Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Tag - littérature épouvante

Fil des billets

vendredi, août 10 2012

La Ligne de Sang - DOA

Extraits

Eh ! bien, voici l'un des livres les plus brillamment menés - et l'un des plus frustrants que j'aie jamais lus. Peut-être même LE plus frustrant !

L'intrigue se situe à Lyon, ville autour de laquelle a toujours flotté un certain parfum au mieux d'ésotérisme, au pire de magie noire. Elle prend ses racines dans un accident de la route, l'un de ces accidents dont la stupidité prodigieuse enclenche toujours une série d'évènements dont les protagonistes - les méchants comme les bons - se seraient tous bien passés. Ici, la conductrice de l'automobile s'en tire - c'est très bien parce que, de toutes façons, elle n'était pas dans son tort. Le motard, lui, un certain Paul Grieux, quarante-deux ans, est gravement amoché : traumatisme crânien prononcé et coma sévère. Il est immédiatement transporté à l'hôpital adéquat tandis que l'officier de police Priscille Mer, épaulée par son collègue Marc Launay qui passait par là tout à fait par hasard, entreprend les recherches habituelles.

A partir de là, DOA développe une véritable petite merveille - et je pèse mes mots - d'intrigue qui combine avec une habileté diabolique le policier et le fantastique. Il n'est évidemment pas le premier à avoir tenté l'essai mais là où il réussit un authentique tour de force, c'est non seulement en installant une ambiance atrocement glauque, inquiétante, pour ne pas dire carrément effrayante, dans un quotidien absolument routinier mais aussi - mais surtout - en maintenant le suspense jusqu'à la dernière page de son livre - qui en comporte pourtant six-cent-quarante.

C'est bien simple : d'un bout à l'autre, je n'ai pas pu décrocher. Quand on sait le scepticisme avec lequel j'accueille les romans fantastiques contemporains, et particulièrement les français, on comprendra tout de suite que "La Ligne de Sang" sort de l'ordinaire.

Le problème, pour moi, c'est la fin : abrupte, comme si toute la part fantastique de l'intrigue, acculée, se jetait droit à la mer, du plus haut de la plus haute des falaises.

Maintenant, cela fait bien deux jours que j'ai refermé le livre et je me dis que certains trouveront du charme à cette brutalité qui laisse au lecteur le soin de trouver les réponses aux questions restées en suspens : Grieux était-il ce qu'il prétendait être ou n'était-ce qu'un pauvre garçon sans père, dominé par sa mère et probablement abusé par des adultes quand il était encore un enfant, et qui a fini par se réfugier dans la folie ? nous-mêmes, lecteurs, n'avons-nous pas cédé à notre subjectivité en voulant voir de la magie noire - et pas n'importe laquelle - là où il n'y avait qu'une lamentable tragédie familiale ?... La fin reste ouverte : est-ce un bien, est-ce un mal ? peut-être y aura-t-il autant de réponses que ce livre aura de lecteurs.

Un dernier mot sur les critiques que vous pourrez lire sur certains sites marchands, déposées par des internautes plus avides de polars purs et durs que de tentatives hybrides aussi déconcertantes que passionnantes : il n'y a pas de longueurs inutiles dans "La Ligne de Sang", c'est même un texte sacrément maîtrisé. Certes il diffère sensiblement des deux opus qui ont assuré la célébrité de leur auteur - "Le Serpent aux Mille Coupures" et "Citoyens Clandestins" mais il n'en reste pas moins un excellent roman.

... A la fin frustrante. Mais bon : nul n'est parfait.

mercredi, février 22 2012

Sang Impur - Graham Masterton

Flesh & Blood Traduction : Patrick Duvic

Extraits Personnages

Voici l'un des romans les plus ambitieux de Masterton. Il s'articule sur trois thèmes :

1) les excès (calculateurs) de l'Homme dans son désir d'asservir la Nature ;

2) les excès (calculateurs) de l'Homme dans sa volonté d'asservir sa propre espèce ;

3) les excès (calculateurs) de la Politique et des politiciens.

De leçon de morale, il n'y en a pas : au lecteur de se faire son opinion personnelle. Cynique, la chute finale nous rappelle simplement que, une fois mises en branle certaines mécaniques, il devient très difficile, voire impossible, de les arrêter.

L'ample et ténébreux manteau du genre épouvante recouvre tout cela et nous permet de lire en parallèle une histoire fantastique puisée cette fois aux sources du folklore rural des pays de l'Est et tout particulièrement de ce qui était encore, à l'époque de la parution du livre, la Tchécoslovaquie. Janek-le-Vert, entité maléfique à l'oeuvre dans "Sang Impur", sort-il vraiment du folklore tchèque ou n'est-il qu'une invention de l'auteur, on ne le saura jamais très bien, à moins que Masterton ne vienne nous le dire en personne. Mais ce personnage descend sans équivoque possible de l'Homme vert dont on retrouve la trace, dans l'art et dans les textes, jusqu'en Inde.

Entité masculine qui garantissait les récoltes abondantes, l'Homme vert exigeait qu'on lui sacrifiât un ou plusieurs humains en échange de ses bienfaits. Thomas Tryon en a donné sa vision personnelle dans "La Fête du Maïs", une vision elle aussi assez gore. Masterton pour sa part lui invente un rejeton, Terence Pearson, qui, au lieu d'attendre sa visite - dont il sait qu'elle sera mortelle aussi bien pour lui que pour ses propres enfants - entre en rébellion et cherche ouvertement à priver son étrange géniteur des sacrifices qui le maintiendraient en vie. Le résultat est, ma foi, tout aussi sanglant mais, pour peu qu'on s'intéresse à Freud, on comprend l'enrichissement du thème.''

Face à Janek-le-Vert, ancien humain à part entière, jadis sacrifié à la Nature afin que celle-ci bénisse les récoltes de ses voisins, Captain Black. Captain Black est un porc, propriété d'un laboratoire spécialisé dans des expériences visant - bien entendu - à améliorer notre santé à tous. Leur dernière idée ? Transplanter une infime partie d'un cerveau humain encore vierge - celui d'un jeune enfant - dans le crâne du malheureux porc et greffer cette parcelle sur le cerveau du malheureux porc. On le rendrait ainsi plus "humain" (sic).

Entre les deux, une bande de politicards assoiffés de pouvoir, qui prônent par pur arrivisme l'interdiction de la viande et l'instauration de menus végétariens pour tous. Pour compliquer encore les choses, il faut ajouter à tout cela une petite bande de militants résolus, prêts à tout pour délivrer les animaux enfermés dans les locaux du laboratoire - y compris et surtout Captain Black.

Scènes gore (accrochez-vous, ça démarre très fort), variation remarquable sur un mythe rural aussi vieux que l'Humanité, personnages principaux plus complexes que la moyenne, récit travaillé, rythme enlevé malgré quelques petites longueurs, et enfin des questions qui ne peuvent que nous interpeller, voilà ce que recèle en ses pages "Sang Impur", un roman un peu différent de ce que nous offre d'habitude Masterton mais qui n'en demeure pas moins l'un de ses meilleurs. ;o)