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Tag - Littérature XXème siècle

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lundi, février 20 2012

La Vengeance de Manitou - Graham Masterton

Revenge of the Manitou Traduction : François Truchaud

Extraits Personnages

Autant j'avais aimé le premier tome de la série "Manitou", qui apporta d'ailleurs le succès à son auteur, autant j'ai beaucoup moins apprécié ce second opus. On y sent trop l'écrivain pressé par son éditeur et qui, pour boucler à temps, mélange quelques bonnes idées à des clichés indignes de lui.

Le Manitou (de son vrai nom Misquamacus) qui avait déjà tenté de s'incarner pour se venger - et venger toute la nation indienne, qui ne lui demandait pourtant rien - de l'oppression des Blancs, revient ici dans une armoire achetée pour trois fois rien par Neil Fenner. L'armoire meuble la chambre du petit garçon de Neil, Toby, une dizaine d'années à peu près. Et, au bout de quelque temps, il commence à se passer des choses, dans cette armoire : une voix désincarnée supplie un certain "Allen" d'aller chercher du renfort ... Pour parachever le tout, bientôt, le jeune Neil semble possédé par l'esprit de Misquamacus, qui s'exprime par sa bouche.

Mais le pire, c'est que, dans la classe de Toby, placée sous la férule de Mme Novato (la malheureuse connaîtra une fin atroce), tous les enfants font des cauchemars similaires mettant en scène des Indiens et des Blancs dans une embuscade particulièrement sanglante. Neil, qui n'en peut plus de voir son fils dans cet état et que tout le monde, y compris sa propre épouse, prend pour un père qui a des hallucinations, décide de mener sa propre enquête.

De fil en aiguille, il apprend qu'il serait le descendant direct du fameux Allen que suppliait la voix spectrale, dans l'armoire. Masterton suggère - très légèrement - que Allen aurait eu une part de sang indien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que cet homme a toujours joué double jeu, changeant de camp en fonction de son profit personnel. Le responsable de l'embuscade vue en rêve par les enfants, c'est lui : il avait trahi une trentaine de colons, leurs femmes et leurs enfants, pour les mener droit dans un traquenard où ils furent massacrés par les Indiens ...

L'ensemble est non pas incohérent mais très brouillon. Cà et là, des passages étranges et même choquants dans lesquels Masterton, Celte bon teint - cet Ecossais vit depuis de longues années en Irlande - par la voix de Neil et du vieil ennemi de Misquamacus, Harry Erskine, trompette à tous vents la supériorité des Blancs sur les Indiens : si ceux-ci ont été vaincus par l'envahisseur blanc, c'est parce qu'ils étaient moins volontaires, moins braves (!!!), moins intelligents, etc ... Dans une petite phrase, toute perdue au milieu de ce pathos pseudo-américanouillard, il s'arrange tout de même pour préciser que l'avidité des Blancs dépassait, et de très loin, celle des Indiens. Mais enfin, cela, je le répète, ne concerne qu'une seule phrase et risque de passer inaperçu pour le lecteur moyen, surtout désireux de parvenir à la fin de l'intrigue fantastique.__

Masterton reprend le thème lovecraftien des Anciens dieux, que Misquamacus souhaite appeler des étoiles afin qu'ils massacrent tout ce qui n'est pas indien. Mais il le fait plus gauchement qu'à l'habitude : ce n'est pas un hommage, tout juste une tentative d'adaptation. Je le répète, "Revenge of the Manitou" laisse une impression décevante : l'auteur n'est visiblement pas inspiré et l'on peut voir ici un ouvrage de commande - une oeuvre mineure qu'on gagnera à oublier.

mercredi, novembre 9 2011

Ma Cousine Rachel - Daphne du Maurier (Grande-Bretagne)

My Cousin Rachel

Traduction : Denise Van Moppès

Extraits

Personnages

Englué dans une atmosphère singulièrement sombre, si ce n'est glauque avec les pages du début qui s'ouvrent sur un gibet encore garni, "Ma Cousine Rachel" est le roman du Doute et du Non-Dit. Son rythme est à l'image de l'ambiance : lent, voire pesant et même lassant pour ceux qui, ne connaissant pas d'autres oeuvres de l'auteur, commencerait par "Ma Cousine Rachel" pour se plonger dans son univers (ce que je déconseille fortement). Moi-même, à certains moments, comme par le passé, j'ai failli décrocher mais j'ai pris sur moi et résolu d'aller jusqu'au bout du périple.

