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Tag - Nouvelle-Zélande

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vendredi, janvier 27 2012

Le Lierre de Yoshino - Tanizaki Jun'ichirô

Yoshino Kuzu Traduction : René de Ceccatty & Ryôji Nakamura

Extraits Personnages

Publié dans cette édition avec "La Vie Secrète du Seigneur de Musashi", ce second récit tient plus de la nouvelle que du roman. On regrettera que l'auteur n'ait pas jugé bon d'expliquer un tant soit peu son projet dans une préface - contrairement à ce qu'il a fait pour "La Vie Secrète ..." - car "Le Lierre de Yoshino" laissera à plus d'un lecteur occidental l'impression d'un texte inachevé et encombré de longueurs.

Déjà, il faut savoir qu'il est d'usage, dans la littérature japonaise, d'accumuler, dans le plus pur style chinois, les allusions littéraires propres à ravir le lettré. Nous l'avons vu dans "Le Coupeur de Roseaux"comme dans "Le Pont Flottant des Songes", c'est, pour Tanizaki, une véritable habitude et presque un rituel.

Amoureux de son pays et de ses paysages, Tanizaki s'est complu à visiter le Japon en long et en large, s'imprégnant de ses atmosphères, de ses coutumes, de ses accents différents, et s'attachant à rendre tout cela dans ses écrits. La traduction ne permet pas bien entendu de restituer l'accent d'Ôsaka, qui s'oppose à celui de Tôkyô et nous y perdons sans doute beaucoup mais tout vaut mieux que ces approximations curieuses - et qui vieillissent souvent si mal - qu'il nous arrive de rencontrer dans d'autres textes traduits de langues pourtant plus proches de la nôtre que le japonais. Cette autre façon de faire de Tanizaki explique pourquoi ses lecteurs occidentaux se plaignent si souvent de longueurs qui ne visent, en apparence, qu'à dépeindre des paysages et des coutumes.

Sur ces deux points, "Le Lierre de Yoshino" est un exemple parfait de l'art de Tanizaki.

A l'origine du "Lierre de Yoshino", se place l'idée d'un autre roman historique, ayant pour cadre la région de Yoshino, dans la province de Yamato, et, pour thème, les tensions entre la Cour du Nord, sur laquelle régnait l'empereur Go-Kamatsu, et la Cour du Sud, dominée par Go-Kameyama. Ce dernier tenait sa cour dans la région de Yoshino et le pays regorge de souvenirs de cette époque - le XIVème siècle, pour être précis. Tanizaki évoque également, dès le premier chapitre, la figure du Roi Jiten, qui reprit en quelque sorte le flambeau de la Cour du Sud, au XVème siècle. Quoi qu'il en soit, le projet ne fut jamais mené à son terme.

Dans "Le Lierre de Yoshino" en effet, c'est un destin personnel, celui de la famille de Tsumura, ancien condisciple du narrateur à l'Université de Tôkyô, qui va prendre le pas sur l'argument historique. Tsumura, ayant eu vent des recherches effectuées par le narrateur pour son futur ouvrage, l'invite à l'accompagner lors d'une visite qu'il doit faire chez de lointains parents, dans la région de Yoshino. Peu à peu, on apprend que Tsumura a perdu sa mère alors qu'il était très jeune et qu'il a appris, depuis quelques années, qu'elle avait travaillé comme apprentie dans une maison de geisha avant d'être adoptée par une famille honorable. Hanté par le destin de sa mère, Tsumura a décidé de retrouver sa famille et il vient de la découvrir, à Yoshino ...

Comme souvent chez Tanizaki, on retrouve le thème du petit garçon, puis de l'homme, à qui la mort trop précoce d'une mère vite idéalisée n'a pas permis de résoudre le complexe oedipien. Ce n'est pas un hasard si Tsumura finira par épouser une cousine germaine dont les traits rappellent ceux de sa mère. Qu'elle ait été élevée dans un milieu très rural et que lui soit un citadin et un lettré n'y changent rien : le fantasme prime. Tanizaki entremêle son histoire avec celle, bien connue au Japon, d'une mère-renarde dont la mère de Tsumura aimait à chanter les exploits lorsqu'elle jouait du koto - l'un des souvenirs les plus émouvants que son fils a conservé d'elle.

