Je découvre avec émerveillement les textes de Jean-Pierre Guillet, auteur qui semble avoir disparu de la circulation mais qu'importe : les auteurs passent, les ouvrages demeurent, pour notre plus grand plaisir. La première nouvelle du recueil "Chroniques de la vie banale" s'intitule : "Le nom du père". C'est l'histoire d'un homme contrarié au plus haut point qu'il n'ait pas réussi à engendrer un fils qui aurait permis d'assurer la continuité de son nom de famille (il n'a eu qu'une fille). François Mauriac, dans son essai "Le romancier et ses personnages", explique l'un des mécanismes de la littérature : on part de quelque chose de banal, une blessure intime qui d'ordinaire tient de la velléité ou de l'effleurement dans un petit coin de l'âme, et on le grossit démesurément pour en faire un drame ou un personnage typique. Nathalie Sarraute fait un peu cela aussi à travers ses tropismes. Jean-Pierre Guillet, dans cette nouvelle, part d'un secret intime (qui existe certainement chez nombre d'individus dans la réalité), et le grossit au point d'en faire une histoire divertissante et outrancière. De la vraie littérature, à la fois intéressante à lire et qui nous fait réfléchir sur la vie, sur l'identité humaine.