Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Tag - Stéphane Bourgoin

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lundi, septembre 17 2012

Enquête Mondiale Sur Les Tueurs En Série - Stéphane Bourgoin & Isabelle Longuet

ISBN : 9782246785972

Extraits

Ce "pavé" passionnera surtout ceux qui ne possèdent pas d'autres ouvrages de Bourgoin. Les autres y trouveront peu de nouveautés et beaucoup de choses qu'ils connaissent déjà. Le titre en outre ne correspond pas vraiment à la vérité du livre, la grande majorité des tueurs en série mentionnés dans cet ouvrage étant de nationalité américaine pour un Sud-Africain et trois ou quatre allemands. Le monde est plus vaste et la France elle-même possède ses tueurs en série reconnus - cités ici très brièvement et surtout pour servir d'exemple ou de contre-exemple, le ""serial killer"" étant sans doute proche du monstre absolu mais n'en restant pas moins tributaires de la culture dans laquelle il est né.

Sinon, le schéma reste le même : définition du tueur en série par opposition à ses tristes "confrères", le meurtrier qui tue au maximum deux fois mais ne va jamais plus loin et le tueur de masse, l'habituelle distinction entre les tueurs psychotiques (et désorganisés) et les tueurs sociopathes (et organisés), une parenthèse sur le métier de profileur, pas mal de statistiques, dix-huit "portraits" de tueurs en série parmi lesquels l'ignoble Albert Fish, Edmund Kemper, Gerard Schaefer, Otis Toole, etc ... et l'avis de trois psychiatres sur le phénomène. Suivent une intéressante bibliographie et une sorte de petit dictionnaire des tueurs en série plus connus que les autres.

L'ensemble, qui reprend, par la force des choses, des pages d'autres livres de Bourgoin, en est à son troisième ou à son quatrième remaniement : c'est dire qu'il est plutôt complet mais non exhaustif. On regrettera, vu la qualité du travail présenté, que Bourgoin et ses collaborateurs éventuels comme Isabelle Longuet et Joël Vaillant, ne songent pas à un deuxième, voire à un troisième tome sur les serial killers européens, leurs homologues asiatiques, africains, etc ...

Deux points qu'on retiendra avec intérêt :

1) les efforts des autorités françaises dans la mise en place d'un fichier de délinquants sexuels (vivier d'où proviennent très souvent les tueurs en série). Ces efforts sont constamment battus en brêche par l'agitation démago-gogo des associations pour les Droits de l'Homme. Sans états d'âme, celles-ci oublient allègrement les droits bafoués des victimes tabassées, violées et assassinées. Tout comme elles s'acharnent à jeter un voile d'oubli sur ce mythe authentique que constitue le fameux "suivi médical" des violeurs remis en liberté : il s'agit là bel et bien d'un mensonge monstrueux qui apaise peut-être la conscience de nos démagogues mais ne soulage en rien des individus qui ne voient pas pourquoi on leur demanderait de soigner ce qui leur apporte tant de plaisir et constitue même leur seule raison d'exister ;

2) et le fait que, en France, le métier de profileur n'a, pour l'instant, aucune réalité juridique, vide susceptible d'engendrer des escroqueries.

En résumé : si vous n'avez jamais rien lu de Bourgoin (et si vous avez le coeur bien accroché), procurez-vous cette "Enquête ..." en gardant à l'esprit qu'elle est plus nord-américaine que mondiale. Quoi qu'il en soit, vous ne devriez pas être déçus et elle vous fera découvrir beaucoup de choses. En revanche, si vous avez chez vous la majeure partie de ses ouvrages, achetez-le uniquement à titre de curiosité et parce que vous êtes, sans doute et tout comme moi, un aficionado de l'auteur.

dimanche, septembre 16 2012

Avenue des Géants - Marc Dugain

ISBN : 9782070132355

Extraits Personnages

"Avenue des Géants", tel est le nom de l'endroit où Al Kenner a l'accident de moto qui, en l'immobilisant pour quelques semaines, va lui faire perdre son travail de mécanicien et le rendre par conséquent à nouveau dépendant de sa mère. Entre Al et sa mère, c'est l'horreur et ce, depuis l'enfance, une relation où l'amour et la haine s'imbriquent de façons si complexe qu'il faudrait presque transformer ces deux mots en un mot valise, non pas dans le style "amourhaine" - ce serait trop simple :evil: - mais quelque chose comme "hamoainure." Une relation telle qu'elle ne peut s'achever que par la mort violente de l'un des protagonistes et, de fait, c'est bien ce qui attend celle qui, dans ce roman, porte le titre de mère sans le mériter.

