Cien años de soledad Traduction : Carmen & Claude Durand

On m'avait beaucoup vanté "Cent ans de solitude." Trop sans doute. Comme on avait trop mis l'accent sur la fin du roman qui, pour autant qu'on me le disait, était seule à expliquer le reste de l'ouvrage. Aussi ai-je été déçue.

Non cependant par l'ampleur épique du récit qui nous conte, en un style qui évoque à merveille les paysages et surtout l'atmosphère de l'Amérique du sud, la grandeur et la décadence de la famille Buendia et, à travers celles-ci, les tribulations d'un pays en formation, soumis à des guerres internes avant de se faire officieusement coloniser par les Etats-Unis, avec l'aval du parti conservateur mis en place par Simon Bolivar. (Face à eux, les libéraux, qui en tenaient pour Francisco de Paula Santander. Au bout du compte et en utilisant pour ce faire le personnage du colonel Aureliano Buendia - fils cadet de José Arcadio - Marquez les réunit dans le même sac politique, c'est-à-dire à la solde de la bourgeoisie et des USA.)

Les personnages sont flamboyants et pleins de cette vie si particulière qui anime les héros des grands auteurs sud-américains. On peut même parler ici d'une débauche de vie, de quelque chose d'outrancier et de superbe dont la Mort elle-même ne peut venir à bout puisque les spectres des disparus, que ne parviennent d'ailleurs pas à voir tous les survivants, n'arrêtent pas de hanter la vaste maison fondée puis élargie par José Arcadio Buendia et sa femme, Ursula.

Au premier rang de ces ombres, Melquiades, le gitan mystérieux et tutélaire, "mort aux laisses de la Sonde", qui fera découvrir aux habitants de Macondo d'authentiques tapis volants et lèguera à la famille Buendia une multitude de parchemins rédigés en un langage hermétique que, tour à tour, l'un ou l'autre des descendants mâles du premier José Arcadio tentera de déchiffrer.

En vain jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Au delà de l'ambiance très spéciale du roman, qui mêle le défilement de l'Histoire à un sens aigu du mythique, on peut voir dans la famille Buendia la Colombie elle-même, en tant que terre fertile et bénie des dieux, Grande Mère passive mais redoutable que les hommes, par leur folie, finissent par pousser à bout et qui reprendra ses droits à la fin du roman, après un déluge symbolique qui dura quatre ans. Car sous les yeux du lecteur, lentement mais sûrement, victime d'une malédiction qu'elle porte en elle ou pas, la famille Buendia se détraque : les générations échangent leur prénom, les rejetons légitimes sont élevés avec les rejetons adultérins, les jumeaux s'amusent à troquer leur personnalité, le temps semble tourner en rond, ce qui plonge l'arrière-grand-père et fondateur dans la folie alors que son arrière-petit-fils ne sait pas finalement s'il est amoureux de sa tante ou de sa propre soeur.

Mais pour moi, la fin n'explique pas tout, elle semble plaquée au contraire sur une chronologie fabuleuse : bref, elle me paraît finir le roman sans le finir et l'on croirait l'auteur pris de court.

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? ;o)