Coleridge a dit un jour : "Si un homme traversait le Paradis en songe, qu'il reçut une fleur comme preuve de son passage, et qu'à son réveil, il trouvât cette fleur dans ses mains... que dire alors ?" Ce n'est pas une fleur qui pose le problème dans le roman de Heckers, mais un livre (qu'aurait écrit le narrateur, celui-là même qu'il nous est donné de lire). "L'étoile des chiens" traite, m'a-t-il semblé, d'un sujet hautement métaphysique sans en avoir l'air : celui du rêve. La construction de l'intrigue est parfaite (pas de longueurs, suspens maintenu j'usqu'à la fin), l'argument est de science-fiction, le style est sobre et précis, tout est soigné, bref, le tralala habituel lorsqu'on parle d'un texte réussi. Reste la question du LIVRE : le narrateur rencontre à un moment une jeune femme en train de lire SON livre, qu'il ne savait pas avoir écrit. Quand l'a-t-il produit (nous avons suivi ses pensées au jour le jour, et lui-même ne semble pas être au courant !). Du coup la fin, qui pourrait apparaître comme assez facile à comprendre, prend avec ce simple fait une dimension plus complexe, mais aussi plus intéressante. Mon explication serait celle-ci : David est encore en train de rêver ce livre, comme tout le reste ; rêve et réalité se confondent jusqu'au bout, faisant de "L'étoile des chiens" un roman sur les préceptes de Berkeley : puisque le monde, de toute manière, n'est que dans notre tête, ce que nous rêvons est aussi important que ce que nous vivons, ou plutôt, ce que nous vivons a aussi peu d'importance que ce que nous rêvons. Un roman qui peut, donc, devenir complexe si l'on s'y penche, mais pour chacun de nous, d'abord et avant tout, un texte passionnant comme un polar-SF très bien construit.