Le Blog du Merdier

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

samedi, août 8 2015

Madame Roland, une femme en révolution

Par Pierre Cornut-Gentille

Collection tempus, éditions PERRIN, dépôt légal mars 2015

L'auteur :

Pierre Cornut-Gentille est un homme politique Français né le 26 juillet 1909 à Brest, et décédé le 21 janvier 1992 à Paris.

Il a été licencié en droit et ès lettres, diplômé de l'Ecole Libre des Sciences Politiques, diplomate, préfet et haut commissaire.

Avocat, il a publié chez PERRIN L'Honneur perdu de Marie de Morell, La Baronne de Feuchères et Un scandale d'Etat. L'affaire Prince.

Dans ce livre "Madame Roland", il dresse le portrait d'une femme, d'une aventure intellectuelle, mais le livre est aussi celui d'une analyse vivante de la Révolution française.

Quatrième de couverture :

Etre une femme engagée dans l'action politique, telle fut, en un temps où le gouvernement n'était pas l'affaire des femmes, la profonde originalité de Marie-Jeanne Phlipon, épouse Roland, guillotinée pour ses idées et son action le 8 novembre 1793, à 39 ans.

Ecrivain au talent éclatant, collaboratrice de son mari deux fois ministre de l'Intérieur, encyclopédiste, amie et conseillère de plusieurs hommes jeunes qui firent la Révolution, comme Pétion, Brissot, Louvet, et amoureuse passionnée de l'un d'entre eux, Buzot, Madame Roland a tenu tous les rôles que l'accélération foudroyante de l'histoire lui présenta.

Emportée dans la chute de ses amis girondins, elle fit preuve, face à la mort, d'un stupéfiant courage. Sa correspondance et ses Mémoires offrent un prodigieux exemple des enchaînements du coeur et de la raison chez une femme habitée par la passion du bien public.

Un extrait, page 196 :

"Des rumeurs alarmistes circulent. La Fayette déploie ostensiblement la Garde Nationale. Dans la matinée du 17 juillet 1791, Marie Roland écrit à Bancal : "les matériaux de l'insurrection et de la guerre civile s'amassent... Le feu éclatera au premier instant"... /...

Vers 7 h du soir, profitant de cette belle soirée d'été, plusieurs milliers de Parisiens se promènent en famille parmi les pétitionnaires quand surgit, drapeau rouge en tête, la garde nationale commandée par La Fayette. Que s'est-il passé? Quelques pierres lancées vers la troupe ? Un coup de fusil parti dans la foule ? Toujours est-il que la garde nationale ouvre le feu sans les sommations réglementaires. La fusillade nourrie (six à sept décharges selon Mme Roland) laisse sur le sol plusieurs dizaines de morts et de blessés.

"Le deuil et la mort sont dans nos murs", écrit Marie, "la tyrannie s'est assise sur un trône souillée de sang".

Mon avis :

Quand on pense à tout ce qui se pratique de nos jours, dans l'arène qui est celle de la politique, de l'actualité, des milieux journalistiques, artistiques... En matière de diffamation, d'injures, de rumeurs, de campagnes de dénigrement... Ce qui se passait dans ces mêmes arènes durant l'époque révolutionnaire entre 1789 et 1795 ; était aussi cruel, aussi violent, aussi ordurier, sinon davantage encore puisque l'on en venait à se présenter dans les salles d'assemblée, avec un poignard ou un pistolet sur soi...

Le "Père Duschesne" par exemple, était une feuille bien plus "incendiaire" que le "Canard Enchaîné" ou que "Charlie Hebdo"...

J'ai déjà dit que la Constituante, que la Législative et que la Convention, étaient "des paniers de crabes". Condorcet et Madame Roland durant le temps de ces assemblées et de tous ces débats agités, furent on peut dire "des esprits éclairés" parmi quelques autres "dans le tas"...

Mais il faut cependant se mettre dans le contexte de cette époque de la Révolution et de la Terreur, pour comprendre si l'on veut, même si elles nous horrifient, toutes ces violences...

Il n'est pas sûr, pas sûr du tout, que de nos jours, ou dans un avenir plus ou moins proche, que tout cela ne se reproduirait pas...

L'orgueil et la haine, ça pue autant en 1793 qu'en 2015. Il n'y a que l'environnement qui a évolué : en 1793, il y avait "Le Père Duchesne" et en 2015, il y a Internet...

Mais c'est vrai, en France en 2015 il n'y a plus la guillotine comme en 1793... On va dire que "c'est un progrès"... Mais... que d'armes en circulation... Et tous ces silences, tous ces murmures, qui sont de véritables bombes à retardement ! (Ou même des sortes de guillotines prêtes à surgir sur la place publique )...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

dimanche, juillet 26 2015

La grande histoire du monde arabe

D'Alexandre le Grand à l'islamisme radical, par François Reynaert, diplômé de de l'Institut d'études politiques de Paris, journaliste au Nouvel Observateur.

Le résumé que je fais, du livre :

Du début du 16 ème siècle jusqu'à la fin du 20 ème siècle, l'Europe avec tout d'abord le Portugal et l'Espagne, puis l'Angleterre, la France, les Pays bas, la Prusse, l'Autriche Hongrie, l'Italie et la Russie ; et à partir de la fin du 19 ème siècle les Etats Unis d'Amérique occupés depuis le 17 ème siècle par les Européens en majorité des Anglais... Constitue un ensemble de pays qui a dominé la planète et dont la civilisation, la technologie, les modes de vie, la culture, la politique ont "fait les livres d'Histoire" comme si l'Histoire n'était "que l'Histoire du monde vue par les seuls Européens"... Laissant de côté, du moins en partie, le "moment arabe" du 7 ème au 13 ème siècle, le temps de l'Empire Mongol avec Gengis Khan et ses successeurs aux 13ème 14ème siècles ( 33 millions de kilomètres carrés, alors que la Russie dans sa plus grande expansion n'en faisait que 17 millions de km carrés); et le "moment Ottoman" de 1453 avec la prise de Contantinople jusqu'à la fin de la première guerre mondiale en 1918...

... Sans parler des autres grandes civilisations anciennes d'Amérique du Sud, d'avant l'arrivée des Espagnols au début du 16 ème siècle, et des civilisations de l'Inde, de l'Asie du Sud Est, de l'Indonésie, de l'Afrique (empires du Mali, du Congo, bien avant l'arrivée des Européens)...

Ce sont en fait les historiens, géographes et chroniqueurs Européens, qui, au fil des conquêtes et des découvertes de lointains pays, ont écrit (et surtout interprété en conquérants, en découvreurs, en "porteurs de la civilisation Chrétienne") l'Histoire des peuples de ces pays éloignés de l'Europe, peuples qu'ils ont dominé et asservi en fonction de leurs intérêts stratégiques, économiques, tout cela dans une compétition guerrière entre grandes nations ou empires...