L'ensemble donne l'impression d'un bloc encore mal dégrossi, où l'on distingue les grandes lignes directrices mais qui, inexplicablement, demeure inachevé. Cà et là, quelques traits particulièrement soignés voisinent avec une masse de détails et de notations certes cohérents mais qui brouillent en fait la vision du lecteur. A ne réserver par conséquent qu'aux inconditionnels de Tanizaki. ;o)

jeudi, juillet 29 2010

23 Avril 1895 : Ngaio Marsh

23 avril 1895, Christchurch (Nouvelle-Zélande) : naissance d'Edith Ngaio Marsh, dite Ngaïo Marsh, romancière.

La future romancière doit à son oncle son second prénom, qu'elle adoptera comme nom de plume et qu'il faut prononcer "nayou". En langue maorie, il signifie "Reflets lumineux dans l'eau." ;o)

Son père était employé dans une banque et, du côté maternel, elle appartenait à une famille qui compta parmi les premiers colons du pays. A l'âge de quinze ans, elle intègre le collège St-Margaret, à Christchurch puis, à compter de 1915, la Canterbury University College School of Arts où elle passera cinq ans.

La Grande guerre lui a enlevé son ami d'enfance et fiancé et, même dans son milieu social, beaucoup de choses ont changé. Ngiao prend donc des cours de diction et d'art théâtral et entame une double carrière de comédienne et de peintre. Elle visite l'Angleterre et ouvre à Knightsbridge, à Londres, en partenariat avec Mrs Thau Rhodes, un atelier de décoration d'intérieur qui connaît très vite un succès appréciable. Mais la santé fragile de sa mère la rappelle en Nouvelle-Zélande. Après le décès de Mrs Marsh, survenu en 1932, la jeune femme se consacre à son père qui vivra encore dix-sept ans.

Son premier roman, "A Man Lay Dead / Et Vous Etes Priés d'Assister au Meurtre de ...", sort en 1934. Y apparaît pour la première fois celui qui restera son enquêteur-fétiche, l'inspecteur Roderick Alleyn, de Scotland Yard. Le personnage réunit les très réalistes qualités d'un authentique limier de la police à celles, toutes fictionnelles, du héros imaginé par Dorothy L. Sayers, lord Peter Wimsey. Au fur et à mesure que la série avancera dans le temps, on le verra prendre lui-même de l'âge et épouser entre autres une artiste-peintre timide, distraite et drôle dans laquelle on peut reconnaître la silhouette de l'auteur.

Pendant toute la décennie, Marsh se partage entre la peinture, la rédaction de pièces pour le théâtre local et celle de nouveaux romans policiers. En 1937, elle s'autorise un court séjour en Grande-Bretagne avant de faire un petit tour d'Europe qui durera six mois.

Durant la Seconde guerre mondiale, elle se met au service de la Croix-Rouge néo-zélandaise. Elle travaille également pour la section théâtrale de la Canterbury University et s'installe dans une routine qui lui permet de consacrer neuf mois à l'écriture de ses romans et les trois autres à la mise en scène d'une pièce de Shakespeare à l'université.

En 1949, elle retourne en Angleterre et y crée la British Commonwealth Theatre Company. Bien que ses romans, qui sont très appréciés du public, lui assurent largement l'alimentaire, sa grande passion demeure le théâtre. Elle vivra assez longtemps pour assister à l'essor du théâtre néo-zélandais et c'est dans son pays natal qu'elle meurt, ennoblie par la reine Elizabeth II, le 18 février 1982.

En tout, elle a écrit trente-deux romans appartenant au genre "à énigme" classique, plus proches d'Agatha Christie, de Sayers et de Wentworth que du roman noir. Avec ces dames, elle continue d'ailleurs à être considérée comme l'une des "Reines du Crime de l'Age d'Or" qui contribuèrent à faire du roman policier un genre à part entière.

Ses intrigues ont en général pour cadre les paysages anglais sauf "Mort au Champagne", "Cauchemar à Waiatatapu" et "Un Linceul de Laine" qui se déroulent en Nouvelle-Zélande, ainsi que "Photo d'adieu" qui se déroule lors des vacances d' Alleyn. "Descente fatale", dont le critique H. R. F. Keating disait qu'il comptait parmi les cent meilleurs romans policiers jamais publiés, débute pour sa part en Nouvelle-Zélande mais se développe et s'achève à Londres.

Avec Ngaio Marsh, c'est un style simple et une construction classique que découvre le lecteur. Néanmoins, dans presque tous ses romans, il est rare qu'il découvre le nom de l'assassin avant les toutes dernières pages. C'est sans doute cela qui a permis à son oeuvre de survivre - et de se faire périodiquement rééditer. ;o)