J’accorde plus de crédit à l’idée de ce qui fédère plutôt qu’à l’idée de ce qui rassemble.

L’on ne rassemble pas autour d’un régime politique, d’un système économique, d’une idéologie ou d’une pensée, des gens d’origines ethniques, de sensibilités, de cultures et de modes de vie très différents les uns des autres.

 C’est pourtant ce qu’on tenté de faire des régimes de dictature, des rois, des princes, des généraux d’une armée ; ou même d’autres régimes politiques tels que des démocraties ou des républiques, dans des états aux frontières sans cesse mouvantes au gré des traités, des alliances ou d’arrangements dynastiques, économiques ou stratégiques. Frontières d’ailleurs, souvent mal définies et ne tenant compte ni de la langue parlée par les gens ni de la géographie.

 Par contre lorsque des réalités de la vie quotidienne directement vécues par les gens, deviennent très sensibles, alors ce sont bien ces réalités qui s’imposent d’elles mêmes en tant que moteurs d’une révolution ou d’un changement important. Si, par exemple, tu gagnes 60 euros par mois dans un pays d’Afrique, d’Amérique ou d’Asie et que du jour au lendemain, ce dont tu te nourris (galette de maïs ou bol de riz) te coûte plus que tu ne gagnes en travaillant ; c’est bien cette réalité là, et elle seule, et tout ce qui lui est liée, qui va « fédérer » des gens d’origines ethniques ou culturelles aussi nombreuses que diverses.

 Prétendre rassembler est une imposture… Ou une forme d’exercice du pouvoir visant à uniformiser par la force, à « formater » une société, un pays (et pourquoi pas le monde). Mais fédérer c’est se lever, s’insurger en face d’une réalité inacceptable, en entraînant derrière soi et avec la participation de quelques uns à l’action que l’on mène ; des gens qui, de toute évidence, ne peuvent être « rassemblés », mais sont unis dans la même souffrance, la même privation de liberté, le même besoin d’exister… Fédérer, je le conçois, n’est pas gouverner, édicter des lois ni former un projet de société. Mais c’est peut-être par là qu’il faut commencer… Avant de prétendre rassembler.

 Autour de la réalité d’une souffrance, d’un besoin ou d’une aspiration jamais encore pris en compte, il y a une œuvre commune à réaliser entre gens de pensées, de cultures et de modes de vie différents.