The Terror Traduction : Jean-Daniel Brèque

Extraits Personnages

Soyons francs et restons lucides en ce glacialissime début de décembre : "Terreur" n'est pas un roman à lire en pareille saison. Tout d'abord parce que, d'un bout à l'autre, et en dépit de quelques longueurs, le récit vous tient si bien en haleine que vous restez scotché à votre exemplaire, n'utilisant que les muscles des doigts de votre main pour tourner les pages et, partant, exposant ainsi tout le reste de votre corps à un refroidissement progressif, sournois et très désagréable. Ensuite parce que le théâtre de l'intrigue n'est autre que la banquise, une banquise aveuglante qui refuse de dégeler ses habituels chenaux d'"eaux libres" quand arrive ce qui, sur le continent arctique, passe pour l'été, une banquise magistralement dépeinte, dans son horreur blanche et figée, par Dan Simmons.

De celui-ci, j'avais à peine entamé "L'Echiquier du Mal" que je bâillais, dégoûtée comme d'habitude par ces pseudo-nazis qui surgissent d'un passé horrifiant pour façonner un présent et un futur tout aussi épouvantables. Fuyant la prise de tête et toutes formes de clichés politiquement corrects, je laissai donc tomber - et sans regrets - ce qui, pourtant jusqu'à ce jour, est considéré comme le chef-d'oeuvre de son auteur.

Mais "Terreur" et son contexte historique - l'expédition polaire menée par Sir John Franklin, qui quitta les rives verdoyantes de l'Angleterre le 19 mai 1845 - m'intéressaient et même me passionnaient. Allez savoir pourquoi, moi que la vue de deux centimètres de neige sur le trottoir d'en face incite à prendre ma plus belle plume pour rédiger mon testament ... j'adore tous les récits, fictionnels ou non, qui tournent autour des expéditions polaires.

Le roman de Simmons offrait en outre l'avantage d'une pointe fantastique : la présence, en vedette américaine, sur l'horrifique banquise, d'une créature non identifiée (mais blanche, elle aussi, cela tombe sous le sens), plus grande qu'un homme, se déplaçant soit à quatre pattes, soit comme un parfait bipède, et traquant impitoyablement jusque sur les ponts des navires de l'expédition tout marin susceptible de lui fournir un bon repas.

La sauce prendrait-elle ? Ou - le propos est de circonstance - se figerait-elle bêtement, formant des gruaux indigestes ?

Eh ! bien, ce fut un régal. Découpage solide, personnages fermement dessinés et qui s'enrichissent au fur et à mesure que progresse le récit, ambiance étouffante et claustrophobe, réflexions suggérées sur la Mort et la survie, fin relativement heureuse pour au moins l'un des membres de l'expédition Franklin, le tout artistiquement rehaussé çà et là par quelques pointes inexpliquées de fantastique et d'horreur - mais non de gore - "Terreur" tient toutes ses promesses.

Bref, un conseil : mettez votre exemplaire au congélateur jusqu'au printemps, réchauffez-le un peu, assaisonnez avec le confort d'un bon fauteuil et le réconfort d'un paquet de gâteaux ou d'une boîte de chocolats, et puis consommez, sans modération. Vous aurez si froid pendant toute votre lecture que, de toutes façons, vous ne prendrez pas un seul gramme.