SECTION 11

En qualité de “touriste de passage” en Guyane (je n'aime pas beaucoup ce terme de “touriste” car il évoque trop pour moi, dans ma sensibilité si je puis dire, ce “prototype” de l'Européen “nanti” super équipé d'appareils de loisirs, descendu d'un avion “grandes lignes” et séjournant dans des hôtels ou palaces)... Je pense qu'une certaine discrétion de comportement, d'habillement, de propos... S'impose, et qu'il me paraît “ostentatoire” par exemple, de se “trimballer” dans les rues ou dans des quartiers “chauds” avec un appareil photo ou un camescope en bandoulière, des bijoux ou des colliers de perles au cou ou au poignet ; un sac à main ou des chaussures de marque, un sac de voyage luxueux...

Il y a dans un tel contraste entre la richesse ou même tout simplement l'aisance des uns, et la pauvreté des autres, l'immense et générale pauvreté de tant et tant de gens... Une insolence assez choquante, et d'une grande violence dans le fait “ostentatoire” et “provoquant” de cette richesse ou de cette aisance ainsi affichée au vu et au su de tous ... Et je n'adhère pas du tout, dans mon esprit et dans ma sensibilité de “poète” et d'homme d'écriture, à cette idée si communément répandue selon laquelle “c'est normal, on ne peut rien changer, il en sera toujours ainsi...”

Beaucoup de gens, dans la pesanteur habituelle et permanente de cette “réalité incontournable et immuable coulant de source”... Se sentent tout à fait à l'aise, “bien dans leur peau”, irresponsables, anonymes, indifférents, sans complexes... Et se disent que, “ne pouvant rien changer, autant profiter et jouir soi même dans les meilleures conditions possibles de tout ce qui est bon à prendre... Et tant pis pour les autres qui sont du mauvais côté de la barrière”!

Personnellement, je ne puis me sentir tout à fait heureux, ni parfaitement serein ni sans souffrance, dans la pesanteur habituelle et permanente de cette “réalité incontournable qui coule de source et s'impose”...

N'ayant jamais de ma vie réalisé quoique ce soit de “probant” ou de “significatif” en matière d'oeuvre humanitaire, n'ayant jamais conçu de projet ni participé à quelque action d'envergure... Ma seule et modeste “contribution” si j'ose dire, est celle du penseur, du poète que je suis, et qui s'exprime par l'écriture... Peut-on dire de l'écriture qu'elle est dans une certaine mesure, une forme d'action et de combat?

Ecrire, donc... Et diffuser. C'est là tout mon “agissement”, ne pouvant “mieux faire”!

La situation d'un copain de mon fils, professeur dans un collège du district de Mana (Ouest de la Guyane près du Maroni) m'a paru, contrairement à la situation d'autres fonctionnaires, enseignants, militaires installés en Guyane... Beaucoup plus “conforme” si je puis dire, au genre de relations qui devrait à mon sens, s'établir dans ce pays...

En effet, ce camarade de mon fils, a fait semble-t-il, le choix d'une vie “retirée en pleine nature”, une vie sobre (il vit dans un bungalow à Jahouvey près de Mana et de St Laurent du Maroni), une vie très “relationnelle” avec ses élèves (des jeunes de 12 à 15 ans), une vie communicative et de partage avec les gens du pays (pour la plupart des réfugiés du Surinam, des Hmongs et des Amérindiens)...

Il fait la classe de 7h du matin à 12h 30 puis de 13h 30 à 15h (cet horaire là est “universel” en Guyane dans les écoles). Et les bureaux, les administrations, sont ouverts de 7h à 14h...

SECTION 12

Lorsque l'on se promène le long des petites routes et de quelques chemins (pour la plupart se terminant en “cul de sac”)... Avec partout autour de soi, ces fourrés impénétrables, ces arbres immenses ou ces hautes herbes ; il faut faire attention où l'on pose son pied, en particulier autour de la maison où l'on demeure...

De “petites bêtes” (crapauds, minuscules lézards noirs, mille-pattes, fourmis grises, noires assez grosses et volantes, ou rouges et de taille moyenne ; sauterelles, petits batraciens...) circulent et apparaissent sans cesse... Et je ne suis pas venu en Amérique du Sud (et sur une autre planète ce serait pareil) pour tuer même sans faire exprès, ne fût-ce qu'une fourmi!

