A gauche et à droite, d'autres pièces de réception similaires. Une musique que je prends au départ pour des bruits donne une atmosphère feutrée. Des silhouettes se déplacent, là un chien, là un coq, une vache. J'entends aussi des soupirs et des murmures, des rires contenus.
- Vous venez ?
Elle m'entraîne de la main. Tout en marchant, elle laisse glisser l'imperméable, me lâche le temps de le jeter de côté, sans s'arrêter. Les lunettes et le foulard suivent. Je me retrouve tenu par la plus jolie des panthères. Son costume semble taillé pour elle, il laisse amplement respirer ses seins tandis que la queue se trémousse entre ses fesses, à peine séparées par une bande de tissu léopard.
- Alors vous êtes déguisé en homard, mon cher Omar ?
Elle ne me laisse pas le temps de répondre et enchaîne :
- Je crois que vous devriez vous défaire un peu et nous montrer votre déguisement. Vous ne pensez pas ? Laissez-moi faire...
Elle s'arrête, se retourne et entreprend de me déshabiller. Je suis tétanisé, sans compter que j'ai aperçu une table couverte de victuailles derrière elle.
Un homme nu passe à proximité et me murmure :
- C'est votre soir de chance, mon ami. Prenez soin d'elle, elle réclame beaucoup d'affection !
Alors qu'elle va pour descendre mon caleçon, je l'arrête de la main.
- C'est quoi exactement ? Une partouze ?
- A votre avis, Omar ? Si c'était le cas ? Et si je vous demandais de me prendre dans vos pinces en m'administrant quelques coups de queue ?
Immédiatement, le membre susdit se réveille et commence à se redresser. J'attrape ses fesses pour la rapprocher de moi. Ses seins se collent contre mon torse, mon sexe contre son ventre.
- On est obligés de se dire vous ?
- Admettons que dans le feu de l'action vous soyez plus familier, ça ne me dérange pas.
- Alors tourne-toi.
- Attendez.
Elle saisit ma verge, s'assure de sa rigidité avant de la recouvrir d'une capote que je ne l'ai pas vue sortir.
- C'est mieux comme ça, non ?
Puis elle se retourne, m'offrant ses fesses entre lesquelles je m'empresse de pénétrer après avoir rapidement écarté le bout de tissu léopard et la queue.
Un couple vient se placer à proximité pour nous observer. Ils sont nus mais lui porte un masque de sanglier. Elle est à genoux, lui fait une fellation sans nous quitter des yeux, moi et ma compagne.
De mon côté, je suis un peu perturbé. Ce n'est pas si agréable que j'aurais pu l'espérer ou le fantasmer. Derrière le couple en action, je vois la table et ses plateaux de charcuterie, ses fruits, ses pains surprises... Tout cela fait que mon ventre gargouille de plus en plus. Heureusement, ce bruit se fond assez bien avec l'environnement sonore.
Ma compagne semble aprécier notre petite aventure, elle se cabre, soupire, pousse de petits cris, m'encourage à continuer en étant plus dynamique. Ca fait plusieurs semaines que je n'ai pas fait l'amour et je sens que je ne vais pas durer très longtemps. Le sanglier a d'ailleurs été plus rapide que moi sur ce coup. En attendant, j'ai repéré un pâté en croûte à peine entamé que je me propose d'embarquer d'une manière ou d'une autre. Il va me falloir trouver un sac et mes commissions seront faites pour la semaine !
Dans un cri de gorge rauque, j'attrape les hanches de ma partenaire pour jouir en elle. Puis je m'affale contre la cloison, vidé de toute énergie, de petites étoiles devant les yeux.
- Merci monsieur Omar, c'était très bien.
- Pour moi aussi.
- Ca va ?
- Un peu crevé... faut que je mange un bout.
- Je vais vous chercher ça, ne bougez pas.
Elle fait glisser rapidement sa main sur ma joue humide de sueur, se penche et me murmure :
- Je vais prendre soin de toi, mon crustacé. J'ai encore besoin de tes services.
Je la regarde s'éloigner vers le buffet. La démarche féline ne semble pas simulée. Elle lui va comme un gant. Bon... où est-ce que je vais trouver un sac ? Je me vois mal récupérer une capote pour y mettre les fruits de mon larcin. Je rejoins la panthère devant une jarre remplie de queues de langouste. J'en attrape une et la dévore en deux bouchées.
- Vous êtes cannibale, Omar ?
- Comment tu t'appelles ?
Un long silence suit pendant lequel elle dispose quelques olives sur l'assiette. Puis sa voix se transforme en un murmure grave, dénué de la sensualité qu'elle a utilisée jusque là pour me parler.
- Je m'appelle pas. C'est plus simple. Je me donne au premier venu, ça te suffit pas ?
- C'est comme tu veux. Où est-ce que je peux trouver un sac ?
- Un sac ? Pour quoi faire ?
- Mes courses. Je vais remplir le frigo avec les restes.
- Quels restes ?
- Ceux que vous allez laisser... j'anticipe.
Elle rit, un rire clair qui vient tout à coup frapper les murs pour couvrir la musique et les soupirs. Un type déguisé en ours se retourne pour nous regarder un instant avant de se remettre à l'ouvrage sur une lapine immaculée.
- Je reviens.
Miss panthère se dirige vers un salon du seuil duquel un homme en costume sombre lui fait signe. Je ramasse une chemise, noue les manches pour m'en créer un sac avant de commencer à le remplir de nourriture. Ca ne suffira sans doute pas, je vais devoir trouver un autre moyen d'emporter à manger. Je charge sans me préoccuper de savoir si tout cela va tenir dans les frigo de madame Corroy, au foyer. En peu de temps, je suis rhabillé et je prends mon sweat-shirt pour emmener d'autres provisions.
Derrière moi, des bruits de bagarre, de coups. En mangeant deux toasts superposés pour l'occasion, je jette un oeil. Mon amie panthère semble avoir des problèmes. Un type petit en costard gris lui donne de grandes claques tandis qu'un autre la tient. Je pose le sac et les rejoins en quelques pas. Le petit est vite hors d'état de nuire. Le grand est un peu plus coriace, il rate de peu ma mâchoire et essaie de m'attraper à bras le corps. Je lui refile un grand coup de genoux dans l'entrejambe avant de doubler par un coup de boule dans le menton. Le type recule, s'adosse à la cloison en respirant fortement. Il glisse, se retrouve accroupi et me regarde en gémissant. La panthère se relève, me repousse d'une main et se dirige vers le fond du couloir avant de rebrousser chemin et me rejoindre, affolée.
- Faut qu'on s'en aille, vite !
Pas de chance, j'ai déjà le canon d'un flingue sur la tempe. C'est la première fois et j'aimerais que ce soit la dernière. Le petit mec qui frappait la panthère s'est relevé. Il la prend par la main, vient jusqu'à moi et me colle un grand coup de pied dans le tibia. Je pousse un cri de surprise et de douleur.
- La prochaine fois, c'est une bastos, connard. Casse-toi.
Comme je mets du temps à obtempérer, l'autre appuie un peu plus le canon en armant le chien. Je fais trois pas en arrière, ramasse mes trésors de guerre et me dirige vers la sortie. Au moment de passer la porte, je vois le regard de mon amie panthère, un regard de bête prise au piège, un regard douloureux.
Je referme et descends les escaliers. Chacun ses problèmes.