Collected Ghost Stories Traduction : Xavier Perret, Anne Baronian, Georgette Camille, Michel Demuth, Alain Dorémieux, Odette Ferry, Françoise Martenon & Roland Stragliati, Jacques Papy, Jos Ras

S'il est très facile de se procurer l'édition anglaise des "Histoires de Fantômes complètes" de Montagu Rhodes James, en dénicher une traduction française relève de la gageure. Grâce soit donc rendue au site BDFI qui, suite à une trouvaille que j'avais faite tout à fait par hasard sur le site Price Minister, m'a confirmé que les Editions Néo avaient bel et bien tenu ce pari difficile avec tout le soin et toute le professionnalisme dont leur nom reste synonyme. Ces exemplaires "omnibus" virent cependant le jour alors que cette maison d'édition songeait à déposer les clefs, ce qui explique leur rareté.

Pour tous les amateurs de fantastique victorien et pour tous ceux qui aiment encore écouter des histoires de fantômes le soir, autour d'un feu, dans une maison humide, au milieu de vacances détrempées par la pluie, avec le bruit de la mer dans le lointain ou, mieux encore, le sombre silence touffu d'une campagne inconnue tout autour d'eux, Montagu R. James est plus qu'un incontournable : c'est une institution.

Bien loin du gore auquel nous sommes désormais habitués, l'épouvante distillée par le vieux monsieur de Cambridge méprise les effets spéciaux et l'horreur complaisamment étalée. Certes, çà et là, un souffle venu de nulle part dévoile la sauvagerie d'un rite oublié ("Coeurs Perdus"), une porte qui n'existe pas laisse passer une main parcheminée aux longs ongles jaunis qui tente de kidnapper l'un des protagonistes ("La Chambre N° 13"), les gravures d'un tombeau révèlent une espèce de tentacule pré-lovecraftien ("Le Comte Magnus") et un trio de cadavres ambulants s'en prend à un jeune scout ("Le Puits des Lamentations") ... Mais ce sont là des excès bien rares.

Tout l'art, et l'on peut même écrire tout le génie, de Montagu R. James, est dans la suggestion, non dans l'apparition. En fait, on ne distingue jamais réellement les spectres et les monstres qu'il anime ou alors on ne retient d'eux qu'un détail. Détail si cru, si troublant et porteur d'une telle charge de peur qu'on ne peut plus rien voir d'autre - et peut-être est-ce mieux ainsi.

De même, on connaît rarement leur histoire, rien que des bribes qui ressemblent à des lambeaux de suaire ou de chair. Dans le meilleur des cas, des érudits les ont rassemblées dans d'antiques ouvrages à l'usage, très souvent, des seuls chercheurs ou passionnés. Dans le pire, dont le stressant "Mezzo-Tinto" ou encore "La Maison de Poupées hantée" constituent de parfaits exemples, le lecteur apprendra vaguement que ... et en sera réduit à supposer encore plus vaguement que ...

Car la certitude tue la Peur alors que l'Incertitude, le Rêve, l'Imagination - et la Frustration - l'entretiennent.

Avec Montagu R. James, tout commence toujours très tranquillement, le soleil brille, les petits oiseaux chantent, les universitaires s'affairent, la maison de maître est belle et rassurante, les jardins sont impeccablement anglais, les bibliothèques sont profondes et rassurantes, le style a tout d'un parfait gentleman et rien ne saurait troubler ce bel équilibre assurément voulu par Dieu.

Et puis ...

Et puis, avec Montagu R. James, les nuages commencent à se jouer du soleil, quelque chose se détraque dans le chant des oiseaux, un docte professeur a le tort de partir tout seul à l'aventure, la maison se peuple d'ombres et de soupirs, les bibliothèques révèlent des informations déroutantes, voire démoniaques, le style se confond avec le son de votre coeur qui bat de plus en plus vite sous l'angoisse qui monte, qui monte ...

... pendant que l'Epouvante vous investit tout entier.

Une épouvante qu'admirait et respectait Howard Phillips Lovecraft, ce n'est pas n'importe quelle épouvante. Vérifiez par vous-même : lisez Montagu Rhodes James. ;o)