En apparence, le thème est bsimple/b : un riche propriétaire terrien britannique du XIXème, Ambrose Ashley, qui a élevé son neveu Philip plus comme son fils que comme un simple neveu, doit, pour sa santé, aller prendre le soleil sur le continent. Après avoir confié sa propriété à Philip, devenu jeune homme, Ambrose entreprend donc son tour de l'Europe méridionale et tombe sous le charme de l'Italie et de la jeune veuve qu'il y rencontre, la comtesse Rachel Sangaletti. Bien entendu et malgré leur différence d'âge, il finit par l'épouser et remet indéfiniment son retour dans la pluvieuse Angleterre. Et puis, voilà que les lettres envoyées régulièrement à Philip commencent à s'espacer et, plus grave encore, à devenir incohérentes, évoquant désormais la douce Rachel comme une empoisonneuse en puissance qui tente de se débarrasser de son second mari ...__

Accouru trop tard en Italie, un Philip remonté et au bord de l'explosion y apprend la mort de son oncle et le départ de "la condessa" que l'étrange et trop séduisant homme d'affaires de Rachel, Rainaldi, dépeint au jeune homme comme une fuite légitime loin du chagrin provoqué par la mort d'Ambrose. Il ne reste donc plus au jeune Anglais qu'à regagner son pays.

Quelques mois plus tard, il reçoit une lettre de sa cousine Rachel, lui demandant s'il veut bien prendre en charge les divers papiers, bagages, etc ... ayant appartenu à son époux et qu'elle ramène dans la patrie de celui-ci. Poussé par les uns, mis en garde par les autres, Philip accepte de recevoir la jeune femme dans la propriété dont il est pour l'instant le seul héritier, son oncle n'ayant pas eu le temps de modifier son testament.

Débute alors un étonnant ballet dont les différents tableaux vont insensiblement amener Philip à revoir son opinion sur Rachel, puis à tomber amoureux d'elle et enfin à la demander en mariage. Pourtant, le doute finira par triompher et la jeune femme n'aura jamais de troisième mari. Mais tout cela ne s'achèvera pas sans avoir transformé Philip lui-même en assassin.

Ce qu'il y a d'incroyable dans ce roman, c'est l'habileté avec laquelle, peu à peu, Daphne du Maurier, fait partager à son lecteur les doutes, les rages, la répugnance et à nouveau les doutes, puis l'horreur de Philip Ashley. On en sort sans bien savoir si l'on a rêvé ou pas, si oui ou non, Rachel a empoisonné non seulement son deuxième mari mais aussi le comte Sangaletti, si, enfin, elle a tenté d'agir de même envers Philip après que celui-ci lui eût assuré son avenir financier. Certes, il y a ces baies de cytise qui surgissent ici et là, en quelques éclairs maléfiques, tantôt dans la gaieté du soleil de Florence, tantôt dans les tiroirs du bureau, dans l'appartement occupé par Rachel chez son jeune cousin. Mais est-ce suffisant ? La preuve directe, éclatante, manque toujours - et ne cessera de manquer.

A la fin du roman, Philip, pourtant, convaincu que le seul intérêt guide les actes de Rachel, laisse celle-ci partir en promenade dans le parc alors en plein travaux du domaine, espérant bien (mais sans le confier à quiconque) qu'il lui arrivera malheur. Seulement, après le drame, le pauvre garçon n'est à nouveau plus sûr de rien, hormis d'une chose : il a quant à lui, c'est certain, provoqué la mort de celle qu'il aimait.

Un roman glauque, noir, compact et qui laisse son lecteur dans le doute. Eût-il possédé un rythme plus enlevé et dépeint le caractère des personnages avec un brio semblable à celui entrevu dans "Rebecca", que "Ma Cousine Rachel" ne serait pas resté cantonné dans ce que j'appellerai les oeuvres "mineures" de son auteur.