L'effet produit sur le lecteur de cette nouvelle est considérable. Je n'ai jamais rien lu ou vu d'approchant pour raconter la Shoa ; l'originalité de ce texte était à la fois osée et très difficile, d'abord à imaginer, puis à réaliser. Et la réussite me semble parfaite, construite comme la superposition d'un cauchemar (bien réel, hélas, celui-là) et d'un rêve plein de poésie et de beauté. Je ne suis pas extrêmement connaisseur en matière de peinture, mais ce qu'il me reste dans la tête après coup c'est une sorte de tableau, quelque chose de très visuel, qu'aurait pu inventer Dali, par exemple. Il l'aurait appelé peut-être "La mauvaise conscience (allemande)". L'effet, d'un autre côté, provient aussi du fait que le héros soit un être innocent ; souvent, on nous décrit les horreurs des camps mais sans contrepoint alors qu'ici l'enfant crée une sorte de mise en abyme avec le lecteur, nous sommes dans le camp avec lui. En un mot, ce texte est une petite merveille au sujet connu, raconté (à juste titre) des centaines de fois, mais traité d'une façon que le lecteur tente de s'expliquer sans jamais pouvoir le faire vraiment à cause de (grâce à !) sa richesse intérieure. Créer quelque chose d'original et de réussi, au sens inépuisable, n'est-ce pas le rêve de tout écrivain ?