Ateliers de mots et de textes lus

Antoine, sur le forum d'Alexandrie (boîte à idées) a écrit :

Oui, et je me rappelle un atelier d'écriture auquel j'avais participé il y a plusieurs années : notre animatrice était une lectrice "à haute voix" hors-pair : le moindre navet, le texte le plus insipide jamais inventé, le torchon le plus bâclé de l'histoire de la littérature devenait grâce à son éloquence un véritable chef-d'oeuvre, ou presque ! Cette capacité me sidérait. Le problème de ce que tu nous proposes ici, Guy, vient du fait que la "voix" de l'auteur aura trop d'importance et pourrait fausser la donne. Mais je sais pourquoi l'idée te séduit : c'est que tu connais (et on les connait aussi) tes talents d'orateur lorsque tu lis tes textes !”

...J'ai tout de même peine à imaginer qu'un texte insipide et d'une déconcertante banalité...Et qui plus est, assez mauvais quand à la forme et au fond, puisse, écouté par le plus attentif et le plus bienveillant des publics, passer pour un "chef d'oeuvre hors pair"! ...S'il est lu par un comédien ou un orateur, ou un "pro de la diction" ou encore une personne dont la voix est agréable à entendre...

... La voix, la manière de lire, le respect de certaines règles (d'art), l'âme ou l'esprit ou l'émotion (et tout cela lié) que l'on peut mettre dans la lecture d'un texte ; tout cela à mon sens ne suffit pas - même si c'est essentiel (et nécessaire)...

Il y a aussi ce que j'appelle la "musicalité" des mots, le rythme dans la phrase, les "rimes sonores" (qui reviennent ou accentuent), la fluidité du texte, les silences ; la ponctuation même qui doit apparaître et être perçue à l'écoute (par exemple les points de suspension, les guillemets)...

Et je dirais aussi "une certaine traduction" (et non une interprétation) littéraire, poétique, de l'émotion, de la gravité (ou de la drôlerie) du propos...

... Il faut donc que le texte soit beau... Ou tout au moins "intéressant" (récit, nouvelle, scénario, poème, anecdote...)

... Essayez d'imaginer (par exemple) un texte "insipide et banal" qui ainsi commencerait... Lu par un "pro", un très bon "orateur", un excellent comédien ou même une personne motivée et dont la voix est agréable à entendre :

"... Il fait pipi, ça gicle sur les parois de la cuvette et une grosse mouche tourbillonne sous l'ampoule jaune et piquetée de chiures. Il remonte son pantalon et boucle sa ceinture. En bas, un volet claque et l'orage dehors éclate... "

Certes il y a bien en matière de textes lus devant un public, un professionnalisme à acquérir par une formation en école, une expérience, une connaissance des règles de l'art... Mais il y a aussi ce qu'aucune école, aucune formation ne peut donner (et qui ne “s'apprend” pas)... C'est exactement comme dans les écoles de commerce et de vente : l'on peut parfaitement maîtriser les différentes technologies de la communication, avoir des connaissances (et de l'expérience) en psychologie (comportements, habitudes), avoir suivi de nombreuses formations spécifiques, passé des examens avec succès, avoir fait des études de marché... (Tout cela est la plupart du temps nécessaire et d'une grande utilité)... Mais sans ce que j'appelle le “coeur du réacteur” de l'être, et dans le coeur même du “coeur du réacteur”, cette sorte d'”alchimie” qui s'opère (et qui en définitive “fait la différence”)... Je dis qu'il n' y a pas -tout à fait – ce qui “emportera la décision” et fera “tomber les dernières barrières”...

... Est-ce que, par exemple, certains “monstres de scène” du cinéma ou du théâtre ou de la chanson, devenus “immortels” bien que disparus... Avaient suivi au début de leur carrière, une formation en école du cinéma, ou des cours de comédie?