Nous suivons les tribulations de ces "paumés" ordinaires avec plaisir. La question est donc la suivante : comment l'auteur a-t-il procédé pour créer chez le lecteur cette jubilation ? Umberto Eco, dans son essai "De Superman au surhomme", écrit : "Il existe aussi une chimie des émotions, et, selon une tradition ancestrale, une intrigue bien ficelée est une composante génératrice d'émotions". Je crois que tout procède ici de ce que l'on pourrait appeler une esthétique du délire : la narration est tout en rebondissements plus improbables les uns que les autres, et c'est ce qui nous plaît, parce qu'ils nous évadent de notre existence pépère tout en ayant un effet cathartique (en ce sens où nous sommes bien contents ensuite de retrouver notre routine et de ne pas avoir vécu nous-mêmes ce cauchemar). Le divertissement me semble par conséquent toujours plus que ce qu'il veut bien paraître. Sinon, "Place aux amateurs" est un polar parfaitement dans les normes, avec notamment cette critique de notre monde un peu rabâchée selon moi (cf Pascal Dessaint et autres auteurs du genre) : le racisme, la désespérance sociale, etc. ; mais elle demeure en filigrane dans ce texte, disons juste ce qu'il faut. Conclusion : une belle réussite, une littérature "facile" à ne pas confondre avec "idiote". (Prix du Roman Alexandrie 2007).