Dans les décombres encore fumantes d’une villa de Malibu, notre groupe d’intervention d’arrière garde chargé de la surveillance de feux couvant, a exhumé hier après midi sous une dalle de béton disloquée, à proximité d’une armoire métallique tordue et noircie ; une caisse éventrée contenant de gros livres à couverture de cuir… Ces livres, assez épais, n’étaient pas cependant des livres imprimés.

 Nous prîmes l’un d’eux et le feuilletâmes. C’était le journal intime du propriétaire des lieux dont nous venions tout juste de retrouver le crâne noirci et quelques ossements éparpillés dans la couche de cendres, entre deux poutrelles fracassées.

 Dès la lecture des premières pages nous fûmes atterrés par le contenu de ce journal, vraisemblablement rédigé par un milliardaire septuagénaire… Une confession accablante, macabre, obscène et détaillée d’un vieux pédophile, nécrophile de surcroît.

 Nous trouvâmes dans les décombres d’autres habitations, des journaux intimes, ainsi que des manuscrits, des documents autobiographiques, des lettres… Tout cela écrit par des gens qui, de toute évidence, avaient été des personnages importants ou fortunés.

 Il n’était question, à la lecture rapide de ces feuillets, de ces journaux intimes, de ces manuscrits dont certains étaient visiblement destinés à la publication ; que de relations de vacances, d’histoires d’amour raté, de déconfitures sentimentales, d’ambitions personnelles, d’érotisme grossier et de fantasmes de toute nature… En somme, une « littérature » assez médiocre et d’une banalité exaspérante à mourir d’ennui.

 C’est inimaginable tout ce que nous récupérâmes dans les décombres, de livres journaux et de manuscrits pour la plupart d’entre eux à demi calcinés ; et nous jetions pêle-mêle ces ouvrages disparates dans de grandes brouettes que nous poussions, convergeant ainsi vers un foyer encore incandescent que nous avions repéré, un entassement de cendres de boiseries provenant de ce qui subsistait d’un chalet.

 Nous lançâmes avec violence, insolence et dégoût, et d’une joie mauvaise il faut le dire, dans le foyer encore activé, tout le contenu des brouettes. Très vite montèrent vers le ciel de gigantesques flammes dévorant ces œuvres scélérates, abjectes, obscènes, indignes de l’humanité ; ou d’une médiocrité, d’une banalité désespérante et sans avenir désormais…

 Nous réservâmes toutefois au livre journal du vieux milliardaire pédophile, un sort particulier, à la mesure de ce que nous pensions qu’il méritait… Nous le déchirâmes en petits morceaux, le mélangeâmes à de l’eau boueuse, le réduisîmes en boulettes pétries avec rage, puis nous enfonçâmes les boulettes l’une après l’autre en les tassant dans la cuvette renversée et fendue d’un WC en marbre blanc. Et nous pissâmes tous ensemble dans la cuvette…

Poursuivant notre mission de surveillance des feux couvant, lors de la traversée d’une zone urbaine plus « populaire », tout aussi ravagée après le passage des flammes, nous trouvâmes, abandonnée sur un trottoir, une petite valise métallique contenant des carnets, des cahiers, des livres, quelques CD-ROM, clés USB et une dizaine de disquettes informatiques… Au vu d’une étiquette collée à l’intérieur de cette valise, tous ces documents épars, qui en apparence n’avaient subi aucun dommage, appartenaient à un nommé Gaye Thenbuck, poète des rues… Nous lûmes quelques feuillets, parcourûmes des pages de carnets et de cahiers, et fûmes tous très étonnés, et ravis à dire vrai, de l’écriture pour le moins inhabituelle, étrange et fort émouvante de ce poète des rues totalement inconnu…

Nous décidâmes d’un commun accord, de porter tout cela, rangé dans la valise, jusqu’au bureau de la DAPPMC [Département d’Archives Pour le Patrimoine Mondial Culturel]

                    Oscar FIRE, jeune pompier volontaire, Los Angelès, le 25/10/07