Les torrents des montagnes

    Seuls les torrents des montagnes, encore tout près de leur source, savent qu’ils courent vers la mer.[30 mai 1983]


Les premières couleurs

    Repeins toi toujours de tes premières couleurs, même si ton ciel se charge de cathédrales échevelées au dessus des toits poivrés de suie…
Avec ces couleurs là, ces toutes premières couleurs, tu redeviens un enfant sans cesser d’être un grand animal à deux pattes.[30 mai 1983]


Le rendez vous

    Je vous attendais mais vous n’étiez pas au rendez vous. A cette heure si matinale il est encore bien trop tôt pour être déçu. J’ajouterai du bleu dans mon ciel. Si demain, à la même heure, il n’y a personne encore, il sera alors bien plus tôt qu’aujourd’hui… Et vous dites que je me recoucherai ? Non, je serai debout à l’heure du soleil levant…[30 mai 1983]

 


L’oiseau

    L’oiseau dont le vol ne s’enhardit pas au dessus de la cime des arbres, se déchire les ailes entre les branches basses… S’il veut voler comme s’il était au dessus des cimes…[juin 1983]


Coup de sang

    Si le sang me monte aux joues, je t’attaquerai de face au point le plus dur de ta cuirasse. Et les rires que j’entendrai n’empêcheront pas mes coups d’épingle : je t’égratignerai même si tu es d’acier.
Mais si l’on cherche à t’atteindre au point le plus fragile de ton écorce, je te défendrai de toute ma force et ferai taire les rires.[juin 1983]


La société de consommation

    Elle encombre caves et greniers, vomit sur les décharges publiques, pousse des pions creux sur un immense damier : ce sont toujours les mêmes pions qui vont à dame !
Elle est la sauce des cons qui s’assomment à Sion, cette nouvelle Cité Promise…[juin 1983]


Le mal

    Tout le mal que l’on dit de toi, je ne le sais pas, je ne l’ai pas vu.
Tout le bien que je sais de toi, je l’ai vu et je le dis…[juin 1983]


L’idiot et le Président

     Du président à l’idiot du village, quel défilé de carnaval ! Et quel concert de violons en carton !
Le rire clair du pauvre Basile sonne, avec ou sans les violons…
Le discours du Président est beau comme du vernis à ongles… Mais les guitaristes n’ont pas trouvé l’accord.[juin 1983]


Le soleil

    Si le soleil inonde mon jardin, si le feu dans mon âtre crépite, si mon souffle couche l’herbe des prés, si j’éclate de rire en te prenant par la main et te menant tout droit devant, alors tu sauras que je t’aime…
Mais si tu me trouves assis, un jour de pluie, silencieux, dans le jardin envahi de ronces, si mes mains restent croisées malgré ton approche, sauras tu si je t’aime ? [juin 1983]

 



La brique

    Je marchais dans un champ recouvert de briques. Roses, grises, blanches, rouges, il y avait bien là dans ce champ, de quoi bâtir une superbe édifice.
L’idée me vint d’une brique lancée dans le ciel, s’élevant jusqu’aux couleurs d’un arc en ciel.
Et si la brique ne retombait jamais ?
Si le ciel la gardait ? [juin 1983]



Hier

    Hier est coupé en deux. Hier sans toi, hier avec toi.
Hier sans toi est un arbre sec, avec des branches cassées, des feuilles déchirées.
Hier sans toi est une suite de mauvais carnavals et de masques caramélisés.
Hier avec toi est ce demain et ces jours qui viennent, et tes yeux, et ton visage, et ton sourire.
Aussi près de la source que de l’océan.
Si je n’avais lu ce demain sur ton visage, je t’aurais rejetée avant même de t’attraper.
Sous mon ciel qui tremble encore certains matins humides et brouillés, mes branches accueillent tes oiseaux et tes saisons.
N’attends pas les fruits beaux et mûrs qui tombent à l’été. Je suis d’aiguilles de pin, vertes, toujours vertes… [juin 1983]


En noir

    Ne peins jamais mon ami en noir : tu n’auras alors de moi qu’un regard sombre.
Peins moi en noir, je ne dirai rien et je me souviendrai. [juin 1983]