Les historiens européens et les peuples européens -et c'est d'ailleurs ce que l'on apprend à l'école- se réclament de l'héritage Gréco Romain, du temps où tous les pays autour de la Méditerranée constituaient le vaste empire Romain...

De l'Orient à partir de la séparation en 395, de l'empire romain en deux parties distinctes jusqu'à nos jours, nous n'avons de cet Orient pour bon nombre d'entre nous, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Espagnols, Européens, que quelques connaissances encombrées de clichés... Alors que Bagdad en l'an 800, avait un million d'habitants et était le centre d'un vaste ensemble économique, de marché, de culture, de savoirs, d'art et de culture.

Tout bascule (les équilibres géo politiques qui arrivaient à se maintenir notamment avec l'empire Ottoman, grand ensemble de peuples et de religions coexistant sous l'administration Ottomane) dans les premières années suivant la fin de la première guerre mondiale, avec les mandats, les protectorats Anglais, Français, sur le Liban, la Syrie, l'Egypte, la Palestine, l'Irak... Les grands vainqueurs de la guerre ont décidé, arbitré en fonction de leurs seuls intérêts en promettant la liberté, l'indépendance, à des peuples qui avaient jadis subi la domination Ottomane... Les promesses n'ont pas été tenues, les traités ont été bafoués, et les richesses de ces pays libérés de la domination Ottomane ont été pillées, ont fait l'objet de tensions et de conflits entre grandes puissances Européennes... Et la seconde guerre mondiale "n'a pas arrangé les choses"...

En somme, tout ce qui se passe aujourd'hui au début du 21 ème siècle dans cette zone géographique que l'on appelle "le croissant fertile", l'un des berceaux des grandes civilisations de la planète, est le résultat de la politique désastreuse, inconséquente et prédatrice menée depuis la fin de la première guerre mondiale par les vainqueurs de cette guerre...

L'Europe, avec ses 500 millions d'habitants en 2015, ne représente plus que 1/14 ème à peine de l'ensemble de la population de la planète, alors qu'au début du 16 ème siècle avec 100 millions d'habitants elle en représentait 1/5 ème... L'avenir est donc aujourd'hui désormais, davantage du côté des 13/14 ème que du côté du 1/14 ème, autant sur le plan économique, technologique, scientifique, que culturel...

Extraits :

Page 318 et 319 :

Au tournant des XVIII e et XIX e siècles, le monde ottoman sent virer le vent de l'histoire. Il ne va pas rester sans réagir. De nos jours encore, la plupart des Occidentaux n'ont aucune conscience de cet aspect des choses. L'orientalisme vu par les Européens, continue à sévir. Dans les esprits Européens, l'Empire Ottoman du XIX ème siècle et ses provinces arabes sont toujours ces pays sortis de l'histoire, des fruits secs tombés de la branche depuis si longtemps que l'Occident, fort de son progrès, n'a eu qu'à se pencher pour les ramasser. Cette idée est fausse. L'arbre a toujours de la sève. Les défaites militaires de l'empire, son démenbrement progressif ou encore le débarquement des Français à Alexandrie sont autants de chocs qui le réveillent et le stimulent. Le XIX ème siècle de l'Orient n'est pas un siècle mort, bien au contraire. D'Istanbul au Caire, de Tunis à Salonique, on assiste à un bouillonnement à tous les échelons des sociétés, du plus haut au plus modeste.

Page 439 :

Si surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, l'idée même d'une identité arabe est presque neuve. Pendant des siècles, explique Eugène Rogan, un Egyptien, pas plus qu'un habitant de la Syrie, de Tripoli ou d'Alger, ne se considérait comme "arabe" et aurait plutôt mal pris qu'on le désigne ainsi. Chacun se définissait par rapport à sa famille, son clan, son village d'origine ou son appartenance religieuse. Un Arabe, c'était un habitant de la péninsule Arabique...

... Et c'est là, à mon sens, cette réalité encore d'actualité, l'idée d'une "identité arabe" même embryonnaire et toute neuve, qui, même encore pouvant se constituer à partir de l'Islam et de ce qu'il y a de "fondamentaliste dans l'Islam", et de la langue arabe , de la culture arabe...Qui fera que l'Etat Islamique en tant qu'état constitué, administré, régi et pouvant s'étendre aussi loin autour de lui qu'il le pourra ; échouera finalement, comme a fini par éclater l'empire Ottoman, en fait, tous les grands empires qui ont régné sur des peuples se définissant par rapport à une famille, un clan, une appartenance religieuse... Parce que le clan, le groupe social, la famille, le village, la tribu, tout cela constitue la seule réalité naturelle, la seule réalité "durable", vraiment durable... La preuve : jusqu'au Néolithique, c'est ainsi qu'a fonctionné la société humaine d'un bout à l'autre de la planète durant des dizaines de milliers d'années, selon un principe de relation, de relation avec les autres humains et êtres vivants, avec les choses "du ciel et de la terre"...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

samedi, juillet 25 2015

La Résidencia (suite à "une enfance de Jésus", de JM Coetzee)

      Parmi les gens de la Résidencia, il en est certains d'entre eux qui, avant d'être à la Résidencia, ont été -un temps- au début de leur "vie active", dans les Barres Est voire même mais plus rarement, dans les camps... Ils ont par la force des choses bon gré ou mal gré... "adhéré au Système"... Et sont donc devenus "prospères" sinon "relativement à l'aise" et "policés", et se sont en quelque sorte "désolidarisés" des gens des Barres Est et des gens des camps... Ils disent d'ailleurs à propos des gens des camps : "les Cacalis", les "Romanichels", les "voleurs de poules"...

Cependant, et c'est là une vérité éternelle, éternelle et intemporelle, la bonté dans un monde globalement sans bonté, est de toutes les Résidencia, de toutes les Barres Est, de tous les camps... Mais la bonté est comme un drôle de gosse qui fait et dit des choses pas comme les autres ; qui, aux yeux des gens, de la plupart des gens de la Résidencia, des Barres Est, et des camps.. Est comme "une fille cacali juchée sur un vieux vélo avec des cartons à dessin sur son porte bagage", à la quelle on largue au passage, avec une certaine condescendance, un petit sourire...

... Cela dit, à propos de ce que je disais plus haut "les gens de la Résidencia"... C'est "un état d'esprit" beaucoup plus en réalité, que "une façon de penser par sensibilité/opinion personnelle", un état d'esprit donc, que je combats... Un état d'esprit qui est (souvent) celui des gens de la Résidencia et qui consiste en gros, à rejeter, mépriser, maudire ces "cacali/ces romanos" pour des raisons qui "sont ou seraient justifiées en partie...

Un état d'esprit c'est une chose, une sensibilité/opinion personnelle en est une autre... C'est bien un état d'esprit, que je combats...

