Nous venons d’entamer le deuxième millénaire, qui promet d’être aussi haletant, sinon plus que le précédent qui nous a pourtant bien secoué, avec ses trains qui fonctionnent à 550 Kms à l’heure, ses circuits d’autoroutes qui donnent une envie permanente de bouger, la pilule qui nous permet de nous lâcher au bon moment, les cartes de crédit qui améliorent l’argent de poche, mais creusent des trous surprenants à la banque. On a eu la chance d’assister à une promenade sur la lune, nous avons été témoins des effets de l’explosion d’une bombe atomique, un téléphone si petit qu’il se perd dans le fond de nos poches,,une télévision qui bouscule notre intimité, des améliorations sociales si importantes que, les maris peuvent enfin se reposer des couches de leurs femmes ! Un vent de gaieté qui espère devenir cyclone. Bref, trop de bienfaits au cours de ce millénaire qui possède son contraire. On ne peut pas dire que tout baigne dans l’huile et que les Seniors que nous sommes n’ont jamais fait d’erreur. Il est nécessaire pour la rédaction de cette lettre de souligner ce qui semble ne pas fonctionner parfaitement dans une situation générale que nous te laissons en héritage. Ceux qui sont au crépuscule de la vie qui est celui des bilans reconnaissent qu’a cause de leurs erreurs passées, l’héritage laissé n’est pas aussi brillant. Cette situation te permettra peut-être d’éviter nos erreurs qui ont dévalorisé ton héritage afin que le prochain millénaire soit celui l’harmonie et du bonheur.

Si les seniors que nous sommes ont fait des erreurs, cela a été la faute d’un manque de clairvoyance gonflée d’une incroyable juvénile confiance atteignant le déraisonnable. Notre manque de clairvoyance peut être imagée par notre candide attitude à proximité des urnes. Nous avons basé nos opinions citoyennes, sur la suprématie d’une érudition surfaite minoritaire, d’une élite qui n’est jamais que sectorielle limitée, contre celle de l’expérience générale de la vie, détenue par le plus grand nombre. Nous pensions sincèrement agir dans le bon sens, en buvant comme petit lait les beaux discours appris sur les bancs des grandes écoles. Le problème est que nous avons été longs à nous rendre compte de notre erreur. Il nous a été difficile d’admettre que l’érudition, le savoir, obtenus dans un seul secteur de connaissance, n’est rien si ce savoir est contrarié par une méconnaissance de la vie courante. Nous nous rendons compte aujourd’hui, que si nous avions été moins crédules, nous aurions pu prévoir que le système de répartition des retraites, mis en place aux forceps par idéologie politique plutôt que sociale, serait un jour moribond avec l’allongement de la vie, ce bienfait procuré par les avancées de la science. Tu assistes donc à de nombreux problèmes sociaux pour lesquels, toi, qui représentes le futur, peux demander des comptes. Il y a d’autres raisons d’ordre social qui font qu’un volcan est en permanence prêt à l’éruption dans le secteur social, que nous avons tenté d’étouffer par de toutes petites mesures prises dans l’urgence sans penser aux conséquences futures que causeront notre manque d’aptitude à la gestion politico-sociale. Un exemple entre autres est la mobilisation en masse, dans nos armées, de tirailleurs, africains, algériens, marocains et autres, qui sont morts pour notre pays, dont les enfants, ont de ce fait, le droit, de se dire français au même titre que le nébuleux descendant de gaulois. Ces orphelins de guerre tentent aujourd’hui de survivre dans des cités devenues ghetto. Rien n’a été prévu et entrepris, pour éviter le violent malaise de cette jeunesse que nous subissons,en partie à cause d’un manque de clairvoyance flagrant .Et du même manque chez nos grands bâtisseurs, qui ont construit ces vastes citées béton dans l’urgence plus financière que sociale,en oubliant ou ignorant que la concentration humaine, provoque la tension qui se transforme en agressivité,lorsqu’elle est alimentée par un mal vivre général. Nous n’avons pas tenté de réagir ? Si nous avons contesté, en commettant une nouvelle grossière erreur. Après 1914 et 1940 nous avons eut quelques doutes prouvés sur le manque de prévoyance long terme de notre érudition. Nous avons fait appel à de puissantes cordes vocales afin de nous faire entendre. Cela a représenté l’effondrement de nos espoirs car nous avons obtenu comme résultats rapides,des grèves sans fin qui ont provoqué de nombreuses faillites, générant des pertes de postes en nombre insupportable qui sont venus grossir l’ appauvrissement social, déjà produit par les guerres pas évitées. On a cherché les causes du mal français dans des neurones ayant perdu leur liberté reconnaissant la grogne, mais en cherchant l’origine partout sauf là ou elle se trouve.

Si la lecture de cette lettre te donne le cafard, tel n’est pas son objectif, elle est destinée à t’imager la situation dans laquelle nous nous trouvons, le pourquoi d’un tel malaise, afin que bien informé tu ne te laisse pas convaincre par des cordes vocales trop développées, ou une érudition de façade qui ne sait pas mieux construire que les premières, qui démolissent pas mal, avec un marteau piqueur nommé contestation. Tu connais l'histoire de ce général victorieux, tout fier de faire défiler les lambeaux de son armée sur les ruines du pays qu’il vient de conquérir .Cela est le principe des grosses voix qui savent se vanter lorsqu’un acquit est obtenu, en se gardant bien de mettre en avant les ruines qu’il a provoqué. Nous les Seniors, nous ne sommes pas très fiers de te laisser une telle situation, mais nous te faisons confiance, ta jeune énergie saura bien construire dans la joie de vivre et dans le respect de la liberté. Ne te laisse pas gagner par une béate crédulité dont le réveil est douloureux. Ne perds jamais de vue que tout homme doit tout d’abord être un saint avant de prétendre vouloir faire une politique qui soit capable de procurer le bonheur dans l’harmonie communautaire. En ce début de millénaire, mon cher junior, c’est un défi, que nous te proposons de relever. FAIRE MIEUX que nous.