C'est ce que je fais pratiquement depuis ma naissance, à tout le moins depuis la mort de notre grand-mère, c'est-à-dire depuis octobre 1967.

Les saumons agissent ainsi pour répondre à un instinct vital : celui de la survie de leur espèce. C'est bien la même chose pour moi.

Toi, tu faisais pareil mais tu n'en avais pas conscience. Trop attaché à notre mère - à croire que le cordon ombilical n'avait jamais été rompu entre nous - tu étais paralysé dans ta remontée du fleuve. Et sur la fin, combien cela a-t-il du être pénible pour toi ... Ce poids, ce poids immense, amorphe, digne d'un monstre lovecraftien, qu'elle représente ...

Je le sens bien aujourd'hui. Sais-tu que, tous les soirs, quand elle m'appelle, elle termine en m'affirmant : "Je prie pour toi !" Mais les prières, pour RM, sont des marchés. Elle ne saurait concevoir une prière gratuite :

- "Seigneur, je vous prie ce soir pour ma fille en espérant que vous passerez l'éponge sur tout le passé, quand prier n'était pas mon souci et la protéger, encore moins."

En dépit des années qui passent, je ne parviens toujours pas à me faire à ces pseudo-croyants qui ne conçoivent la prière que comme un prêté pour un rendu.

Que répondre ? Depuis que j'ai repris l'écriture, le "Ca" et le "Moi" ont signé la paix. Ce que j'écris permet au premier de ne pas prêter attention à ce qu'entend tous les jours le second.

Parfois cependant, le "Ca" se réveille. Quand notre mère me donne des conseils comme celui-ci : "Dans un régime, il faut persévérer !" Elle qui n'a jamais, de sa vie, fait un seul effort pour maigrir d'un seul gramme !

L'autre jour d'ailleurs, il a bondi. Il faut dire qu'elle venait de me demander : "Mais pourquoi te mets-tu dans cet état parce que ton fils n'était pas sage ? ..." Du tac au tac, aiguillonnée par le "Ca", je lui airépondu : "Evidemment, toi, tu ne peux pas comprendre. Tu as toujours eu des enfants exemplaires : et pour cause, nous vivions dans la terreur ! Quant à avoir des enfants autistes, tu n'en as jamais eu : cela, tu me l'as laissé !!"

Elle a fui. Comme d'habitude. Elle m'a passé David.

Mais ça m'avait fait du bien, de lui avoir lancé cela. ;o)