Please Kill Me : The Uncesored Story of Punk Traduction : Héloïse Esquié

ISBN : 9782844852083

Extraits

Amoureux du punk et, plus généralement, de la Musique, il vous faut ce livre dont le prix vous paraîtra au premier abord un peu conséquent mais qui, lecture faite, démontre amplement qu'il le vaut bien. (Au reste, vous pourrez vous le procurer sur des sites marchands à un prix relativement correct.) "Please Kill Me" est en effet l'une de ces Bibles comme on les aime : ambitieuse, bouillonnante, débordante de vie (s) et de personnages extraordinaires, détaillée à l'extrême et relatant enfin une histoire qui, si mythique ou au contraire si iconoclaste qu'elle puisse apparaître, n'en prend pas moins sa juste place dans le courant puissant de l'Histoire des Arts. Seuls reproches : le manque de clarté de certains documents iconographiques - mais elle est peut-être voulue car elle s'inscrit dans la logique punk - ainsi que leur rareté, en tous cas si on les compare à ceux produits par l'autre "Bible" sur le sujet : "Punk : Hors Limites" de Colegrave et Sullivan, dont nous parlerons bientôt. En outre, les documents de "Please Kill Me" sont tous en noir et blanc.

L'un des aspects les plus intéressants de l'Art, quel qu'il soit, c'est avant tout l'histoire de sa genèse - enfin, j'avoue que cela m'a toujours branchée et que l'âge a l'air d'aggraver le phénomène . Pour le punk, mouvement musical si contesté et qui, lui-même, contestait absolument tout, cet aspect devient primordial. Car enfin, si l'on veut critiquer quoi que ce soit, il faut savoir de quoi l'on parle. Quand il arrive à la fin de "Please Kill Me", le lecteur sait non seulement qu'il a désormais toutes les cartes en main pour débattre du punk quand et comme il le désire mais surtout, il comprend qu'il ne regardera plus jamais ce mouvement du même oeil qu'auparavant.

Le punk, qui n'adoptera ce nom que bien plus tard en l'empruntant à un fanzine dont l'un des rédacteurs du livre (Legs McNeil) était "le punk de service", naît à la Factory, où déambulaient Warhol et sa clique. Eh ! oui, il faut s'y faire : à l'origine, comme son grand frère le rock, qu'il regarde d'ailleurs avec un mépris total, le punk est américain - et "Please Kill Me" s'attarde d'ailleurs assez peu sur le punk anglais, plus social, plus politique. Les musiciens du Velvet Underground, avec les incroyables chansons de Lou Reed et la voix, non moins incroyable, de l'ancien mannequin allemand Nico, s'inscrivent dans la mouvance. Comme s'y inscrit déjà sans le savoir un certain James Österberg Jr, mieux connu sous le nom d'Iggy Pop, venu admirer le jeu de scène "hors limites" de Jim Morrison, jeu de scène qu'il reprendra à son compte en le radicalisant encore.

Se greffe aussi là-dessus le groupe des New-York Dolls, mouvement en principe apparenté au rock et dont les membres portaient des vêtements de femme par pure provocation. (Iggy Pop nous dirait probablement qu'il s'agissait de "robes pour hommes" et non de "robes de femmes" ... ) Parmi les Dolls, deux grands noms du punk, Johnny Thunders et Jerry Nolan, qui, rongés par les drogues - l'héroïne surtout - et par l'alcool, mourront l'un et l'autre la même année, en 1975 - après la séparation des Dolls, Thunders avait fondé les Heartbreakers.

Comme vous pouvez vous l'imaginer, l'histoire ne s'arrête pas là. Fort de plus de six-cents pages tout à fait passionnantes, "Please Kill Me" raconte la geste du punk en l'insérant dans l'Histoire des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt. Tendre, enthousiaste, cynique, nostalgique, précis, évitant la dispersion en dépit du choix de laisser la parole à ceux qui firent et vécurent le punk, ce livre est de ceux qui, malgré leur épaisseur, se dévorent en deux ou trois jours. Aucun danger d'indigestion ou de malaise : c'est grand, c'est drôle, c'est brillant, c'est extravagant - c'est triste, c'est tragique ... c'est le punk, cet enfant terrible du rock et des hippies, qui continue à haïr ses parents autant qu'il leur fait honneur, cette musique irritante, hargneuse, provocante, lourde de révolte et de dédain, dont on ose espérer que nos chanteurs formatés de toutes les latitudes perçoivent encore dans leur dos les ricanements grinçants.

... A quand le retour de pareils trublions - et de pareils musiciens ? A quand le retour d'une musique qui innove, qui invente ? ...

En attendant qu'Euterpe nous redevienne bienveillante, à nous et à notre XXIème siècle, lisez "Please Kill Me" : ça vous fera prendre votre mal en patience.