Mais je combats tout autant toute forme de prédation d'autant plus qu'à la prédation s'associe de l'agressivité, du sans-gêne, de la vulgarité (et en ce sens, les pauvres comme les riches, les exclus comme les élus, ne sont pas toujours des anges loin s'en faut!)...

La générosité, la bonté, le pardon, la mansuétude, ce ne sont pas des tapis sur lesquels on fait sa crotte sans vergogne , ce sont des valeurs intemporelles, et dans la relation que l'on a avec ses proches, ses connaissances, et plus généralement les gens que l'on rencontre, la "vocation" de la bonté c'est sa force agissant comme un moteur, plutôt que sa faiblesse sous la forme d'un tapis sur lequel on essuie ses pieds, qui en fait le sens... de la bonté...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, juillet 24 2015

Une enfance de Jésus, de JM Coetzee

Le livre, tel que je le résume :

David, un jeune garçon âgé de cinq ans, et Simon, un homme d'environ 45 ans qui est le protecteur de David, arrivent d'on ne sait où après une longue traversée en bateau, dans un camp de "nouveaux arrivants", Belstar...

David sur le bateau durant la traversée, avait une lettre dans laquelle se trouvait le nom de sa mère, et qui disait d'où il venait, mais cette lettre a été perdue...

Au camp de Belstar, les Autorités attribuent au jeune garçon le nom de David et à l'homme le nom de Simon, et leur donnent une date de naissance en fonction de l'âge qu'ils paraissent avoir, David cinq ans, et Simon 45 ans. Ils apprennent l'Espagnol, la langue parlée dans le pays, et on leur dit qu'ils commencent une vie nouvelle, une vie dans laquelle les souvenirs sont "lavés"...

Simon et David quittent le camp, traversent un désert et parviennent à Novilla, une ville située au nord de Belstar, où ils sont accueillis et hébergés dans un Centre pour Nouveaux Arrivants. Les services publics de la ville leur fournissent un logement sans loyer dans "les barres Est", une allocation de 400 "réaux" et aident Simon à trouver un travail, un emploi de docker sur le quai numéro 2, là où l'on décharge des sacs de grains des cales des cargos.

Se sentant âgé, Simon craint de ne pas pouvoir exercer longtemps durant de longues journées, un travail aussi éreintant. Mais il y parvient, et Alvaro, le contre maître, devient son ami...

La grande préoccupation de Simon est de retrouver la mère de David, qui, selon lui, Simon, a dû elle aussi, comme tous les "nouveaux arrivants", passer par le camp de Belstar et peut-être parvenir à Novilla, puisque dans cette ville portuaire, et relativement importante, il y a du travail...

A la "Résidencia" un lieu où vivent des gens "prospères et policés", Simon rencontre Inès, une jeune femme d'une trentaine d'années, et, par "intuition" comme il dit, déclare qu'Inès est la mère naturelle de David. Simon confie David à Inès qui accepte de le prendre chez elle, mais suite à un désaccord avec Diégo, l'un des frères d'Inès ; Inès et David s'installent dans le petit logement de Simon, des "Barres Est", logement que cède Simon pour aller s'installer ailleurs, sous un abri de fortune le long des quais... Mais en fait, Simon vient souvent voir Inès et David et, à eux trois, ils forment comme une famille...

L'éducation de David pose problème : David ne veut en faire qu'à sa tête, il apprend à lire dans un livre "Don Quichotte", il écrit des signes et des traits à sa manière, déconcerte le Senior Léon son instituteur... L'administration veut l'envoyer dans un centre éducatif spécialisé qui ressemble à une prison ; Simon et Inès refusent et décident de partir ensemble avec David pour fuir les Autorités... Ils empruntent la voiture de Diégo, le frère d'Inès, traversent de nouveau un autre désert, mais un désert moins aride, suivant une route très longue qui mène au nord du pays...

Réflexion personnelle :

L'un des meilleurs livres, à mon avis, de John Maxwell Coetzee... Mais à la vérité, quels autres des livres de cet écrivain Sud Africain né au Cap en 1940, seraient "moins meilleurs" ?

L'on y retrouve ici, dans Une enfance de Jésus, la même densité, la même profondeur et richesse de pensée, peut-être ici accentuée, renforcée par un questionnement quasi permament tout au long du livre, un questionnement sur le sens, sur le "non sens" aussi, des choses, de l'existence, de la relation...

L'on y retrouve également, comme dans ses autres romans, les mêmes thèmes évoqués, à savoir tout ce qui tourne autour d'un malentendu, ce qui a trait au langage, à la filiation, à ce que l'on appelle "l'identité", à la détresse, à la solitude, à la fragilité de l'être, au destin, à la marginalité...

En somme ce roman Une enfance de Jésus, déposé en Août 2014, éditions du Seuil, en collection poche "Points" ; est "d'une très grande actualité"...

La Résidencia, les Barres Est et les camps, sont bien la représentation des trois types d'habitat -ou de lieux de vie- principaux, dans le monde d'aujourd'hui...

La Résidencia, avec ses lotissements de maisons individuelles des "zones rurales urbanisées" ou péri-urbaines, ses bâtiments entourés de carrés de verdure et d'arbres d'agrément, où l'on entre par une porte sécurisée avec un digicode, où vivent des gens "prospères et policés"...

Les Barres Est, qui sont ces bâtiments de type HLM où vivent des gens qui ont des emplois peu payés, ou se trouvent au chômage ou reçoivent des allocations, des aides sociales...

Les camps, où vivent les réfugiés, les gens "venus d'un pays en guerre", les "nouveaux arrivants" qui ont traversé des déserts et des mers, fuyant la misère, la famine, les fronts de guerre et les bombardements, les viols et le pillage ; et aussi les réfugiés des catastrophes climatiques... Soit dit en passant, ce sont les pays les plus limitrophes des zones de guerre et de combats, qui ont les camps les plus immenses, où s'entassent dans des conditions d'hygiène et de vie, sous des tentes, des abris de fortune, des dizaines de milliers de gens...

Si ces pays là, tels que le Liban, la Jordanie entre autres, arrivent à concevoir l'existence de ces camps sur leur territoire alors qu'ils n'ont pas les moyens matériels, l'argent nécessaire et les équipements qu'il faut... Alors comment se fait-il que dans la "riche Europe" on n' arrive qu'à concevoir que de tous petits camps en nombre limité pour n'accueillir que quelques uns de tous ces "nouveaux arrivants" ?

Extraits :

Chapitre 11 page 119 :

Rester décent et propre pose problème. Il se rend au gymnase dans les Barres Est pour se doucher ; il lave ses vêtements à la main et les fait sécher sur les cordes à linge des Barres Est. Il n'a aucun scrupule à le faire -après tout, il est encore sur la liste des résidents-, mais par prudence, et ne voulant pas tomber sur Inès, il ne vient qu'après la nuit tombée.

