ART POETIQUE, ART DE VIVRE



Pourquoi écrire ? Le monde (en particulier contemporain), l’homme, la vie, sont des monstres d’agressivité, d’incohérence et de médiocrité. Cela entraîne chez moi des difficultés existentielles (j’ai du mal à me représenter le puzzle de mon identité), et une certaine inadaptation (je ne parviens pas à me contenter des mœurs affligeantes de notre époque). L’écriture me permet de ME SIMPLIFIER LA VIE (en cristallisant les éléments de mon identité psychique en un tout cohérent auquel je peux ensuite m’identifier ; en caricaturant la réalité ; en fustigeant l’esprit de sérieux, la bêtise et l’infatuation qui sont le propre de l’homme). J’écris pour me fabriquer un tombeau, pour m’amuser à m’inventer des doubles métaphysiques qui partagent avec moi les mêmes angoisses, les mêmes révoltes existentielles : UN REFLET MYTHIQUE DE MA PERSONNALITE, à la façon romantique ou esthète. « Wang-Fô aimait l’image des choses, et non les choses elles-mêmes » (M.Yourcenar, in Comment Wang-Fô fut sauvé).

Dans la vie (philosophie) : Attitude hédoniste, comme une sorte de fuite, de repli sur soi face aux conformismes médiocres et agressifs de notre société. Il s’agit, concrètement, de profiter le plus possible des miens, des plaisirs simples, et de m’entourer au maximum d’art et de divertissements. « J’adore les plaisirs simples, dit Lord Henry. Ils forment le dernier refuge des âmes complexes » (Oscar Wilde, in Le portrait de Dorian Gray). J’ai eu aussi la chance de pouvoir faire de mon travail un « non travail », c’est-à-dire un plaisir constructif : la pizzeria est l’un de mes jouets (activité artisanale, liée à l’art culinaire donc à la poétisation d’un besoin fondamental ; exercée en toute liberté). Je suis, ensuite, d’abord et avant tout un esthète (puisque seul l’art peut permettre de donner une certaine cohérence à ce que nous sommes) : il s’agit, concrètement, d’avoir toujours en vue l’élaboration de mon tombeau littéraire (construire et figer une version artistique de mon individualité), que je publie par ailleurs sur internet (ce monde parallèle qui permet d’exister au-delà de l’existence physique). La cellule familiale, le tombeau sur internet, la pizzeria : telles sont les trois bulles dans lesquelles je vis, et à travers lesquelles je peux imaginer ce que je suis (et encore plus ce que je vais laisser derrière moi). Ma devise : Rigueur, Plaisir, Postérité.

Pourquoi le conte ? L’art, selon moi, doit d’abord être simplificateur (du monde, de la vie, de l’homme, de moi-même), et « poétisateur » ; conception opposée au roman (qui prétend, en général, représenter le monde dans toute sa complexité et sa vulgarité, ce qui n’est pas une démarche artistique), mais qui se rapprocherait du conte (j’entends par là toute construction de l’imaginaire, ce que Borges appellerait « rêve dirigé » ou « fiction » : il peut donc tout aussi bien s’agir de littérature que de bandes dessinées, de films, de dessins animés, de jeux vidéos, etc.). Avec ses dimensions initiatiques, son dépouillement, la vision simplifiée, poétisée, essentielle, qu’il donne de la vie, son rapport au jeu et à l’enfance, la satisfaction qu’il apporte au psychisme des hommes, le conte correspond à mes aspirations les plus intimes ; il est aussi le meilleur moyen de donner un sens à l’existence, en la cristallisant et en nous rappelant toujours les mythes fondateurs. Un conte, c’est comme une pizza : c’est rond, parfaitement achevé, les ingrédients qui le constituent doivent être placés au bon endroit, bien dosés, avec harmonie, dans le but de satisfaire le psychisme des hommes. « Tous les enfants sont des artistes ; le problème, c’est de rester artiste en devenant grand » (Pablo Picasso). « Au reste, l’artifice paraissait à Des Esseintes la marque distinctive du génie de l’homme » (Huysmans, in A rebours).

« Originalité » de mes contes : Mélange d’écriture à la fois onirique (entre réel et symbolique, pour simplifier l’homme), et délirante (la dérision et le rire simplifient la vision que l’on peut avoir des choses en leur donnant moins d’importance) ; intrigue divertissante (côté ludique qui simplifie la vie), intellectualisme (ma vision des choses est omniprésente, sous différentes facettes), dépouillement radical (simplifier le monde). Tentative de conciliation entre intellectualité et divertissement.

Œuvre : La sagesse des Fouch (conte libertin), Marionnettes (conte policier), La vie extraordinaire d’Adam Borvis (conte métaphysique), un Art poétique, art de vivre. Textes publiés sur Alexandrie Online et archivés par Internet Archive (lancer la recherche « Jerome Nodenot » sans mettre les accents).

Internet : De la même façon qu’une œuvre artistique est le seul lieu où l’on puisse donner de la cohérence à notre identité, internet est le seul lieu inventé par l’homme qui puisse concentrer l’ensemble de la mémoire humaine en un point unique de consultation. Borges, dans son conte L’Aleph, imagine un point (ou plutôt une petite sphère) à travers lequel on peut voir en s’en approchant le monde dans sa globalité et dans ses moindres détails ; le monde dans ce qu’il a de meilleur et de pire ; eh bien, internet, c’est l’aleph borgien réalisé.

Territoire culturel : Oscar Wilde, Boris Vian, Jorge Luis Borges, les conteurs en général, Les aventures de Tintin, les Simpson, le cinéma de Spielberg, les chansons de Gainsbourg, la peinture de Salvador Dali.