Leather Maiden Traduction : Bernard Blanc

Extraits Personnages

Bon, alors, déjà, sachez que le narrateur de cette histoire, Cason Statler, de retour d'Irak à peu près aussi dégoûté que l'étaient les vétérans du Viêt-nam à leur retour aux States, a retrouvé, ô miracle, un boulot de journaliste dans le journal de sa ville natale, Camp Rapture, dans l'East Texas. Pour les aficionados de Lansdale, signalons que Statler n'est autre que le petit-fils de Sunset Jones, qui fut, dans "Du Sang Dans La Sciure", la première femme-constable du district. Correctement traduit, cela signifie qu'il a de qui tenir - et quand on a lu le roman jusqu'au bout, on se dit que c'est heureux pour lui.

A la différence de sa grand-mère, qui n'avait pas une tendresse exagérée pour l'alcool, Statler aime à s'imbiber copieusement. Ca l'aide - comme tant d'autres - à calmer ses angoisses - et Bacchus sait qu'il en a, des angoisses, quand encore ce ne sont pas des hallucinations ! Cason a aussi une tendance un peu autistique aux idées fixes et supporte mal que son ex-petite amie l'ait plus ou moins rejeté lorsqu'il s'est engagé. A-t-il des amis ? A Camp Rapture, pas beaucoup - ce sont surtout ses parents qui constituent ici son point d'ancrage, et aussi son frère, Jimmy, avec qui il entretient une relation d'émulation plutôt déstabilisante. A part ça, du côté de Tulsa, dans un bar mal famé mais bien garni, il y a son pote Booger, un ancien de la guerre d'Irak lui aussi doublé d'un parfait sociopathe (un peu dans le genre du Bubba de la série Kenzie/Gennaro de Dennis Lehane), sur qui il sait pouvoir compter en toutes circonstances - surtout dans les pires d'ailleurs. Un ami véritable, quoi.

A Camp Rapture, bien que la drogue et la délinquance aient fait les progrès d'usage, on ne peut pas dire pourtant qu'il se passe beaucoup de choses. La rubrique des chiens écrasés est vite remplie. Et pour songer à des chroniques plus consistantes, attractives parce que bien sordides, il faut vraiment se lever tôt - ce que Statler n'apprécie pas vraiment.

Evidemment, il y a cette affaire de disparition : Caroline Allison, une étudiante belle comme une déesse antique et intelligente comme Marie Curie (ou presque), s'est volatilisée dans la nature plusieurs mois auparavant. On n'a retrouvé que sa voiture, abandonnée au bord d'une route, avec, à l'intérieur, ses chaussures et le plat à emporter qu'elle avait acheté dans un snack. Ce n'est pas mal, comme histoire, ça et ça pourrait faire une chronique digne de ce nom. Statler part en chasse.

"Vierge de Cuir" est un roman puissant, mené tambour battant et avec un humour décapant par un Lansdale en grande forme, qui sait user du gore sans en abuser et qui nous donne ici le fruit de ses réflexions sur la formation des tueurs en série. Apparemment, l'écrivain américain penche pour l'hypothèse d'une âme assassinée dans l'enfance par des parents ou des proches sans scrupules et dont la disparition laisse une coquille déshumanisée, totalement dépourvue de conscience.

Le seul bémol que je mettrai à cette partition de grand style concerne le mentor du tueur, lui-même assassin bien sûr mais dont, en définitive, Lansdale nous dit peu de choses - trop peu à mon goût.

Pour le reste, c'est de l'excellent polar. Allez-y de confiance mais n'oubliez pas que Lansdale ne mâche pas ses mots et que son style risque donc - parfois - de choquer les lecteurs délicats.