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Tag - littérature islandaise

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lundi, juillet 2 2012

La Rivière Noire - Arnaldur Indriðason (Islande)

Myrká Traduction : Eric Boury

Extraits Personnages

Ce volume se situe après "Hypothermie" et "L'Homme du Lac", deux enquêtes qui ont apparemment très éprouvé Erlendur. Voilà pourquoi il s'est offert quelques vacances, toujours dans les fjords de l'Est, où il traque sans fin la mémoire de son frère disparu. L'enquête sera donc menée exclusivement par Elinborg et Sigurdur Oli - un Sigurdur redevenu célibataire mais qui accepte mal cet état de fait.

Ces quelques indications suffisent à souligner qu'il s'agit ici d'un roman à part dans la série. L'auteur cherche-t-il un nouveau souffle ? Songe-t-il à dire adieu au fidèle Erlendur (la fin de cette "Rivière Noire" pourrait le laisser croire) et embrayer sur des intrigues menées par un autre personnage, Elinborg par exemple ? Pour l'instant, on n'a pas de réponse à toutes ces questions. Le plus sage est donc d'attendre en réfléchissant sur l'effet produit par cet enquête sans Erlendur.

Les thème choisis sont celui du viol sous Rohypnol et de la vengeance avec, en filigrane, cette question que l'on finit par se poser devant la clémence avec laquelle la société moderne, islandaise et autre, sanctionne les violeurs : "Mais qui est la victime dans cette affaire ? Le violeur ou la violée ?" Car, reconnaissons-le, c'est tout juste si on ne transforme pas ces hommes en victimes, abusés qu'ils sont - les pauvres choux ! - et donc agressés par ces aguicheuses inconséquentes et dignes filles d'Eve que sont les femmes violées.

Avec ce genre de "raisonnements" dans les sphères judiciaires, il ne faut pas s'étonner si certains songent à faire justice eux-mêmes. (Oui, je sais : et les Droits de l'homme du violeur, hein, que deviennent-ils dans tout ça ? Eh ! bien, il n'avait qu'à y réfléchir un peu, à ses droits, avant de violer une innocente, c'est tout ! ) Cette question est également abordée dans "La Rivière Noire" et, prudent, Indriðason choisit de rester neutre. ]Avec Erlendur, si prompt à faire le coup de poing contre les dealers de sa fille, la réponse aurait-elle été différente ? Qui peut savoir ...

"La Rivière Noire" est un bon roman mais, n'en déplaise à je-ne-sais-plus quelles critiques qui y voient "un bijou de la littérature policière", Indriðason a fait beaucoup mieux. Les problèmes familiaux d'Elinborg sont certes prenants mais ceux d'Erlendur soutiennent mieux la trame de fond des intrigues. Non parce qu'ils sont plus graves mais parce qu'il a une façon de les traiter qui n'appartient qu'à lui et qui est bien sûr à l'opposé de celle d'Elinborg. Celle-ci affronte les problèmes, Erlendur les fuit et les ressasse : on peut même ajouter qu'il s'en nourrit et en tire force - d'où l'originalité du personnage et de ses motivations personnelles.

Evidemment, le lecteur doit tenir compte de la possibilité pour "La Rivière Noire" d'être un livre-charnière, assurant la transition entre l'Avant-Ernaldur et l'Après-Ernaldur. Même avec des personnages secondaires qu'il connaît depuis longtemps, un auteur est toujours embarrassé quand l'heure vient pour eux d'accéder au premier rôle. Il lui faut prendre ses marques, tout comme eux. Et ce n'est jamais simple. Dans cette optique, "La Rivière Noire" constitue un galop d'essai des plus honorables.

Mais n'empêche, je ne saurais vraiment dire pourquoi mais pour moi, il manque quelque chose à ce roman, agréable à lire certes mais que, en dépit de l'intensité de ses thèmes, on oublie facilement. Peut-être qu'une relecture, un jour ...

mercredi, juin 27 2012

Ultimes Rituels - Yrsa Sigurðardóttir (Islande)

Þriðja táknið Traduction : Marie de Prémonville

Extraits Personnages

Un premier roman policier extrêmement bien mené. En fait, c'est la manière dont toute l'action est amenée et guidée qui sauve l'intrigue. Non que celle-ci soit médiocre mais une fois de plus parce que, lorsqu'on lit beaucoup de policiers, on finit par repérer très vite les détails révélateurs, ces "petits cailloux du Petit Poucet" que l'auteur est bien obligé d'éparpiller çà et là faute de se voir reprocher par la suite d'avoir mené son lecteur en bateau.

Précisons-le tout de suite : on ne devine pas l'identité de l'assassin avant les dernières pages. En revanche, ce que l'on devine très vite, ce sont les raisons pour lesquelles la famille de la victime, et tout particulièrement son père et sa mère, entretenaient avec elle des rapports aussi glaciaux. Et cela soutient grandement l'intérêt du lecteur jusqu'au final, plus peut-être - mais je ne parle que pour moi - que le désir de connaître le nom de l'assassin.

Rappelons brièvement l'intrigue : un jeune étudiant en Histoire, Harald Guntlieb, issu d'une famille richissime de banquiers allemands, vient travailler en Islande sur une thèse consacrée à la mise en parallèle des exécutions de sorciers en Europe continentale et en Islande. En Europe continentale, ce sont les femmes qui ont constitué la majorité des victimes - et c'est en ce sens qu'on peut réellement parler de "chasse aux sorcières." En Islande au contraire, ce sont les hommes qui, en priorité, ont nourri les bûchers.

Harald connaît d'autant mieux la question que son grand-père ne s'est pas contenté de lui léguer un héritage qui le rend parfaitement indépendant sur le plan financier : il lui a aussi passé la marotte de tout ce qui concerne l'Histoire de la Sorcellerie et de ses rituels. Le jeune homme en a même conçu une telle passion qu'il a procédé - ou fait procéder - sur sa personne à toutes sortes d'opérations du style pearcing aggravé, gravures à même la peau, etc ... avant de couronner le tout par une opération destinée à rendre sa langue bifide, comme celle des serpents ...

Comment un tel personnage a-t-il pu se faire assassiner, et par qui ? Et qui, surtout, a trouvé bon non seulement d'apposer une dernière gravure sur le corps du défunt mais aussi de l'énucléer ? ... Pour quelles raisons ? ...

La résolution de l'énigme décevra peut-être : c'est qu'elle est si ... hum ... si banale, si bassement matérialiste. On a beau se dire que, traditionnellement, le Diable est reconnu comme étant "le Seigneur de la Matière", ça ne console pas.

Néanmoins, dans l'ensemble, on passe un bon moment de lecture, pas si gore qu'on pourrait le penser d'ailleurs. Et puis, l'auteur a eu l'excellente idée de préserver jusqu'au bout l'ambiguïté du caractère d'Harald. Certaines explications finales sur son enfance ne parviennent pas en effet à résoudre l'énigme ultime : était-il un enfant normal ou un psychopathe en puissance ?