De jolis lézards à la peau rugueuse presque transparente, de couleur jaune orangé pénètrent dans les maisons et demeurent un long moment immobiles sur les cloisons ou sur les murs...

D'autres variétés de lézards surgissent dans les herbes et aux abords des maisons : de gros lézards verts, et sur les murs en pierres disjointes trônent parfois des iguanes (au soleil)...

Dans les “jardins” (uniquement de plantes et d'arbres) de Cayenne l'on voit voler à toute vitesse de nombreux bleuets (ou tangaras) qui sont comme de “jolis et élégants moineaux bleus”se posant et frétillant sur les branches, et d'autres passereaux tels que le Tyran quiquivi, le cacique cul-jaune, le quiscale merle... Sans oublier les colibris!

J'ai vu également voler autour d'amandiers aux troncs creusés de cavités, des sortes de “guêpes-sauterelles” (mais qui ne piquent pas)... Mais pour ce qui est des insectes en général, bien que la vie entomologique soit d'une grande richesse et diversité, dès que l'on pénètre sous le couvert forestier, on a l'impression de ne voir que des diptères (mouches, moustiques, taons) et des hyménoptères (guêpes et fourmis)...

L'hyménoptère le plus féroce est une grosse guêpe noire, de dimension équivalente à celle de l'index de la main ; prédatrice de la mygale. Cette guêpe pénètre dans le terrier de la mygale, engage avec cette dernière un combat dont l'issue est en général favorable à la guêpe qui pique la mygale et la paralyse, puis pond un oeuf sur son abdomen. La larve se développe à l'intérieur de la mygale, qui finit par mourir... Et oui, la nature c'est aussi cela! Mais ce ne sera jamais pire que dans le monde des humains!

Deux papillons en particulier sont faciles à observer : le Morpho aux grandes ailes bleues, et le “bleu barré” avec du noir et du bleu sur la face dorsale...

Le soir et au début de la nuit, dans la moiteur et dans la chaleur ambiantes, non loin des habitations entourées de marécages, de taillis, de bois et de fourrés, sous un ciel en partie étoilé (et différent de celui de l'Europe ou de l'Amérique du Nord) l'on entend toutes sortes de bruits : coassements graves et sonores des crapauds buffles, ou plus “discrets” de grenouilles ; et des caquètements, des stridulations, des bruits de crécelle, “à n'en plus finir”... Mais sous les averses torrentielles et brutales, l'on n'entend plus ces bruits là...

Il est assez difficile d'apercevoir de petits mammifères, rats, rongeurs, tapirs, agoutis (espèce de petit cochon à tête de rat), pécaris, paresseux (petits singes)... Parce que la plupart des animaux sauvages ne séjournent pas là où demeure l'être humain... Le seul endroit où l'on peut voir courir dans les bois et sous les palmiers des agoutis “en pagaille”, c'est sur les îles du Salut...

Une autre attraction (mais très réglementée et sujette à de nombreuses restrictions d'approche) est celle de l'arrivée des tortues luth, des tortues vertes et des tortues olivâtres venues pondre en deux lieux bien précis de la côte Guyanaise : sur la plage d'Awala près de l'embouchure du Maroni et sur la plage de Montjoly à Cayenne, entre avril et juillet à marée haute... Mais je n'ai pas réussi à voir ces tortues... Seulement aperçu dans le sable de la plage de Cayenne Montjoly, leurs traces et les emplacements où elles ont pondu chacune environ une centaine d'oeufs : des tas de sable entourés de “rigoles” creusées avec leurs pattes en forme de nageoire. La dimension des traces laisse supposer que ces tortues sont vraiment énormes. Les oeufs sont enfouis à un mètre de profondeur et mettront deux mois pour éclore...

A trois reprises selon les informations recueillies auprès de gens demeurant près du site de ponte, je suis venu aux heures propices, c'est à dire le soir après le coucher du soleil et la marée haute, mais aucune tortue en vue! Et la dernière fois j'ai vu un grand trou creusé par des chiens errants, et des coquilles éclatées d'oeufs vidés de leur contenu par les chiens...

Quand on pense qu'il n'y a le long de la côte Atlantique d'Amérique, que deux sites de ponte des tortues luth, l'un à Awala près de l'estuaire du Maroni et l'autre à Cayenne Montjoly, et que la tortue luth est en voie de disparition... L'on se dit que c'est absurde de laisser ces deux seuls sites sans aucune surveillance à l'époque de la ponte!