Dans "L'insoutenable légèreté de l'être", Kundera écrit : "le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde". La culture kitsch est celle, en effet, qui tend à nous montrer le monde dans lequel on vit comme quelque chose d'abouti, d'admis ; la vie est ce qu'elle est, et elle est belle. Le kitsch, ce sont les paillettes et le rêve de la Star Académy, les sandwiches de McDo, les séries américaines, la fraternité des chanteurs de variété. L'existence de l'Homme a un sens, et rien en lui n'est ridicule. Mais l'Homme ne fait-il pas caca ou pipi ? Non. Le monde n'est pas de la merde. Il y a eu le kitsch communiste, fasciste, et aujourd'hui celui de la société de consommation. Dans le texte de Guy Sembic, on assiste à un incroyable renversement des valeurs. Nos héros font pipi, caca, rotent à chaque coin de rue, en un déferlement extatique et jubilatoire pour le lecteur. C'est un cauchemar surréaliste, hallucinatoire, mais au combien symbolique. La remise en question de nos idées reçues et de l'état du monde est sans aucun doute la vocation de l'auteur, mais sa plus grande réussite est d'avoir fait fusionner un déchaînement "orgasmique" des mots avec une écriture au contraire parfaitement maîtrisée. Je me suis amusé à le lire une seconde fois en me laissant simplement porter par la sonorité des mots, sans chercher à en comprendre le sens, et je crois que j'aurais pu aller jusqu'au bout si je l'avais souhaité. Un grand bravo à Guy Sembic. (Prix de l'Essai Alexandrie 2007).