Chapitre 27, page 316 :

Le senior Daga me fait des cadeaux. Toi et Inès, vous ne me faites jamais de cadeaux.

Ce n'est pas vrai, mon garçon, pas vrai et pas gentil. Inès t'aime et s'occupe de toi, et moi aussi. Alors qu'au fond de son coeur, le senior Daga n'a aucun amour pour toi.

Si, il m'aime! Il veut que je vienne habiter avec lui! Il l'a dit à Inès et Inès me l'a dit.

Je suis sûr qu'elle ne le permettra jamais. Ta place est avec ta mère. C'est pour ça qu'on s'est battus tout ce temps. Le senior Daga peut t'éblouir, il peut te fasciner, mais, quand tu sera plus vieux, tu te rendras compte que les gens éblouissants et fascinants ne sont pas forcément des gens bien.


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, juillet 23 2015

Vers l'âge d'homme, de John Maxwell Coetzee

John Maxwell Coetzee est un écrivain Sud Africain né le 9 février 1940 au Cap...

Un écrivain sans parti pris qui ne suit pas de courant idéologique ni de mode, et ne verse pas dans le manichéisme (opposition entre le bien et le mal)...

Le cadre historique et l'environnement où évoluent personnages et situations, n'apparaissent dans ses récits qu'en toile de fond et ne constituent pas l'élément fondamental ou principal... Et encore moins, la réflexion dialectique...

L'auteur transpose les problèmes qu'il traite, à la manière d'un artiste peintre composant un tableau. Mais un tableau réaliste, dont les images sont pures, dures et d'une cruelle ou tragique lucidité... Et en même temps l'on perçoit bien dans l'écriture de l'auteur, de la candeur et de la pudeur, et de la discrétion...

"Vers l'âge d'homme" c'est l'histoire d'un homme alors âgé de vingt à vingt-quatre ans (en fait l'auteur lui-même) pris dans les engrenages d'un système dont il est en même temps victime et complice... Un homme fébrile, questionnant et au destin particulier...

... Voici quelques extraits de "Vers l'âge d'homme"... qui ont particulièrement retenu mon attention :

..."La poésie ne consiste pas à lâcher la bonde aux émotions, mais à échapper à l'émotion", dit Eliot dans une phrase qu'il a recopiée dans son journal. "La poésie n'est pas l'expression de la personnalité, mais un moyen d'échapper à la personnalité". Puis après coup, Eliot ajoute amèrement : "Mais seuls ceux qui ont de la personnalité et des émotions savent ce que c'est que d'y échapper".

Il a horreur de déverser sur la page un simple flot d'émotions. Une fois ce flot lâché, il ne saurait comment l'arrêter. Cela serait comme si l'on sectionnait une artère et qu'on regarderait le sang jaillir et couler. La prose, heureusement, n'exige pas d'émotions : il faut lui reconnaître ça. La prose est comme une étendue d'eau calme et plate sur laquelle on peut tirer des bords à loisir, en laissant le dessin du sillage sur la surface.

... Danser n'a de sens que lorsque l'on peut l'interpréter comme symbole d'autre chose, fait que les gens préfèrent ne pas admettre. C'est l'autre chose qui est réelle : la danse n'est qu'un camouflage. Inviter une fille à danser, cela veut dire qu'on l'invite à coucher ; accepter l'invitation, cela veut dire qu'on accepte de coucher ; danser, c'est mimer l'acte sexuel, l'anticiper. Ces correspondances sont si évidentes qu'il s'étonne qu'on prenne même la peine de danser. Pourquoi tout le harnachement, pourquoi les mouvements rituels, pourquoi cette comédie ?

... Pourtant, avant de pouvoir oublier, il faudra qu'il sache quoi oublier ; avant d'en savoir moins, il faudra qu'il en sache plus. Où va-t-il trouver ce qu'il lui faut savoir? Il n'a aucune formation d'historien, et de toute façon ce qu'il cherche ne se trouvera pas dans les livres d'histoire, puisque cela appartient au quotidien banal, aussi banal que l'air qu'on respire. Où va-t-il trouver ce savoir ordinaire d'un monde disparu, un savoir trop humble pour même savoir que c'est un savoir ?

... Lui et Ganapathy sont les deux faces d'une même pièce : Ganapathy qui meurt de faim, non parcequ'il est coupé de sa mère patrie, l'Inde, mais parce qu'il ne mange pas comme il faut, parce que, malgré son diplôme de maîtrise en informatique, il ne sait rien des vitamines, des sels minéraux et autres acides aminés ; et lui, pris dans une fin de partie débilitante, où chaque coup l'accule davantage et le rapproche de la défaite. Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."

John Maxwell Coetzee a reçu pour l'ensemble de son oeuvre, le prix Nobel de littérature en 2003...

De tous les prix littéraires qui existent et sont chaque année décernés en France et dans le monde, le Nobel de littérature est le seul pour lequel j'ai, disons, "une certaine considération" (et qui pour moi a du sens)... Car il qualifie l'ensemble de l'oeuvre de l'écrivain, et non pas seulement, comme par exemple pour le prix Goncourt ou le prix Renaudot, un ouvrage de l'auteur...

D'ailleurs, il y a à mon sens, beaucoup trop de prix littéraires... Cela va des plus "prestigieux" (en fait des tous premiers qui ont existé dans le passé) jusqu'aux plus "impossibles" (comme par exemple ces si nombreux "petits prix" de diverses associations d'écriture ou clubs ou différentes sociétés d'édition et de littérature/poésie)...

C'est au salon du livre du Festival International de Géographie à Saint Dié dans les Vosges, que j'ai acheté ce livre "Vers l'âge d'homme", de JM Coetzee... J'avais déjà lu "Scènes de la vie d'un jeune garçon" ... Et après coup, ayant lu dans les deux jours qui suivirent le festival, "Vers l'âge d'homme", j'ai regretté de ne pas avoir aussi acheté les autres livres (dans la collection poche "Points") de JM Coetzee...

Je peux dire que "Vers l'âge d'homme" m'a vraiment bouleversé, marqué, et que tout ce qu' exprime l'auteur dans ce livre, rejoint d'une certaine manière le regard que je porte moi-même sur tout ce que j'observe des gens, du monde, des évènements, des situations... Tout cela, oui, n'est bien que "le fond général du tableau" (et non pas l'essentiel, et encore moins le "définitif" du tableau)... L'essentiel est dans ce qui ne se voit pas, dans ce qui n'est pas exprimé, dans ce qui se fait à l'intérieur d'un être, dans ce qui surgit sous la forme d'un questionnement (j'ai aimé toutes ces phrases en questionnement, dans le livre de JM Coetzee)...

