"Il est temps, mon frère, se disait-il, de devenir adulte. Refuse les leçons de ceux qui te guident, laisse parler ton intelligence, protège ton bien, tu l'as gagné, tu y as droit."

Droit ! Le mot tabou est lâché.

"Quand l'humanité avait droit, Jacques, dit le Docte, elle connaissait les guerres de possession, les problèmes d'impôt, les soucis d'argent, les bagarres de pouvoir, les corruptions, adultères, simonies, j'en passe et de moins belles encore. Il y avait les moutons d'une part et ceux qui les dirigent d'autre part. Ces derniers avaient même le droit de vie et de mort sur les premiers. Tu serais dans ces dirigeants mais songe à ceux que tu conduis par ton savoir : quel sens aura leur vie, quel chemin vont-ils prendre ? Quelle orientation prendra leur réponse, leur responsabilité ?
- La bonne, répondit Jacques.
Le Docte éclata de rire, un rire plein de tendresse et d'admiration. Puis il haussa les épaules : "Et le pire, c'est que tu es sincère."
Jacques, vexé, tourna les talons et s'en alla... en croisade.
"Réveillez-vous, disait-il, ne vous laissez plus mener par le bout du nez... Devenez responsable... Pour tout, trouvez un réponse, la vôtre, une solution... Agissez, prenez votre vie en main..."
Il organisa des formation à l'auto-gestion responsable, des formations à l'éducation à la liberté. Il avait un succès fou, était débordé de demandes.Tellement d'hommes avaient envie de prendre leur vie en main que beaucoup le suivirent, développèrent son action, devinrent responsables, animateurs de quartier, orateurs, prédicateurs.

Et le monde changea

Et Jacques va de l'un à l'autre, ne sait plus où donner de la tête.
Et Jacques délègue ses pouvoirs : "Après tout, ils sont adultes maintenant ; ils savent s'assumer, qu'ils assument."

Un jour, Jean vient le trouver et lui dit :
"Tu es Le Docte, notre Guide, pourtant, je pense que tu te trompes parfois. Voilà, j'ai décidé de prendre une autre orientation. J'en ai le droit, non ?"
-Et laquelle, demande Jacques ?
-La bonne !
Et Jacques éclate de rire, un rire plein de tendresse et d'admiration. Puis il hausse les épaules : "Et le pire, c'est que tu es sincère."

Pendant ce temps, Marie pensait : "Qu'on nous préserve des hommes"


Récit élaboré en rapport avec les axes symboliques de la société telle que je la percevais en 1986. Mais est-ce bien différent aujourd'hui ?
Antique, parce que c'est un texte que j'ai écrit dans ma jeunesse, en réponse à un appel de mes maîtres lors de l'étude des axes symboliques de notre monde moderne français, sur le modèle : "Le monde d'alors vivait au rythme des saisons. La révolte grondait"( Jacques Bernard, texte du premier seuil, Mess'AJE, 1985)