En quelques pages, et avec une sacrée justesse dans la mesure où rien ne paraît ici invraisemblable, l'auteur de cette nouvelle fait connaître à son lecteur toute la vie d'une femme, comme si de rien n'était (le trait n'est pas forcé, tout coule de source à travers les pensées de la protagoniste). Nous comprenons aussi que cette dernière est à un tournant de sa vie, à cet instant, dans ce train : elle vient de tirer un trait sur son passé (c'était le but de son voyage) et elle s'apprête à connaître un avenir différent (celui qu'elle espérait depuis longtemps et qui se réalise enfin). Elle imagine aussi ce que peut être l'existence des autres passagers de ce train, tout en se positionnant par rapport à eux. Et puis, insidieusement, le lecteur comprend que la narration prend une autre tournure à un moment donné, sans qu'il sache trop la frontière entre le réel et l'irréel (belle réussite, puisque c'est aussi ce que ressent la jeune femme, dont nous suivons la pensée), comme dans un texte de Cortazar. La fin est terrible, qui crée deux types de réactions chez le lecteur : on crie au drame, d'abord, parce que le mari de la jeune femme aura toutes les raisons de pleurer et de s'imaginer une vision tronquée de son épouse, mais en même temps on médite sur la mort, sur ce que cette dernière implique inévitablement (sentiment d'inachevé, de manque, de perte de la maîtrise des choses). Je suis sorti de là, je le certifie, en me disant qu'il vallait mieux que tout soit en ordre dans mon existence, et vite. Un texte de onze pages efficace, très bien tourné. A découvrir sur Alexandrie Online.