Quand Antoine s'emmêle

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

L'oeuvre de Jean-Luc Flines

Fil des billets

mercredi, juillet 23 2008

Kurt et les voiliers maudits - Jean-Luc Flines

L'effet produit sur le lecteur de cette nouvelle est considérable. Je n'ai jamais rien lu ou vu d'approchant pour raconter la Shoa ; l'originalité de ce texte était à la fois osée et très difficile, d'abord à imaginer, puis à réaliser. Et la réussite me semble parfaite, construite comme la superposition d'un cauchemar (bien réel, hélas, celui-là) et d'un rêve plein de poésie et de beauté. Je ne suis pas extrêmement connaisseur en matière de peinture, mais ce qu'il me reste dans la tête après coup c'est une sorte de tableau, quelque chose de très visuel, qu'aurait pu inventer Dali, par exemple. Il l'aurait appelé peut-être "La mauvaise conscience (allemande)". L'effet, d'un autre côté, provient aussi du fait que le héros soit un être innocent ; souvent, on nous décrit les horreurs des camps mais sans contrepoint alors qu'ici l'enfant crée une sorte de mise en abyme avec le lecteur, nous sommes dans le camp avec lui. En un mot, ce texte est une petite merveille au sujet connu, raconté (à juste titre) des centaines de fois, mais traité d'une façon que le lecteur tente de s'expliquer sans jamais pouvoir le faire vraiment à cause de (grâce à !) sa richesse intérieure. Créer quelque chose d'original et de réussi, au sens inépuisable, n'est-ce pas le rêve de tout écrivain ?

mercredi, janvier 30 2008

La chaisiere du Luxembourg - Jean-Luc Flines

Jean-Luc Flines continue de nous faire rever avec ce nouvel opus : sa puissance d'evocation (onirique) reste intacte, et l'effet poetique produit sur le lecteur toujours aussi efficace. En quoi consiste ce dernier dans "La chaisiere du Luxembourg" ? Je crois que l'attachement a une ville est intimement lie a un sentiment de nostalgie (qu'elle soit reelle, c'est-a-dire le fruit des bons moments que l'on a pu y passer, ou imaginaire, a travers des livres, des films, la television, lorsqu'on y arrive pour la premiere fois avec l'image que l'on s'en fait). Il m'est arrive d'aller a Paris (rarement), et j'ai connu ce deuxieme genre de nostalgie : j'ai cru apercevoir Hemingway au detour d'un cafe dans le quartier Montparnasse, par exemple, ou Gainsbourg rue de Verneuil). Eh bien, ces instants de grace ou la realite et la nostalgie se confondent (que nous avons tous vecu un jour), Jean-Luc Flines parvient a nous en transmettre la magie au jardin du Luxembourg. Je precise que si l'argument est surrealiste, l'arriere-plan historique est documente et rigoureux. On peut toujours regretter chez cet auteur que ses nouvelles ne soient pas aussi bien ecrites qu'elles le pourraient (je pense en particulier a cet usage abusif des points d'exclamation), mais pour ce qui est de nous faire rever (j'insiste), il est, pour paraphraser ce que Paul Valery avait pu dire de Pierre Loti, notre maitre a tous.

A decouvrir sur Alexandrie Online : http://www.alexandrie.org/resum.php?lid=258

dimanche, juillet 1 2007

Haru Asakaïdo - Jean-Luc Flines

Il y aurait d'abord une phrase : "Si tu méprises la vie, tu n'avances pas ; mais tu ne progresses pas non plus si tu ne prends pas la mort au sérieux". Selon moi une excellente définition de la sagesse. Le personnage de Gofun (peinte par Haru Asakaido alors qu'elle est près de mourir) est une artiste totale, capable de tout sacrifier à la beauté et à la sublimation de la vie. Tout n'est que blancheur (l'origine de l'univers, d'après le texte) chez elle, comme la céruse qui lui sert à la fois pour son art et pour son teint, et qui finira par la tuer. Mais, en fin de compte, "la mort ne fait que voiler la vie et les idées fausses qui l'entourent". L'un des éléments qui m'a le plus impressionné dans "Haru Asakaido", c'est le silence, la plénitude. Ces êtres sont à part, "illuminés" au bon sens du terme, ils ont cette capacité à voir plus loin que le commun des mortels. Grâce à Gofun, toujours, quand elle sert de modèle à Haru : "Avec la force de Gofun, elle pourrait parvenir sans peine à une création picturale s'écartant de la banale copie de la réalité objective". (Soit dit en passant, ne pourrait-ce pas être aussi une définition de l'art de J-L Flines ?) Le réel est saturé d'artifices, et seule la peinture peut nous ramener à l'essentiel. Haru, finalement, a appelé son portrait de Gofun "Gofun et le tatami du prochain rivage" ; j'aurais préféré le titre auquel avait pensé Gofun elle-même : "La porte de la Source". Porte que finira par franchir Haru elle-même au terme de l'ouvrage. Je n'en dis pas plus.

jeudi, juin 28 2007

Métamorphénoména - Jean-Luc Flines

Ne commettons pas l'erreur de chercher à interpréter ces nouvelles : elles ont pour vocation de parler à notre imaginaire, nos sens les plus enfouis, à ce besoin de beauté et d'évasion qui se trouvent en chacun de nous. Le territoire littéraire auquel elles appartiennent est d'abord celui de J-L Flines, et rien qu'à lui ; ajoutons-y, si l'on veut, Lewis Carrol, Kafka, Cortazar même parfois. Evocations poétiques, très réussies, des tableaux ("Requiem Lezard"), des manifestations humoristiques de l'absurde (Prévert et Verlaine dans "Petite Balade en absurdie..."), des distorsions temporelles (cf les textes new-yorkais de la fin), bref, tout y passe. Le point commun dans ce recueil est la dimension fantastique, qui interpelle la part métaphysique de notre être, pour créer un univers où la rationnalité n'a plus sa place et qui fait renaître l'enfant caché derrière les adultes que nous sommes. A découvrir absolument, sans a priori et en se laissant porter par le courant, afin d'oublier un peu ce monde puant de terre-à-terre. J-L Flines, ici, nous propose une autre façon de concevoir la vie, avec fantaisie et profondeur, selon sa vocation d'écrivain intemporel et sans message.