Il l'a eu ! Toutes mes félicitations à Jean-Marie Gustave Le Clézio.

Il était de notoriété publique que Le Clézio était le seul écrivain français (avec Kundera) à pouvoir obtenir la consécration suprême (pauvre littérature française !) mais lorsque cela arrive, c'est autre chose : non pas une surprise, mais à coup sûr un événement majeur. J'ai regardé sa conférence de presse : il est toujours aussi perturbé par les medias ; il va pourtant être servi dans les prochains jours. Cet homme a poursuivi son petit bonhomme de chemin en dehors de tout calcul, des cénacles parisiens, ouvert au monde mais en dehors de toute superficialité, paillettes, champagne et compagnie, gesticulations médiatiques, apportant une nouvelle vision de l'homme et du monde dans une forme expérimentale qu'il s'est inventée (son oeuvre n'appartient à aucun genre). Lui qui n'a jamais trouvé une bonne raison d'entrer à l'Académie française, alors que tous les académiciens le suppliaient de le faire, il n'a pas refusé le Nobel. On comprend pourquoi : c'est un homme qui a le sens des valeurs. Seul le "Dictionnaire" pourrait le décider, je crois. Je retiendrai surtout de la conférence de presse une phrase (inspirée d'une idée, ironie du sort ou clin d'oeil, de Kundera), citée en substance : "Un écrivain n'est pas un philosophe, il n'affirme pas, c'est quelqu'un qui pose des questions". Un bel enseignement. J'ai eu la chance de croiser Le Clézio le 16 mai 2003 au théâtre Garonne à Toulouse (il avait été invité par la librairie Ombres blanches). Il a répondu aux questions avec attention et modestie, les yeux perpétuellement dans le vague (il est décidément ailleurs). Un souvenir qui prend une saveur particulière aujourd'hui. Savourons cette récompense, parce qu'il se pourrait bien que nous n'en voyions pas d'autre avant longtemps en France.