Dans un contexte de lutte contre le changement climatique, les 27 pays membres de l'Union européenne réunis au sommet des chefs d'état et de gouvernement sont parvenus à un accord en matière de lutte contre le changement climatique lors du Conseil européen organisé les 8 et 9 mars dernier à Bruxelles. Ils ont en effet adopté un triple objectif d'ici à 2020 pour tout d'abord à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% à l'horizon 2020 par rapport à 1990. Cet effort de réduction pourrait même être porté à 30% si d'autres pays développés s'engageaient à atteindre des réductions d'émission comparables et que les pays en développement les plus avancés sur le plan économique apportaient une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités respectives. Ensuite les États se sont également engagés à un gain de 20 % en terme d'efficience énergétique et une teneur obligatoire de 10% de biocarburants dans les carburants classiques. Enfin, les 27 pays membres de l'Union Européenne ont pris l'engagement collectif de faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie (dite énergie primaire) de 8 à 20% d'ici à 2020. Toutefois sous l’impulsion de la France, pays le plus nucléarisé d’Europe, cet objectif global se fera avec une approche différenciée par pays pour tenir compte de certaines spécificités nationales : une répartition des charges sera négociée de manière séparée.

Mais même si cette cible reste globale à l’échelle européenne, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), André Antolini estime que pousser la part des renouvelables à 20% de la consommation énergétique globale doit également être l'objectif de la France. C’est pourquoi le SER souhaite que la France s’engage sur un objectif permettant d’atteindre 25% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie avec en parallèle une diminution de la consommation de 20% en énergie finale. Si nous faisons ça, nous économiserons 36% sur les émissions de CO2, a estimé André Antolini ajoutant même qu’on est capable en France d’obtenir un résultat en matière d’émission de CO2 supérieur à l’objectif moyen européen.

Le président du syndicat, qui compte aujourd'hui 300 entreprises ou associations d'entreprises, rappelle que cet objectif suppose une croissance accélérée et nécessite de tripler la capacité de production pour parvenir à l'objectif européen. À cette fin, il conviendra selon lui de développer l'éolien, reconsidérer l'hydraulique à la hausse et développer le solaire photovoltaïque et la chaleur collective - eau chaude et chauffage - d'origine forestière et de la biomasse en général.

S'agissant de chauffage domestique au bois, le SER estime que la France peut passer de 5,6 millions d’appareils de chauffage performants au bois en 2006 à 11 millions d’appareils en 2020 sans augmenter le prélèvement sur la ressource. Pour la production de chaleur à partir de bois et de déchets dans les établissements collectifs, tertiaires et industries, plusieurs milliers de chaufferies pourront être installés en 2020, ce qui représente une capacité de 6,3 Mtep. La croissance de la forêt française permet de réaliser cet objectif sans toucher au stock, a assuré André Antolini.

S'agissant de l'hydraulique, le SER estime que la production pourrait passer de 25.000 (2006) à 27.000 MW (2020) en améliorant la productivité des centrales existantes.

D’après le syndicat, l'objectif très ambitieux en matière d’agrocarburant consiste à passer de 0,5 Mtep aujourd'hui à 4,5 Mtep en 2020 : nous nous sommes basés sur l’objectif européen, à savoir une incorporation de 10% de biocarburant dans les essences et le diesel. Le syndicat précise que s’agissant du cas français pour lequel le diesel est prépondérant, il s'agit de diester. Cela suppose la mise en culture de 3,5 millions d'hectares de colza ou autre protéoléagineux.

Par ailleurs, des efforts devront se porter sur le déploiement d'un parc éolien d'une capacité de 25.000 MW d'ici 2020 contre 2.000 au mois de juin 2006. Pour André Antolini, cet objectif est réalisable car le gisement existe et avec un nombre de machines raisonnable car il est selon lui assuré que la puissance moyenne des machines sera de 3 MW contre 2 MW aujourd'hui. Donc pour installer 22.000 MW supplémentaires, il suffira d'installer 8.000 machines de plus, souligne le président du SER soit seulement 4 fois plus qu'aujourd'hui.

Quant au photovoltaïque raccordé au réseau, le syndicat évalue les besoins à 7.000 MW alors que la puissance ne dépasse pas 30 MW à l'heure actuelle. L'objectif reste possible si l'on compare ce qui se passe dans nos pays voisins, précise M. Antolini. En Allemagne 1.000 MW de photovoltaïques sont en effet installés tous les ans. Mais pour réaliser l’objectif, une filière industrielle devrait être créée. En France, nous avons manqué celle de l’éolien, il ne faudra pas manquer celle-là, insiste le président du SER.

La production d'électricité à partir de biomasse (dont le biogaz et les déchets) devra quant à elle passer de 580 MW actuellement à 2.300 MW en 2020. Enfin, le solaire thermique et les Pompes à Chaleur (PAC) peuvent en équipant 6 millions de logements, fournir 4Mtep.

Le président du SER souligne également la manne représentée par l’industrie des énergies renouvelables en termes d’emploi et de compétitivité. Selon lui, les objectifs par secteurs permettraient de créer près de 220.000 emplois d’ici 2020, en plus des 75.000 existants. La richesse en emplois des industries du secteur des énergies renouvelables s’illustre également en Europe. En 2020, les énergies renouvelables, qui ont représenté un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros en Europe en 2007, pourraient employer 2 millions de personnes si l’objectif de 20 % est rempli, a précisé le professeur Arthouros Zervos, président du Conseil européen des énergies renouvelables (EREC) et de l'association européenne de l'énergie éolienne (EWEA).

D’ailleurs au plan européen comme les 27 se sont fixés cet objectif contraignant de 20 % d’énergies renouvelables d’ici 2020, le professeur Arthouros Zervos rappelle que le 23 janvier prochain, la Commission européenne doit proposer une directive pour que les énergies renouvelables représentent 20 % de la consommation énergétique de l'Union en 2020. Rappelons que ce chiffre est une moyenne et qu’il doit se traduire pour chaque pays membres. Pour l’heure, l’Union Européenne en est à 8 %. Reste donc douze pourcents à combler. Pour se faire, Arthouros Zervos rapporte que 6 % devraient être demandés à l'ensemble des Etats membres et 6% à chaque pays en fonction de son PIB par habitant. Les pays les plus riches devront donc faire plus et le président du Conseil européen des énergies renouvelables espère que la directive arrive au Conseil européen sous présidence française qui débute en juillet prochain. Le calendrier est donc serré car, d’ici là, chaque état va sûrement chercher à apporter la contribution la plus faible possible à cet objectif global. De longues négociations sont attendues...

C.SEGHIER