The Strange Case of Mademoiselle P. Traduction : Julien Deleuze

Extraits Personnages

Il s'agit d'un roman basé sur une histoire tout à fait véridique, celle de la compositrice et cantatrice Maria-Theresia von Paradis dont le magnétiseur Franz-Anton Mesmer parvint un temps à stabiliser la maladie qui la rendait aveugle, voire à inverser le phénomène. Maria-Theresia /bétait devenue aveugle à l'âge deb deux ans. Elle était la fille de Josef Anton von Paradis, Secrétaire impérial au Commerce et Conseiller à la Cour de l'Impératrice Marie-Thérèse d'Autriche - mère du future empereur Josef II et de Marie-Antoinette, reine de France. L'impératrice s'intéressait beaucoup à la santé de l'enfant mais, contrairement à la rumeur, elle ne fut pas sa marraine. Elle lui faisait payer cependant très régulièrement une sorte de pension d'invalidité qui, bien sûr, aurait disparu si la jeune fille avait recouvré la vue. Son père fit donc des pieds et des mains pour faire cesser le traitement qu'il avait lui-même sollicité de la part de Mesmer et sans le soutien du magnétiseur, les progrès accomplis par la jeune fille ne tinrent pas.

C'est cette crise et son dénouement que Brian O'Doherty nous retrace ici, dans un récit à trois voix au style soutenu et élégant. La première voix est celle de Mesmer, la seconde celle de Mademoiselle P. et la dernière, celle de son père, le Secrétaire impérial.

Le livre achevé, vous avez deux possibilités : ou bien vous jugez l'ensemble boîteux et vous vous demandez où diable l'auteur voulait en venir ; ou bien vous penchez pour un roman "ouvert" : l'auteur veut faire participer son lecteur et le laisser trouver ses propres réponses aux questions soulevées. Le flou est laissé sur les sentiments éventuels - charnels et autres - que Mesmer et Mademoiselle P. auraient été susceptibles d'éprouver, à croire que ce ne sont là que fausses rumeurs. Mais comme O'Doherty nous envoie des signaux souvent contradictoires, on peut s'étonner en parallèle de la façon dont Mme Mesmer - personnage que l'on distingue çà et là mais qui ne dit pas un seul mot - dévisage son époux.

De même, l'effet de basculement brutal entre l'enthousiasme premier du père, désireux de voir guérir son enfant, et son violent rejet de Mesmer à partir du moment où celui-ci parvient à ses fins,ne peut s'expliquer complètement, en tous cas dans le contexte que nous donne O'Doherty, par la seule peur de l'intrigant qui redoute de voir se tarir la bourse impériale. Peut-être suis-je obsédée mais il y a une pointe de père incestueux là-dedans, si ce n'est physiquement, en tous cas intellectuellement et affectivement - tandis que la mère, de son côté, est dépeinte comme ce que l'on nommerait de nos jours une mère castratrice, dévoreuse, abonnée au chantage affectif et capable de maltraiter physiquement sa fille si celle-ci s'oppose à elle.

La voix de l'héroïne est la plus claire, la plus émerveillée, la plus douce et aussi la plus triste. Peu à peu, elle se résigne à son destin, qui lui permettra tout de même de composer et de chanter mais qui ne lui rendra pas la vue perdue. On notera que c'est vraisemblablement pour elle que Mozart, entrevu ici en silhouette - une silhouette d'ailleurs honnie par le Conseiller impérial qui, en cela, obéit au diktat de la Cour autrichienne - composa son dix-huitième concerto pour piano, K456 en si bémol majeur. Pour l'anecdote, ajoutons que Salieri compta parmi les professeurs de chant de Mademoiselle P.

En résumé, "L'Etrange Cas de Mademoiselle P." laisse perplexe, avec une impression d'inachevé. Le lecteur qui aime les lignes bien tranchées et les conclusions nettes ne s'y retrouvera pas, sans compter qu'il risque de s'ennuyer. Les autres ... Ils peuvent essayer mais ce n'est pas un livre qui, à mon sens, donne envie d'en lire d'autres du même auteur. Et ça, c'est tout de même un peu malheureux.