Nul ne l'ignore : Marc Dugain s'est inspiré pour ce livre de la vie d'Edmund Kemper, le tueur en série le plus atypique et probablement le plus intelligent qu'ont jamais connu les Etats-Unis. C'est en pensant au QI de Kemper que Thomas Harris aurait, dit-on, imaginé celui d'Hannibal Lecter. Outre cette intelligence exceptionnelle, Kemper reste l'un des très rares tueurs en série de la planète à s'être volontairement livré à la police - et ceci par deux fois, la première après l'assassinat de ses grands-parents paternels, alors qu'il n'avait que quatorze ans, la seconde après le meurtre de sa mère. Enfin, loin des véritables carnages auxquels se sont livrés un Ted Bundy ou un Gary Ridgeway (alias le Tueur de la Green River), Kemper ne compte à son actif que dix assassinats et estime lui-même que la mort de sa mère constitue le point final logique de la série.

Par son enfance massacrée, entre un père trop faible et une mère qui aurait pu poser pour la mère-phallique monstrueuse si chère à certains freudiens, par la lucidité dont il ne se départissait que sous le choc d'un affrontement avec sa mère ou près d'une femme lui rappelant sa mère ou le comportement de celle-ci, par son charisme indéniable, par son refus d'évoquer ce qu'il fit au cadavre de sa mère et qui révèle chez lui la survivance d'une conscience bien réelle, malgré tous les dégâts subis et infligés, par son physique également (2, 20 m pour 160 kg), par ses choix en prison (il retranscrit des livres en braille, langage qu'il a voulu apprendre) , Edmund Kemper reste un "cas" dans le paysage on ne peut plus tourmenté des tueurs en série américains - et même mondiaux.

Mettre en scène un tel personnage, dont les actes horrifient mais qui n'en conserve pas moins, par on ne sait quelle étrangeté de la Nature, un côté attachant absolument unique, relève de la gageure. Marc Dugain n'a pas triché. Il a choisi de faire alterner des chapitres où il fait penser, parler, s'expliquer (mais jamais se justifier) Al Kenner/Edmund Kemper et d'autres où on le voit de l'extérieur, dans le parloir où il rencontre la personne qui lui apporte les livres à retranscrire. Evidemment, privilège de l'écrivain, Dugain a romancé certains aspects pour les besoins de son livre - la visiteuse d'Al par exemple n'est autre qu'une ex-étudiante qu'il avait prise en stop mais qu'il n'avait pas agressée - mais il ne tombe jamais dans la caricature ni, pour ceux qui l'en soupçonneraient, dans l'apitoiement. On le sent bien un peu hésitant quand arrive le moment d'aborder les meurtres des étudiantes et celui de Cornell Kenner mais cela se comprend : c'est là que l'empathie inconstestable développée par le lecteur envers le héros risque de se dissoudre dans le néant, et ce n'est pas le but recherché par l'auteur.

Marc Dugain cherche en fait à faire partager au lecteur le sentiment qu'il a éprouvé en assistant à la diffusion d'un documentaire consacré par Stéphane Bourgoin à quelques tueurs en série, dont Edmund Kemper. Quand on le visionne, on ne peut rester indifférent, on est forcé de réfléchir. D'autant que, si mes souvenirs sont bons, la partie qui concerne Kemper est suivie de l'interview de Gerard Schaefer, tueur froid, sans remords, débordant de fierté, antithèse parfaite de Kemper. Le contraste n'est pas seulement saisissant : il dérange. Même s'il a tué sa mère et neuf personnes, Kemper n'a rien à voir avec Schaefer.

Comme vous le voyez, "Avenue des Géants" est donc un roman spécial, sur un homme très spécial. Je vous rassure : ni gore, ni excès et beaucoup de pudeur, somme toute. Un livre à lire et je suis tentée d'écrire : surtout si vous aussi, vous avez eu une caricature de mère. Mais attention : "Avenue des Géants" est un livre lourd de chagrin.