Arrivée au magasin, fermé. Bigre, devrais-je trouver un ‘derrière les arbres’ ? Je vais jusqu’au début du chemin des philosophes, mais nous sommes trop tôt dans la saison : pas de feuilles. Ce n’est ni le lieu, ni le temps de montrer ‘Paris la nuit’ ...enfin, ‘Paris’, on commence à n’être plus qu’un faubourg...
Je redescends donc vers l’église. Le sonneur stoppe son office et rentre à l’office... de tierce... « Viiiite, avant qu’il ne passe l’exonartex », plus dur de demander Jules dans la nef. Ouf, il est arrêté par une personne intriguée par les prosphores. J’attends... et enfin, je peux me rendre chez Jules, au château.

En ressortant du château, je tombe nez à nez avec Ben, les yeux encore ensommeillés. Je souris. La Semaine Sainte est longue à rattraper :

— Coucou, attends, lançai-je.

— Marianne ?

— Ouiiiiiiiiii.

— Cela fait longtemps ! me sourit-il.

J'acquiesce. Trop longtemps, mais plus pour longtemps. Et nous marchons de concert en riant du plaisir de nous retrouver.

Re-les cloches... et le sonneur de plus en plus intrigué de cette inconnue qui rit et avec qui un moine-prêtre rit.

Dimanche de Thomas, Thomas donc préside.

Dieu que j’ai bon.

Dieu que mon coeur enfle.

Dieu que je me sens bien, là, à ma place, ‘home

Je suis de retour chez moi

Belle liturgie, lumineuse, dans une église qui irradie la joie de Pâques.

Dire que cette Pâque(s) est une résurrection est un pléonasme, pire, c'est un euphémisme.

À l'aube de mon demi-siècle, il est temps de vivre au présent.

S’agit-il d’une illusion ? Ou mon regard est-il restauré ? A moins que ce ne soit concrètement, réellement, positivement que mon bonheur rejaillisse sur mes frères.

Grande entrée.

Je me souviens que c’était lors d’une grande entrée qu’a commencé ce chemin, il y a plus de quinze ans. J″avais bien vu qu’il m’était « demandé » de revenir, de rentrer ici, de regagner le nid. Je garde au coeur le chemin initié lors du grand sacrifice. Dois-je te remercier, Den, de m’avoir mise sur une voie qui m’amène, à ce moment de mon histoire, avec ce désir-là au coeur, avec cet appel-là à l’âme.

La lumière devient dorée, intense, profondément éclatante. Voix de haute-contre, limpide, unique... et contre-chant, contre-cri harmonieux d’un enfant de deux ans à peine, si beau, si clair, pas calculé, l’assemblée est en attente de communion, et celle-ci est donnée...

Je suis de retour à la maison.

Dieu que j’ai bon.

Et la lumière se place dans le c(h)oeur. La porte s’ouvre, la clef tourne. Adieu Den... qui sort de ma vie. Je t’aimerai toujours, mais c’était dans une vie passée sans retour, une autre vie. Hier, j’étais attente, désir, regret de ce qui ne serait jamais. Aujourd’hui, rien n’a changé, mais plus rien n’est pareil. Bien mystérieuse l’âme humaine, capable de vivre en désespoir ou en bonheur la même réalité...
Je commence aujourd’hui un nouveau chemin. L’avenir s’ouvre, de présent en présent. C’est le moment.

Je suis à ma juste place.

« Seigneur, toi qui bénit ceux qui te bénissent et sanctifie ceux qui espèrent en toi... »

Bénédiction ! En procession...

« Le Christ est ressuscité, me dit le prêtre.

— Il est vraiment ressuscité.

— Tiens, mais qui voilà. Tu es là, toi. » Accent liégeois, et bonheur des racines.
Liège spontané rompt le silence d’usage, me reconnaît, et avec lui toute la communauté. Je suis reçue chez moi. accueillie par mes pairs, mes frères. Et José, et Rose, des bras se tendent, des mains m’accueillent, me saisissent, des yeux m'interrogent : « Comment vas-tu, que deviens-tu ? »

Je suis de retour, chez moi, enfin

Et l'ouverture de week-end de Pâques trouve son accomplissement.

Et Batioushka, grand-père d’hier, guide d’aujourd’hui, du bord du tsim-tsoum céleste me sourit.

De Stéphane à Étienne, en passant par Sion, le chemin commencé dans mon oblation, il y a vingt-cinq ans, prend son sens et ma vocation s'éveille.
Et, de chez moi, je peux partir, me mettre ne chemin. Mes racines sont plantées et mon âme libérée. Retour de Chevetogne, dans la vraie vie, au service de mes frères.


Chevetogne,
Dimanche de Thomas,
Pâques 2010,
11 avril,
Aujourd'hui.