Mukashi bokuga shinda ie Traduction : Makino Yutaka

Extraits Personnages

C'est un roman dont je n'ai pas pu m'arracher avant d'en connaître la fin. Il faut dire que, lorsque les Japonais font du roman noir, c'est un peu comme lorsque leurs cinéastes s'attaquent au film d'épouvante : on assiste à la naissance de quelque chose qui respecte les principaux codes du genre mais qui, en même temps, parvient à se forger une identité très personnelle.

Du roman noir, "La Maison Où Je Suis Mort Autrefois" possède les personnages meurtris, en quête d'un avenir qu'ils espèrent meilleur ou d'un passé qu'ils ont oublié mais qu'ils veulent retrouver car cela seul leur donnera la force de reprendre la route. Et ça s'arrête là : ni détective privé, ni femme fatale, pas même le moindre petit revolver. La pluie est omniprésente, une pluie lourde qui trempe absolument tout ce qui s'offre à elle. Mais elle cadre si bien avec le reste que le lecteur fait la grimace lorsque l'auteur lui annonce la percée incongrue d'un rayon de soleil. L'atmosphère est oppressante, énigmatique et la maison où se déroule l'action est aussi sombre, aussi vieille, aussi mystérieuse que possible.

Premier détail très original : la porte d'entrée ne s'ouvre pas, elle est reliée au chambranle par quatre gros boulons insérés sur des plaques. Pour entrer dans la maison, il faut tout d'abord en faire le tour et faire coulisser une sorte de plaquette qui recouvre le véritable sésame des lieux : une serrure qu'ouvre la fameuse clef à tête de lion que le père de l'héroïne lui a léguée en mourant.

Ensuite, c'est par le sous-sol qu'on pénètre dans la maison, une maison où l'électricité ne semble avoir jamais été installée et où il n'y a pas d'arrivée d'eau. Pourtant, il y a bien un réfrigérateur dans la cuisine, un modèle vieux de plus de vingt ans certes mais un réfrigérateur tout de même. Il n'est pas branché : il ne contient d'ailleurs que des boîtes de conserves périmées.

A l'étage, même silence, même poussière uniformément répartie, même vide qui semble attendre on ne sait qui, on ne sait quoi. Dans la plus grande chambre, un costume masculin accroché à un cintre comme un fantôme assoupi, une robe de femme dans l'armoire, une pelote de laine sur une chaise. Dans la chambre voisine, un lit pour enfant ou adolescent, des livres bien rangés et tous achetés d'occasion, à commencer par les livres de classe, et datant tous de plus de vingt ans.

Tout cela baignant dans la lumière étouffée de la lampe-torche que nos deux héros, Sayaka Kurahashi et son ex-petit ami, qu'elle a prié de l'accompagner dans cet étrange pèlerinage en terre inconnue, promène autour d'eux avec un effarement bien compréhensible.

Il leur faudra l'aide que leur fournit, par le biais de son journal, le jeune Yusuke, et aussi pas mal de réflexions et beaucoup d'assemblages et de désassemblages pour reconstituer la tragédie passée et l'histoire de la maison. Et une fois qu'ils y seront parvenus, seront-ils toujours les mêmes ? En tous cas, après cela, ils ne se reverront plus jamais.

Un roman qui envoûte et obsède, un roman noir d'une originalité indéniable - un roman que vous ne regretterez pas d'avoir lu.