu partageras,
Ton coeur tu donneras,
Et lui de même pour toi.
Ainsi il en sera
Chaque fois qu'à Noël
Une crèpe partageras. »
"Il est né le divin enfant"
Le chant monte du choeur. Les "Bengalis", appelés pour l'occasion, ont animé la messe et Grany, Julia et leurs amis sortent de l'église, disent bonjour à ce saint homme, curé de la paroisse, avant de regagner la maison où repose la pâte.
Julia donne le bras à Grany. Cahin-caha, elles font route, joyeuses de retrouver les hommes restés à la maison. Vous comprenez, mon bon Monsieur, entre un poker menteur et la messe, pour eux, la messe est dite.
« Grany, dit Julia, tu penses que Robert aura encore gagné ?
- C'est un bridgeur, mon chou, il sait lire les visages et voir les possibilités. Il sait quand on bluffe et quand on est sincère.
- Tu crois qu'on va avoir de la visite ?
- J'ai fait cinq litres de pâte et la jatte est prête pour une deuxième bolée.
- Qui viendra, à ton avis ?
- Je n'en sais rien, ma puce, nous verrons bien. Tu attends quelqu'un ?
- Non, Grany, je suis trop bonne copine, qui voudrait de moi autrement ? Ce serait tout gâcher. »
Grany la regarde, longuement, intensément
« Qu'y a-t-il ? demande Julia.
- Je t'aime, ma chérie.
- Je sais, Grany, que ferai-je sans toi ? répond-elle en riant et en l'embrassant. »
Un ange passe, un frisson sur l'échine et la senteur discrète du parfum d'une rose.
Un grand bien-être envahit Julia.
Arrivée à la maison, elle ouvre la porte, condamne la serrure afin que la porte ne puisse se refermer : c'est Noël, jour de crêpes pour l'ami ou l'indigent.
Commentaires
Je suis venue par curiosité et j'ose avouer Marianne que ton écriture est agréable à lire; un seul "hic" si je peux me permettre, pour le lecteur qui ne connait pas le liégeois, il faudra prévoir une traduction simultanée ou un dictionnaire à la fin de l'ouvrage.
Au plaisir de lire la suite des aventures de Julia et de ses chics types
Une marrraine attentionnée à ce point, on aimerait que ça existe encore. Après tout, si ça s'passe comme à Liège, en 2000, tant mieux ! La suite ne peut être que douceur et tendresse. Alors, qu'est-ellle maintenant devenue, la Julia, la "petite fille" à sa Grany. Est-elle tombée sur un bout de fil ou sur un morceau de papier ? Mais que signifient ces pièges ?
Ah, une explication s'il vous plaît Mahaut. Je trouve une certaine contradiction dans cette réponse de Julia à Grany : "Non, Grany, je suis trop bonne copine, qui voudrait de moi autrement ? Ce serait tout gâcher."
Vivement la suite !
Pourquoi en faire une "Nouvelle" alors que cela pourrait être un roman autobiographique ?
La suite Marianne...
D'abord parce que ce n'est pas autobiographique, même si j'utilise des éléments autobiographiques. Cette scène n'a jamais eu lieu, elle mèle des épisodes appartenant à la mémoire de ma grand-mère, pas à la mienne, et à l'imaginaire.
Ensuite parce que c'est un reccueil de nouvelles qui va suivre : chaque épisode sera la rencontre de Julia qu'un homme fera, suite à une crêpe ensorcelée, mais du point de vue de l'homme.
Voili voilou
Mahaut
En bref, tous les ingrédients pour nous mettre en appétit ! Je cours de ce pas, faire des crêpes. Sait-on jamais ! Les aventures de Julia, sous forme d'épisodes, cette idée me semble excellente pour le suspens donc, à suivre...