... Quand on sait quel destin fut en réalité celui de JM Coetzee, (il poursuivit ses études, devint professeur de littérature américaine, écrivain et prix Nobel)... l'on peut en effet s'étonner de lire (dernière page de "vers l'âge d'homme") :

"Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."...

Phrase effectivement, d'une noirceur absolue... Car c'est ainsi que le "John" du livre, le personnage central, ("il") entrevoit son destin... (il vient de passer trois années en Angleterre, en jeune homme pris dans un système , un "ordre des choses", dont il est à la fois victime et complice... Et sans cependant s'être trouvé dans le dénuement, n'en a pas moins "mangé de la vache enragée" (surtout sur le plan relationnel et environnemental et moral) jusqu'au jour où il fut confronté au dénuement de son ami Ganapathy, un "exilé" comme lui (mais venu du continent Indien alors que lui, John, venait d'Afrique du Sud)...

Toute la "problématique" si je puis dire, d'une "vision pessimiste" et d'une lucidité aussi tragique... réside peut-être dans le questionnement sur la nécessité (comme dans l'instinct de survie) et sur la difficulté qu'il y a, à se libérer peu à peu, de cette "vision aussi pessimiste et aussi empreinte de réalité tragique"...

Il y a là, à mon sens, un pessimisme absolument "moteur" (et d'autant plus "moteur" qu'il se révèle soutenu par une forme d'humilité, de "remise en question de soi"... et, au fond, de cette lucidité pure et dure comme à l'intérieur d'un creuset avant le travail de l'alchimiste...

Il ne manquerait peut-être là, dans cette dernière phrase du livre, qu'une petite note d'humour (il y a déjà une petite note de dérision)... Mais, à bien "creuser" tout au long du livre, elle s'y trouve bel et bien, la petite note d'humour)...

... Un "très grand livre" donc, que "Vers l'âge d'homme" de JM Coetzee...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

lundi, juillet 20 2015

Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol

En livre de poche, dépôt légal 2 ème trimestre 1967, Gallimard

L'auteur

Jean Pierre Chabrol est né en 1925 à Chamborigaud dans le Gard. Lycéen à Alès, puis maquisard du Bougès, c'est un Cévenol de vieille souche. Après des études en Sorbonne, la sculpture le conduit au journalisme en qualité de dessinateur, puis le croquis l'amène au grand reportage.

Romancier, cinéaste des marins bretons et des mineurs cévenols, Jean Pierre Chabrol, un écrivain parmi les plus fortes personnalités de sa génération, reçoit en 1956, le Prix du roman populiste pour Le bout galeux, puis la bourse de la fondation Del Duca pour Les innocents de Mars et l'ensemble de son oeuvre.

Son roman Les fous de Dieu, sélectionné pour le Goncourt en 1961, n'a cependant pas été couronné, au grand regret d'Aragon...

Il a écrit entre autres livres : Fleur d'épine, La chatte rouge, Les Rebelles, La Gueuse...

Un homme de trop, le livre :

C'est, du lundi 20 juillet au dimanche 26 juillet en 1943, durant une semaine, la vie et l'action d'un groupe de maquisards dans la montagne Cévenole.

Thomas, commissaire technique, s'irrite de ces paradoxes politiques qui imposent la mort et la misère pour d'hypothétiques "lendemains qui chantent"... Il s'interroge sur la nécessité ou non de devoir "éliminer" un prisonnier suspect, cet "homme de trop", libéré avec onze patriotes, du quartier des condamnés à mort de la prison de Sarlande.

En cet été 1943, les maquis Cévenols, comme tous les autres maquis constitués de réfractaires, de rebelles, en général des jeunes ayant refusé de partir au STO (service du travail obligatoire) ainsi que de quelques communistes et anarchistes, et aussi, par exemple, d'enseignants révoqués par l'administration de Vichy... En dépit de quelques actions de commando menées dans les villages contre les occupants et les autorités de la France de Pétain et de Laval... Ne forment pas encore comme en été 1944, une armée organisée et structurée avec des armes lourdes, en face de la puissance Allemande, du pouvoir des Milices et surtout -il faut le dire- des unités de Waffen SS françaises ...

Cette semaine du 20 au 26 juillet 1943, se terminera donc -et hélas- très mal pour la plupart de ces maquisards Cévenols, dont le chef Paulo, cependant, parvient à s'échapper, pris avec "l'homme de trop" et deux de ses compagnons par quatre de ces Waffen SS français chargés de "nettoyer le pays"... Paulo parvient à rejoindre un autre groupe qui se préparait à mener une action d'envergure, et finalement une partie de l'objectif que s'étaient fixé les maquisards est atteinte...

... De tous les livres que j'ai pu lire sur la Résistance, sur les maquis, Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol, est à mon avis l'un des livres les plus vrais, les plus réalistes... A rapprocher d'ailleurs, de Les forêts de la nuit, de Jean Louis Curtis (Prix Goncourt 1947).

Voici un extrait, afin de "donner une idée" du langage, au quotidien, de ces maquisards Cévenols que sont Terrasse, Lambris, Parquet, Chambranle, Cimaise... entre autres personnages de ce livre. Ce sont là, des noms de guerre... :

"Chierie d'espadrilles! .../... pour cavaler sur les trottoirs, comme l'autre nuit, ca gaze, mais quand tu t'amènes sous les châtaigners, dans les pellous, ça te met les arpions en pelote à épingles.

Lambris, un petit rouquin aux cheveux en brosse, à la face bien ronde criblée de taches, avec, sur le front, la cicatrice bleue d'une balafre de la mine, parle en confidence, un bras passé sur les épaules de son inséparable Parquet : ... si encore je pouvais la voir rien qu'une petite minute (la Simone).../... Pour t'attendre, ça, t'en fais pas, elle t'attend! S'esclaffe Chambranle.../... et pas seule, qu'elle t'attend, te tracasse pas, elle chôme pas des fesses, ta Simone!

.../... Tou po pas lui foutre la paix à cé pétiton, s'insurge Cimaise. ...

C'est que la vie, au quotidien, dans le camp en pleine nature sauvage, est rude : le repas principal c'est une grande lessiveuse pleine de nouilles avec l'eau au dessus encore bien chaude... Et du pain...

Il y a dans ce livre, cependant, beaucoup de philosophie et de morale (si l'on peut appeler "morale" cette "autre morale" qui n'a rien à voir avec la morale du sens du monde et de ce qui doit être et se faire, qu'on apprend au catéchisme et qui s'articule sur le Bien et le Mal, en gros la "morale bourgeoise ou conventionnelle qui doit être celle du citoyen qui ne "fait pas de vagues" et qui obéit sagement en "grinçant un peu des dents" ; morale qui exclue, conspue, punit, guillotine, promet à l'enfer, lorsque le "délinquant", le "salaud" "fait quelque chose de vraiment mal ou choque, dérange)...

