Maupassant, chacun le sait, est l'un des maîtres de la nouvelle dite "classique", c'est-à-dire privilégiant l'art de la narration avec en point de mire la préparation d'une chute, d'un effet visant à créer une émotion chez le lecteur. On lit Maupassant pour passer un bon moment, pour se raconter une histoire. "Boule de suif" est un chef-d'oeuvre, comme l'a justement remarqué, en premier, Flaubert en personne.

L'intrigue se passe durant la guerre de 1870, après l'invasion allemande ; un groupe de normands obtiennent la permission de se rendre, si je me souviens bien je peux me tromper, au Havre en voiture, dont deux religieuses, quelques bourgeois et une prostituée, surnommée Boule de suif à cause de ses rondeurs. Ils s'arrêtent pour passer la nuit dans un village, mais un officier allemand a envie de coucher avec Boule de suif : tant qu'il n'aura pas ce qu'il veut, ils ne laissera pas les voyageurs poursuivre leur route.

Depuis le début de la nouvelle, TOUS les éléments narratifs (sans exception) mis en scène jouent un rôle dans la mise en place de l'effet final (exemples : le panier de provisions apporté par Boule de suif, chaque comportement des bourgeois, l'attitude des religieuses, etc.,). Il est possible de parler de réalisme chez Maupassant, précis et sobre, mais l'intrigue prédomine toujours, et le superflu est éliminé radicalement. Le style est puissant et facile. L'interprétation est évidente et définitive, mais peu importe que la métaphysique du texte soit un peu courte : le divertissement est la raison première qui nous pousse à lire, et cela suffit. "Ce petit conte restera, soyez-en sûr. Quelles belles binettes que celles de vos bourgeois ! Pas un n'est raté !... J'ai envie de te bécoter pendant un quart d'heure ! Non, vraiment je suis content ! Je me suis amusé et j'admire... Rebravo ! nom de Dieu" : voilà par quels mots Flaubert parla de l'effet produit sur lui par "Boule de suif" à son disciple. On dirait presque du Yugcib.