Rødstrupe Traduction : Alex Fouillet

Extraits Personnages

Quand un auteur sait qu'il maîtrise enfin le personnage qu'il a sorti de ses tripes et l'univers qu'il lui a façonné, cela donne un roman comme "Rouge-Gorge", l'un des meilleurs opus, à notre avis, de son auteur.

On y retrouve bien entendu Harry Hole, talkie-walkie à la main, en pleine surveillance d'une manifestation où doit intervenir le Président des Etats-Unis. Harry s'inquiète pour rien, tout va très bien se dérouler, à l'exception d'un cafouillage - de nos jours, on dirait plus élégamment un "dysfonctionnement" - entre service d'ordre américain et police norvégienne. Dans le genre de doute qui accable soudain Harry et ses équipiers, il n'est pas question de s'abstenir : Hole tire donc. Malheureusement, il le fait sur un agent US non signalé et que tout le monde prend pour un terroriste en attente ...

Damned ! ... (Ou ciel et terre et damnation, c'est pas mal non plus. )

Après consultation, les Américains admettent qu'ils sont responsables de la bavure - c'est à de tels détails qu'on s'aperçoit que cette histoire relève bien de la seule fiction - et Harry est nommé inspecteur principal au SSP. Quitter la Criminelle et sa co-équipière Ellen pour un bureau perdu au fond de l'un des longs couloirs de son nouveau service, ce n'est pas le Pérou dont Hole rêvait.

Comme d'habitude, il va trouver le moyen de n'en faire qu'à sa tête en préférant, à une enquête sur un groupe de néo-nazis d'Oslo, celle qui porte sur un fusil Märklin introduit on ne sait trop comment dans le pays. Officiellement, ses supérieurs ne peuvent pas lui en vouloir : le fusil Märklin est idéal pour un terroriste qui veut en découdre avec l'univers.

Le lecteur, qui a une longueur d'avance, sait qu'il y a effectivement un terroriste. Un terroriste de plus de soixante-dix ans et rongé par le cancer mais un sacré tireur d'élite qui, jadis, dans les tranchées de la Seconde guerre mondiale, avait été surnommé "Rouge-Gorge" en raison de la rapidité avec laquelle il sectionnait à la baïonnette la carotide de l'ennemi, laissant le sang s'écouler de la gorge béante. Il faisait partie de ces Norvégiens qui s'étaient engagés dans la Waffen-SS. Pourtant, d'après les retours en arrière, un petit détail fait tiquer : Rouge-Gorge est mort dans les tranchées, tué par un sniper soviétique - aucun doute n'est permis ...

L'intrigue est aussi complexe que de coutume et les personnages, nombreux et déroutants. Pour ceux qui estiment que l'auteur a un faible pour les "longueurs", les flash-backs n'arrangeront pas les choses mais les autres verront tout de suite leur importance. Et puis, qu'importent quelques grognons puisque l'univers de la série se fait de plus en plus concret : la vieille rivalité Waaler/Hole se fait plus tendue, plus coupante, plus implacable ; pour des raisons que je vous laisse le plaisir (mais aussi la tristesse) de découvrir, le lecteur entrevoit le moment où cette lutte culminera en un règlement de comptes sans quartier ; la belle Rakel Fauke, qui deviendra la compagne de Hole, fait son apparition, accompagnée de son fils, Oleg, lequel se prend vite d'affection pour Harry ; enfin, pour ceux qui aiment, la trame de fond historique constitue un bonus appréciable.

A lire. Bien sûr. Mais prenez votre temps : les polars de Jo Nesbø se savourent.