... Et c'est ce que raconte en sourdine Thomas, le commissaire technique, un soir :

"Une des choses qui déterminèrent ma vie fut la lecture d'un texte de Jean Jaurès. J'étais tombé dessus par hasard à la bibliothèque de l'Ecole Normale. Je n'en suis pas sûr, mais je crois bien que c'était son discours d'Albi, à la jeunesse. J'ai oublié les termes exacts, mais Jaurès expliquait que dans chaque être humain, même le plus avili, même tombé au plus bas de l'échelle sociale, il reste toujours, du grand brasier de l'âme humaine, au moins une étincelle, et qu'on peut, et qu'on doit souffler sur elle non pour l'éteindre, mais pour ranimer le grand brasier de l'âme..."

...La voilà, la "morale", la vraie, celle qui n' a rien à voir avec la morale qui a cours, celle qui n'est pas celle des curés, des hommes politiques, des imans... Mais qui est intemporelle et qui se pratiquait chez des peuples anciens dits "primitifs" vivant en tribus, en collectivités, en groupes, bien avant l'arrivée des religions monothéistes...

Cet "homme de trop", que l'auteur nomme "le type" dans son livre, est en fait un condamné de droit commun, un "simple d'esprit", un frustre, un homme qui a violé et étranglé une femme et a été condamné à mort (à la guillotine) par un tribunal... Lors d'une opération de commando menée par un groupe de maquisards à Pradeilhes, contre la prison, afin de libérer onze patriotes condamnés à mort par un tribunal de la France de Vichy, il se trouve que dans la précipitation de l'action, une douzième porte est ouverte, celle de la cellule du "type"...

Au départ, le "type" est considéré comme prisonnier, mais Paulo le chef de groupe et ses compagnons décident finalement d'éliminer le "type" (Ils venaient de liquider déjà, un milicien prisonnier)...

Mais Thomas, chargé de tuer le "type", hésite et décide de le laisser filer dans la nature... Ce qui va se révéler être une erreur fatale, puisque le "type", revenu au camp "parce qu'il a faim et ne sait où aller", s'enfuit de nouveau par crainte d'être tué, et tombe entre les mains de quatre Waffen SS français embusqués non loin du camp des maquisards...

Le groupe des maquisards venait de réussir un "gros coup", ayant attaqué un train militaire Allemand, tué les soldats allemands, récupéré du matériel de guerre dont une mitrailleuse, des caisses de munitions et de ravitaillement dont ont profité d'ailleurs les habitants de Pradeilhes.

Finalement, Thomas, deux de ses compagnons -et le "type"- pris par les Waffen SS français, dont l'un deux a tout de même pu être tué par Thomas, sont pendus au viaduc du chemin de fer...

Le "type" regrettait alors de ne pas être passé par la guillotine, fou de terreur à l'idée de se balancer dans le vide au bout d'une corde...

... Tout le monde sait qu'il y avait durant la seconde guerre mondiale en France, la zone occupée au Nord et à l'Ouest, et l'Etat Français de Pétain et de Laval, au Sud, avec pour capitale Vichy ; tout le monde sait qu'il y avait dans la France de Vichy et jusqu'à la libération en été 1944, la Milice, une organisation para militaire tout de noir vêtue avec béret sur la tête, chargée de combattre le bolchevisme et le terrorisme... Soit dit en passant, à l'époque, on ne disait pas "des résistants" mais "des terroristes"...

... Cependant, "tout le monde" sait moins qu'il y avait aussi dans la France de Vichy, des unités de Waffen SS françaises, encore mieux équipées, plus féroces, plus "expéditives" dans leurs actions de répression, que les milices... Ces Waffen SS français étaient en fait exactement les mêmes que les Waffen SS Allemands, habillés aussi en noir avec sur la manche et sur la casquette le double lézard blanc en zig zag...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

samedi, juillet 18 2015

Le voyage en France,de Benoît Duteurtre

Gallimard, prix Médicis 2001, dépôt légal novembre 2001

Quatrième de couverture :

Un jeune Américain, épris de culture française, part à la découverte du "pays des peintres et des poètes". Il débarque dans la France d'aujourd'hui, s'égare dans les quartiers touristiques et la ZUP Claude Monet, arpente les plateaux télé et les coulisses de l'édition puis s'enfuit dans un monastère spécialisé en nouvelles technologies...

L'itinéraire de David croise celui d'un Français quadragénaire qui a longtemps rêvé d'Amérique. Tandis que l'Américain s'éprend d'une prétendue reine de la Bohème, le Français tombe amoureux d'une vidéaste branchée.

Conte, récit de voyage, autobiographie et fiction s'agencent dans ce cressendo romanesque qui glisse parfois de l'hyperréalisme au fantastique loufoque.

Un extrait, page 268 :

"L'Européen d'aujourd'hui vit dans cette espèce de schizophrénie. Il grandit dans un décor chargé de souvenirs. Il rêve d'être à la fois d'hier et d'aujourd'hui. Il piétine sous les ombres de son passé, tout en cherchant ses modèles dans un nouveau style mondial, très banal, qui se répand comme un champignon sur les ruines. L'Amérique provinciale se greffe sur l'Europe provincialisée. La beauté se conserve comme une "spécificité culturelle"...

Et, page 274 :

"Sur les pâturages, quelques vaches regardaient le spectacle du crépuscule en s'efforçant de comprendre ce qui se passait. Etait-ce la première fois? Elles ne se souvenaient pas précisément des jours précédents. Elles ignoraient également que les services vétérinaires de la préfecture envisageaint de procéder à leur abattage massif pour soutenir les cours. Impropres à la consommation, elles allaient prochainement servir de combustible dans une cimenterie."

Réflexion personnelle :

De toute évidence, le "Français quadragénaire rêvant d'Amérique" n'est autre que l'auteur lui-même né en 1960 et ayant donc vécu une partie de sa vie (en gros son enfance, sa jeunesse et jusqu'à 40 ans) dans ce que j'appelle "le monde d'avant 1989", ce monde qui entre dès 1990 "en transition" jusqu' au début du 21 ème siècle (2008 on va dire) dans le "nouveau monde" celui du 21 ème siècle.

Benoît Duteurtre fait donc partie de cette génération (celle des nés après la seconde mondiale jusque vers le milieu des années 1970) qui, passé les années 50 du 21 ème siècle, aura disparu du monde des vivants...

Benoît Duteurtre est en quelque sorte, en tant qu'écrivain, romancier plus précisément, un "témoin de son temps", du temps qu'il traverse entre deux mondes... Ce qui veut dire que lorsque tous ceux et celles (écrivains, poètes, penseurs, philosophes, artistes, et plus généralement les femmes et les hommes que nous sommes tous, encore vivants), de ces générations des nés entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin du 20 ème siècle auront disparu... Il ne demeurera plus, du "monde d'avant 1989", que de l'écrit, de l'image, du document, des films, des vidéos, de la photographie, de la musique... Et qu'il n'y aura donc plus de "témoin encore vivant" pour exprimer, dire, raconter de vive voix, diffuser...

