... A l'attention de ceux et celles qui "n'aiment pas Bernard Clavel" je leur dis qu'en 2070 ou en 2150, il y en aura d'autres qui viendront après Bernard Clavel et qui "continueront à porter le flambeau" à leur façon, autant dire qu'ils en écriront autant sinon plus encore et même mieux...

ça fera peut-être pas "avancer le schmilblic", mais y'aura toujours ce qu'il faudra sur cette planète, d'un tel, d'une telle multiplié par un certain nombre, pour se lever contre l'hypocrisie, contre l'orgueil, contre la haine, contre tout ce consensualisme troudebalesque, ces inégalités phénoménales entre une minorité de très riches et une majorité de très pauvres, contre les assassins, les donneurs de leçon de morale, les prédateurs en tout genre, les bourgeoisies aisées qui vont à la messe et gueulent comme des putois contre les gens qui "marchent pas dans les clous" !

"Clavel ne donne ni dans la bourgeoisie aisée ni dans l'aristocratie mélancolique. Ceux qui redoutent de se trouver confrontés avec la misère des gens de peu évitent sans doute de le lire. Et ils auront tort. Quel ami des lettres n'a pas été secoué à un moment ou un autre par l'ouragan Clavel?"

(Edmonde Charles-Roux, de l'Académie Goncourt)

"C'est l'écrivain prolétarien français qui a le mieux réussi ; c'est à dire qu'il a réussi la difficile équation d'être lu par des lecteurs qui appartiennent au même monde de la quotidienneté que les personnages de ses romans".

(Michel Ragon)

"Dans la belle langue simple et dure qui est la sienne, Clavel ne ménage personne. Parce qu'il respecte ses personnages, ces gens du peuple sans défense, il raconte sans fioritures. Sans trahir".

(Dominique Mobailly, La Vie)

... Je ne conteste pas que l'on puisse "ne pas aimer Bernard Clavel" : on a le droit de ne pas aimer Bernard Clavel, comme on a le droit de ne pas aimer Victor Hugo, par exemple...

D'autant plus si l'on exprime son désamour pour Bernard Clavel avec l'humour qui sied au propos que l'on tient sur son oeuvre en général...

En revanche ce qui me dérange c'est la "vision du monde" que l'on porte en soi dans le fait de ne pas aimer Bernard Clavel, quand il y a dans cette "vision du monde" tout ce que je combats, tout ce qui me révolte, tout ce que je dénonce depuis mon enfance.

Or, il se trouve que Bernard Clavel défend, par les romans qu'il écrit, dans l'intégralité de son oeuvre d'ailleurs, toutes ces "valeurs" que je défends moi-même et que j'illustre si je puis dire, dans mes écrits, à travers les histoires que je raconte à ma façon...

De même que l'on fustige, que l'on critique, que l'on "enterre" Bernard Clavel -ou un autre écrivain- pour "telle ou telle raison, raison argumentée"- (parce qu'on le trouve triste, pessimiste)... Je conçois que l'on puisse à l'égard de l'auteur que je suis, me trouver "emmerdant", pessimiste, tragique, hyroglyphique, brouillon etc. ... Et si en plus on y met de l'humour, pour "m'enterrer"... ça m'intéresse !

Je concède à mes détracteurs le droit de m'enterrer, de ne pas du tout aimer ma manière d'écrire, de dire les choses comme je les dis... Mais je ne leur concède plus ce même droit lorsqu'ils s'attaquent à ce que je défends "bec et ongles", à ces "valeurs" qui me sont chères et que je place au dessus de tout, en particulier du succès, de la gloire, et des avantages que procurent le succès et la gloire...

Quand ce qui est exprimé (même si "quelque part ça fait mal") l'est avec l'humour qui sied au propos, je me dis (c'est ce que je ressens) que, par l'humour, cet humour là en l'occurrence, je me sens proche de mon prochain si différent de moi dans sa "vision du monde" : c'est la même chose par exemple, que cet officier Nazi, dans le film "le pianiste" qui se trouve dans une église complètement détruite, en Pologne en 1945, en face du Juif résistant pianiste. Les deux personnages que tout sépare et oppose dans une violence qui est la violence réaliste et totale de la guerre, vont alors "se rejoindre" dans une sorte de communion autour d'un morceau de musique! Quel "message" en effet ! Quand du tragique, de l'indicible, de l'insoutenable, du plus inacceptable, du désespoir le plus absolu, du plus absurde, du plus injuste, du plus dramatique de ce qu'il y a dans le "sens du monde", dans une "vision du monde" qui peut être (et qui effectivement est) celle de tant et de tant de gens dans le monde toutes cultures et religions confondues... Se lève cette espérance magnifique, vient cet optimisme, autour du seul fait de "partager quelquechose ensemble".