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Tag - vampire

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mardi, juillet 27 2010

Dracula - Bram Stoker ( III )

Des éclairs qui annoncent le XXème siècle illuminent les personnages et tout particulièrement les femmes.

Après le comte, pour beaucoup de lecteurs, le personnage principal restera Mina Murray, devenue par son mariage Mina Harker. Sous son apparence de jeune victorienne bien élevée, elle dissimule un caractère ferme et puissant. Dans le duo qu'elle forme avec Jonathan, puis dans le groupe d'hommes résolus à traquer Dracula, c'est elle, le pilier, le roc, le pivot. Pour compléter son portrait, Stoker laisse - avec discrétion - deviner en elle une sensualité réelle, attirée - et éveillée en partie - par son unique rapport avec le vampire.

Le personnage de Lucy Westenra, la malheureuse jeune fille que Dracula vampirise dès son arrivée à Londres, est peut-être moins intelligente que son amie Mina. Mais son aura sexuelle, déjà perceptible avant qu'elle devienne la victime du comte, est presque insoutenable. A tel point qu'il ne serait pas déplacé de voir en ce personnage une projection des incroyables refoulements victoriens.

Parmi les héros masculins, j'ai un faible pour Van Helsing bien sûr, excentrique, excessif, profondément intelligent et dont on a parfois l'impression qu'il est tout aussi fasciné que nous par celui qu'il veut tuer, et pour Renfield, le dément qui tente en vain de protéger Mina. Les autres, eh ! bien, ils sont là pour donner la réplique. En outre, si Renfield ne fait pas mystère de son désir d'égaler "le Maître", il n'est pas exclu que Van Elsing n'abrite pas en lui un désir similaire (Enfin, ce n'est que mon opinion. ;o) ) et qu'il tente donc de détruire aussi bien Dracula que ses propres fantasmes de surpuissance - sur tous les plans, y compris sexuel.

Bref, si j'ai un conseil à vous donner, abandonnez toutes vos idées préconçues sur Dracula, l'homme, le vampire et le roman, idées qui, pour la plupart, viennent du traitement cinématographique infligé au mythe. Et plongez-vous dans ce gros volume où vous attend l'un des enfants les plus ténébreux et les plus séduisants de la littérature d'épouvante. Oui, invitez-vous chez Dracula : vous verrez, c'est un hôte qu'on n'oublie pas ;o)

Dracula - Bram Stoker ( II )

C'est cette humanité, avec ses ombres et ses lumières, qui rend le personnage du comte Dracula, tel que Stoker nous le présente, tout à fait exceptionnel et, reconnaissons-le, si attachant. Pas un seul instant, même lorsqu'il laisse parler ses instincts vampiresques, on ne parvient à oublier l'homme qu'il fut et que, quelque part, il demeure.

Et c'est à cette double composante que le roman qui porte son nom doit sans doute d'avoir traversé les ans avec autant d'aisance.

Si l'on excepte quelques pages démodées sur la nature de "pauvre-petite- chose-à-protéger-à-tous-prix" qui, selon les victoriens, était celle de la Femme, et les radotages d'usage sur les croix et autres objets bénis seuls à même de repousser les vampires en général et le comte en particulier, le style n'a pas pris une seule ride. Stoker développe en outre ici un sens extraordinaire de la description : il n'est jamais aussi bon, aussi moderne et - allons, écrivons-le, ce mot ;o) - aussi cinématographique que lorsqu'il décrit les cimetières (abandonnés ou pas), les sauvages falaises qui assistent à l'arrivée du navire transportant le vampire, les briques décrépies de l'asile d'aliénés où se morfond Renfield ou les salles poussiéreuses du château perdu des Carpathes. L'ouverture du roman, connue aussi sous le nom de "L'Invité de Dracula" et dont Lydia vous a déjà parlé, est en ce sens un vrai chef-d'oeuvre.

Avec cela, la construction du roman, qui fait alterner extraits de journaux intimes ou de bord et articles de quotidiens, est d'une précision, d'une netteté, d'une logique auxquelles on ne peut rien reprendre. Cette efficacité sans faille entraîne le lecteur de plus en plus loin, en une boucle parfaite et hypnotique qui, partie des Carpathes, y revient inexorablement.