Seuls cependant, les enfants, les filles et les fils de tous ces "témoins" disparus, ayant écouté, lu leurs parents, pourront encore transmettre presque comme s'ils avaient eux mêmes vécu dans leur enfance et leur adolescence, cette vie de jadis vécue par leurs parents... Et la transmission, aussi précise, aussi exacte, aussi juste qu'elle pourra l'être -et elle le sera- se diluera dans le temps, s'altèrera par toutes sortes d'interprétations...

... Il y a à mon sens, dans le fait d'être "témoin de son temps" et dans la nécessité, le besoin que l'on a de transmettre... Que l'on soit écrivain, artiste ou femme ou homme de la vie de tous les jours... Une certaine gravité à témoigner, à transmettre, à exprimer, et cela d'autant plus que l'écrit, que l'image, que le document, que la photo, que la séquence filmée... sera désormais durant un temps indéfini (une "éternité provisoire"), une trace...

La "vraie éternité" n'est sans doute pas à mon sens, la "vie éternelle ou le paradis" promis par les religions... Mais la certitude de ce prolongement de nous-mêmes, au delà de notre vie, dans toutes ces vies qui seront... en 2050, 2070, 2100...

Ah, ce bébé de 2015... Il aura cent ans en 2115 !

... Nous sommes la "vie éternelle" des gens qui vécurent à la fin du Paléolithique Supérieur, des gens qui vécurent aux 10 ème, 15 ème siècle de l'ère Chrétienne...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, juillet 17 2015

L'été 76, de Benoît Duteurtre

Gallimard, roman, dépôt légal mars 2011

Quatrième de couverture

"Il y avait pour moi quelque chose d'incompréhensible et de fascinant chez cette fille, seule au milieu de la cour de récréation : elle me ressemblait mais elle ne souriait guère ; elle avait les mêmes taches de rousseur mais les yeux plus ténébreux ; elle ne lisait pas des livres de prêtres engagés sur l'Evangile (les lectures préférées de ma famille) mais des brûlots anarchistes appelant au soulèvement général ; elle ne voulait pas avoir l'air moderne en enfilant des pantalons mais portait une jupe, dégagée de tout mimétisme masculin. A part cela je ne savais rien d'elle, sauf pour avoir entendu, de loin, prononcer son prénom : Hélène."

Une adolescence provinciale dans la chaleur de l'été 1976 : Benoît Duteurtre, en jeune gauchiste à cheveux longs, y découvre avec enthousiasme la musique, l'amour et la poésie.

Après La petite fille et la cigarette, et Le retour du Général, l'auteur revient à la veine autobiographique qui a fait le charme des Pieds dans l'eau.

... Nous sommes là, dis-je, encore en 1976, dans les premières années d'une société "post-soixante-huitarde" de marché en pleine croissance : la "société de consommation" loisirs tendances modes avec pour principaux relais la presse, la télévision, la publicité... Les marques de vêtements, les multinationales, tout cela dans la "toile de fond" des mouvements hippie, de la pop music et de toutes sortes de danses, de styles, de modes de vie "déjantés"...

Un extrait , page 62/63 :

Après le temps de l'expansion sans limites se dessinaient pour la première fois les limites de l'expansion, touchant aux symboles mêmes du progrès. L'avion supersonique ne résisterait pas aux guerres commerciales qui jugeraient finalement plus rentable d'arpenter le globe moins vite, en entassant les humains dans d'énormes fourgons des airs. Et si les premiers pas de l'homme sur la Lune avaient matérialisé un projet extraordinaire, il semblerait bientôt clair que nous ne franchirions jamais les confins du système solaire, déjà bien trop vaste pour nous. L'exploration infinie deviendrait le domaine réservé des films de science-fiction. Le progrès réel se reporterait tout entier sur la miniaturisation : celle des puces et de l'ordinateur personnel, aux magies incontestables, mais un peu plus mesquines dans leur fonction d'organiser la vie quotidienne, de communiquer à distance et de réduire encore le coût du travail. Le temps des rêves ferait place au temps des peurs : aux cataclysmes de l'économie mondiale, comme à ceux de la surpopulation, aux ravages écologiques et aux épidémies incontrôlables – bref, au sentiment général de foncer dans le mur.

On a toujours le sentiment de vivre -entre deux époques- celle qui nous précède et celle qui commence ; mais certains changements sont plus marquants que d'autres. Or ce moment précis où je commençais à devenir un homme coïncide peut-être avec un point de basculement historique : parce que, en 1975, l'idée du progrès infini subsistait comme le mythe dominant, mais que le thème de la crise et du déclin se faisait chaque jour plus présent, annonçant ce dépérissement de la modernité entrevu déjà par quelques esprits avisés.

Réflexion personnelle :

Le monde était fou, il y avait la guerre du Viet Nam, le bloc de la Russie Soviétique et des pays à économie socialiste communiste opposé au bloc des Etats Unis d'Amérique et de l'Europe de l'Ouest, la famine au Biafra... On "baisait à couilles rabattues" (mais ça c'est davantage de la légende que la vraie réalité), on était hippie, anarchiste de gauche, pro Mao Tsé Toung, on faisait des chèques pour la faim dans le monde ; on était poète, contestataire, on écoutait Jean Ferrat, Léo Ferré et Jacques Brel ; les robes étaient chic et courtes et on dansait le Jerk, et "la danse des canards" ; et, même si ce monde là, aussi fou qu'il pouvait être, était aussi violent, aussi injuste... et que déjà pointaient à l'horizon la désindustrialisation, les multinationales, le chômage... Il suffisait d'entendre "à fond la caisse" Je te parie qu'il pleut à Paris" version orchestrale sans les paroles par les Manzano Dreamers ou encore la musique du film Le distrait... si possible en compagnie d'une fille chic... Pour avoir en soi à ce moment là, une impression d'éternité dans le temps vécu, et de ressentir "quelque chose de purement orgasmique", une sorte de "piqûre d'héroïne sans les effets dévastateurs" !


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

samedi, juillet 11 2015

CONDORCET, un intellectuel en politique, par Elisabeth et Robert Badinter

     Né le 17 septembre 1743, décédé le 29 mars 1794, Marie Jean Antoine-Nicolas Caritat de Condorcet, intellectuel et philosophe, fut le défenseur des Noirs et des Juifs, un abolitionniste convaincu et militant... Et il fut aussi le premier intellectuel philosophe homme, à défendre les femmes, à dire que les femmes étaient les égales des hommes en tous points, ce qui, en cette seconde moitié du 18 ème siècle, n'était pas encore d'actualité...

