Bukken Til Havresekken Traduction : Olivier Gouchet

Extraits Personnages

Attention ! Varg Veum, qui, "pour ne pas effaroucher le client", a préféré faire graver sur sa plaque professionnelle : "V. Veum" sans s'embarrasser d'un prénom pour le moins original, entre en scène. Sachez d'ores et déjà que, traduit littéralement, son nom signifie "Le loup dans le sanctuaire" et peut désigner un proscrit. Et maintenant, imaginez toutes les possibilités que cela laisse à l'auteur de la série.

Au premier abord, Veum, qui est aussi le narrateur du récit, rappelle un peu notre Nestor Burma national. Mais il n'a pas de secrétaire et le journaliste qu'il aime à envoyer fouiner à sa place n'appartient pas à la race des éponges. Ensuite, Veum ne prend jamais les cas de divorce. Il ne veut pas, comme il le dit, semer la zizanie dans les couples.

On ne s'étonnera pas si, dans ces conditions, son bureau de détective privé voie rarement des clients. Au début de ce roman qui pose les bases de la série, s'en pointe pourtant un, l'avocat William Moberg, qui a pour spécialité de défendre les toxicomanes, qu'ils dealent ou pas. Mais, manque de chance, c'est dans la perspective d'un divorce et Veum refuse fermement.

Par une coïncidence que Veum a le tort de trouver plus amusante qu'inquiétante, un autre homme veut l'engager pour à peu près la même mission : suivre la femme de Moberg. Comme ce n'est pas pour un divorce, qu'il a pas mal de factures en retard et que le client exhibe d'emblée cinq cents couronnes, notre privé accepte et se lance le jour même sur la piste de Mme Moberg.

C'est là que les ennuis vont commencer, tant pour lui que pour la femme de l'avocat ...

"Le Loup Dans La Bergerie" est un polar sans prétention qui suit sans surprise les règles du genre : le détective un peu fripé, un peu anar et mal dans sa peau, qui se réfugie à l'occasion dans l'alcool - l'aquavit, nous sommes en Norvège - et n'a pas peur de prendre des coups ; le client faux comme un jeton et qui a toujours quelque chose à cacher ; une ou plusieurs victimes qui, de leurs vivant, n'étaient pas des anges ; des officiers de police qui ne sont pas des lumières ; le malfrat pour qui les choses finissent par aller trop loin et qu'un "on" mystérieux expédie ad patres sans autre cérémonie ; et une femme dite "fatale", au look considérablement modernisé, années quatre-vingt obligent. Le tout présenté dans un écrin bien noir.

Staalesen y apporte sa vision personnelle d'une Norvège provinciale où la drogue est devenue omniprésente et où, pour se la procurer ou pour pouvoir continuer à en tirer bénéfice, tout le monde, ou presque, est prêt à tuer son prochain. Le spectre de la prostitution en maison, pourtant interdite par la loi, vient aussi faire son petit tour de scène.

Plus que l'intrigue, c'est la personnalité de Veum qui retient le lecteur. Il a beau se donner beaucoup de mal pour rester dans la ligne de ses homologues polardeux, il ne donne pas l'impression de voir - sans jeu de mots - son verre à moitié vide. Certes, il ne se fait pas beaucoup d'illusions sur la nature humaine mais cela ne l'empêche pas de penser que, malgré tout, la vie vaut la peine d'être vécue. Un personnage donc très intéressant, qui incite à lire la suite.