Wang-Fô est un artiste-peintre vagabond, accompagné par son disciple Ling. Il se loge où il peut et se nourrit en échange de ses toiles. Il se désintéresse des choses matérielles, aimant "l'image des choses et non les choses elles-mêmes". Il a acquis une grande réputation grâce à la magie de son travail pictural. Lorsque la femme de Ling se pend, il la peint une dernière fois, parce qu'il trouve très esthétique la couleur des morts. Lorsque Ling est décapité, il est malheureux mais il remarque immédiatement la beauté d'une tache de sang. L'empereur s'empare de lui, parce qu'il a été élevé enfermé dans son palais et n'a découvert le monde qu'à travers les tableaux de Wang-Fô, avant de déchanter lorsqu'il est confronté à la réalité de son royaume. Il veut se venger, mais Wang-Fô sera sauvé par sa peinture. La peinture est pour Wang-Fô une manière de s'approprier le monde en le transformant, comme un exorcisme. Bachelard a montré que l'art, la beauté, sont indispensables à la vie psychique, pour nous qui recevons les oeuvres, comme pour les artistes qui les imaginent. Mais comment expliquer cela ? Qu'est-ce que la beauté, comment la définir ? Je pense pour ma part que la création artistique répond à un besoin de "se" simplifier la vie. L'art simplifie le monde : à travers des couleurs plus vives, donc plus accessibles, le monde paraît plus simple (les enfants apprennent le rouge, le bleu, le vert, le jaune, etc. sans nuance subtile) : nous aimons les dessins animés, les bandes dessinées, parce qu'ils simplifient les couleurs ; dans la réalité même, nous nous extasions devant les cartes postales des plages de Bora Bora, parce que les couleurs y sont simples et nous rappellent celles de notre enfance. L'art simplifie la vie : la vie est un monstre de complexité, elle n'a aucun sens a priori ; eh bien, l'art a pour vocation de parler de la vie, mais en généralisant, en synthétisant, en fixant les règles ; le schéma du conte de ce point de vue est très éloquant (quête, avec des méchants, des gentils, des règles à respecter, etc.), mais toutes les littératures (sauf peut-être une partie de l'histoire du roman qui tendait plutôt à représenter le chaos) postulent aussi cette "compréhension" de la vie. Enfin, l'art simplifie l'homme : l'homme est incompréhensible, aux autres comme à lui-même ; eh bien, l'art cherche toujours à simplifier l'homme, à créer des types, à rendre les psychologies constantes, cohérentes du début à la fin, à donner des caractéristiques aux personnages faciles à retenir, d'emblée attachantes. Quel est le but de la beauté ? Selon moi, donner du sens, et simplifier : je ne peux qu'être d'accord avec Bachelard.