Homme de sciences, mathématicien renommé dans toute l'Europe du 18 ème siècle, il fut aussi un homme politique de premier plan à partir de 1789, à la Constituante, à la Législative puis à la Convention jusqu'en 1793, où à l'automne de cette année là, il est déclaré "d'accusation" puis proscrit par le comité de salut public pour ses opinions dérangeantes... Et abandonné par bon nombre de ses amis dont certains de longue date...

Il faut dire que Condorcet était un "pur", un intellectuel engagé, un "chercheur de vérité et de justice", un homme qui ne pouvait souffrir la moindre compromission, qui ne recherchait pas les honneurs, la gloire, ni à briller (d'ailleurs il n'était guère un orateur) ...

C'est à Condorcet que nous devons, que notre pays, la France, doit la République : il en fut l'instigateur, le penseur, le promoteur... Mais ce ne fut point sans mal que s'instaura en septembre 1792, dans une France qui, jusqu'en août 1792, avec la Constituante (1789-1791) puis la Législative (1791-1792) ; depuis les états généraux qui s'ouvrirent le 5 mai, la prise de la Bastille le 14 juillet et l'abolition des privilèges le 4 août en 1789, demeurait encore monarchiste dans son ensemble...

C'est sous la Convention qui est une assemblée élue au suffrage universel masculin, et qui débute le 21 septembre 1792, qu'est "instaurée" la République le 22 septembre... République qui, cependant n'est pas déclarée officiellement mais s'établit "de fait"...

Condorcet avait rédigé le texte d'une constitution républicaine comportant plus de 300 articles, mais la Convention en octobre 1792 réduisit cette constitution dans la précipitation du moment en un texte de seulement 24 articles.

... Dans le passage "Condorcet contre les parlements" (printemps 1788) , l'on lit ceci :

"Condorcet est exaspéré par l'aveuglement ou la complaisance de ceux qui, comme La Fayette, soutiennent la cause des Parlements sans mesurer qu'ils font en réalité le jeu des privilégiés. En juillet 1788, dans une lettre à Mme Suard, il critique le comportement et les courtes vues de son jeune ami : -N'ayant point sur les affaires d'opinions assez arrêtées, il (La Fayette) a le malheur d'attacher une idée de patriotisme et de noblesse à être du parti de l'opposition. Et je crois, au contraire, qu'il ne faut être que du parti de sa propre raison."

La Convention, tout comme la Constituante et la Législative, c'était un panier de crabes...

De crabes biens nourris et d'une férocité manifeste... Tous autant les uns que les autres, à l'exception de quelques uns que l'on pouvait compter sur les doigts d'une seule main, dont Condorcet...

Cette République qui a vu le jour le 22 septembre 1792 avec la Convention Nationale élue au suffrage universel masculin, cette république dont Condorcet est l'instigateur, le penseur, le promoteur, a vu mourir d'épuisement après plusieurs jours d'errance du proscrit qu'il était, recherché par la police... Cette toute première république née dans les affrontements entre partis et dans le sang , a vu mourir le 29 mars 1794 dans une prison municipale pour larrons et mendiants à Bourg Egalité près de Clamart, le dernier des philosophes du 18 ème siècle...

Condorcet fut enterré au cimetière de Bourg Egalité dans une fosse commune, le 30 mars 1794.

Le cimetière ayant disparu depuis longtemps, nul ne sait où repose Condorcet...

... Je recommande vivement la lecture de ce livre, de 695 pages en "livre de poche".

... L'orgueil et la haine, autant de l'Ancien Régime que du temps des années de la Révolution Française avec la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat... Avec ces paniers de crabes qu'étaient les assemblées constituées de personnages féroces et arrogants, bien mieux nourris que la majorité des citoyens la faim au ventre...

L'orgueil et la haine, toujours d'actualité au début du 21 ème siècle, avec certes, la guillotine en moins...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

dimanche, juillet 5 2015

Service clientèle, de Benoît Duteurtre

... Un roman bref, de 93 pages (Editions Gallimard septembre 2003), mais qui "en dit long", très long même, sur le non sens, sur l'absurdité de notre civilisation occidentalisée devenue un "système"...

"Des caisses d'hypermarché aux péages autoroutiers, des halls d'aéroports aux guichets d'ex-services-publics-privatisés, il fallait continuellement attendre son tour pour retirer la marchandise, embarquer très en retard sur des vols surchargés, franchir très lentement des kilomètres d'embouteillages. Et si, par malheur, votre cas finissait par échapper aux cases prévues automatiquement, alors commençait le cycle beaucoup plus long des vaines réclamations à un personnel dépassé, lui-même, par la logique aveugle de cette organisation. "

... Telle est la "logique du Système"... De ce "Système" auquel j'ai donné dans mon jargon de Yugcib, le vocable de "Soustème" ... Le pire de tous les totalitarismes, celui de la dérive de l'économie de marché libéralisée qui, après le déclin, le recul et pour finir la chute de l'économie communiste, s'est emparé du monde jusqu'en des lieux en lesquels la civilisation n'avait pas encore pénétré, au cœur des jungles de Bornéo et au delà du Cercle Polaire arctique...

A la page 68 et 69, l'on lit ceci :

"Ainsi l'augmentation de la productivité, la réduction des effectifs, la folie de la production conduisaient-elles à une réintroduction des files d'attente communistes en pays capitalistes ; à moins d'appartenir à la nomenklatura aisée qui peut payer le maximum, déléguer les démarches pénibles, payer la business class ou faire parvenir ses plaintes au sommet de la hiérarchie. L'entreprise avait remplacé le Parti dans sa façon d'agiter une propagande irréelle (achetez plus, voyagez plus. Profitez de nos conditions) tout en traitant sa clientèle comme un troupeau, obligé de s'adapter aux marges des actionnaires".

On le voit, on le subit, dans ce "Soustème" d'économie mondialisée, libérale, de marché, de profit et de valeurs boursières, de consommation de masse au plus bas prix possible, de publicité et d'offres et promos et soldes incessants... C'est une autre forme de totalitarisme que celui du communisme soviétique qui s'est installé sur la planète et qui invalide, rend "caduc" toute démocratie, toute idée ou principe de démocratie... Avec l'illusion "d'une démocratie sur le papier", avec des discours sur la démocratie et les droits des peuples, discours et droits qui sont bafoués, ne faisant que « vitrine »...

Le « Grand Argument », celui qui est sans cesse ressorti et qui semble apparemment convaincre beaucoup de gens, notamment ceux qui, sans être vraiment pauvres ne sont pas cependant très riches, consiste en la démonstration fallacieuse du « bien fondé » de ce Système économique axé sur la Croissance, le Développement, l'accès de biens et de services à un toujours plus grand nombre de gens dans le monde qui, il y a encore peu de temps, à peine quelques années, « vivaient comme au Néolithique »...



Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

- page 2 de 8 -