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Tag - Bliss Rampike

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dimanche, février 6 2011

Petite Soeur Mon Amour - Joyce Carol Oates ( II )

Les années ont passé mais les soupçons sont toujours là. Décédée en juin 2006, officiellement d'un cancer des ovaires, Patsy Ramsey a emporté ce qu'elle savait dans la tombe. La fortune et les relations de son mari avaient permis, dès le début, d'empêcher toute implication officielle du couple dans le meurtre de l'enfant. Désir de conserver la face, bien légitime de la part d'innocents ? ou bien volonté de se préserver, en dépit de l'acte accompli ? Au-delà des interrogations de la police et des pressions qu'elle semble avoir subie, ne chose est certaine : si les Ramsey n'ont pas assassiné leur fille, ils ont cherché en tous cas à dissimuler des faits, indices ou autres, et à retarder la découverte du petit cadavre. Pour quelles raisons ?

Aux USA, l'Affaire JonBenét Ramsey est considérée par une bonne part de l'opinion publique et par certains intellectuels comme similaire à l'Affaire O. J. Simpson, de triste mémoire. Ce qui revient à dire que, aux USA, la justice est à deux vitesses : une justice pour le commun des mortels, en général privé d'argent et de relations, une autre pour ceux qui possèdent argent et entregent. Joyce Carol Oates ne l'envoie pas dire dans nombre de ses interviews sur son nouveau livre, "Petite Soeur Mon Amour", dans lequel, avec le prodigieux talent qu'on lui connaît et qu'on a déjà vu si souvent à l'oeuvre, elle reprend l'Affaire JonBenét Ramsey en tentant d'en donner une explication vraisemblable.

Avec Oates, la critique sociale et culturelle n'est jamais loin. La romancière déchire ici à belles dents la manie américaine du "paraître à tous prix" et cette volonté de compétition et de réussite à tous crins qui, plus encore à notre époque, est devenue le leitmotiv de nos amis d'Outre-Atlantique. Qu'elle ait transposé le drame de la petite JonBenét (Bliss dans le roman) de l'univers des Mini-miss à celui du patinage artistique, ne change rien à son côté sordide et glauque. Parents fortunés et avides de réussite, Bix et Betsey Rampike cherchent en fait à vivre, par l'intermédiaire de Skyler (leur fils aîné) et de sa petite soeur, Edna-Louise, rebaptisée Bliss par sa mère dès qu'elle commence à se faire remarquer sur la glace, ce qu'eux-mêmes n'ont pu, voulu ou su accomplir : l'un rêve d'une carrière de champion olympique pour son fils, puis, quand celui-ci se blesse - uniquement par la faute de son géniteur d'ailleurs - se détourne de l'enfant et le laisse tomber, comme on le ferait d'une chaussette trouée ; pendant ce temps, l'autre s'aperçoit qu'Edna-Louise ne patine pas trop mal et, du coup, déploie son propre rêve de gloire ...

Dans son réquisitoire, Oates réserve également une place de choix aux laboratoires pharmaceutiques, aux psychologues et aux psychiatres qui, aux USA, se spécialisent dans le traitement des angoisses enfantines. Elle en dresse un portrait tout bonnement hallucinant. Pas une seule fatigue, pas un seul désir enfantin qui ne soit immédiatement taxé de névrose, de TOC, de TED, etc, etc ... et traité à grand renfort d'anti-dépresseurs et d'anxyolitiques. Quand on sait que l'Europe - pourquoi ? on se le demande - a tendance à imiter les Etats-Unis en matière d'éducation, on ne peut que frémir et cauchemarder devant cette avalanche de drogues imposées, dans la plus stricte légalité, à des êtres si jeunes. Si les parents américains obéissent vraiment les yeux fermés au premier psy venu qui leur assure que leur enfant souffre de névrose, il ne faut plus s'étonner de voir le pays parcouru de tragédies comme la tuerie de Columbine ...

La ferveur religieuse très particulière des Américains - Betsey Rampike est présentée comme une fanatique qui assaisonne Jésus à toutes les sauces - et le comportement des medias sont tout aussi implacablement mis sur la sellette dans ce qui restera, selon nous, l'un des meilleurs livres de son auteur.

Oui, "Petite Soeur Mon Amour" est un roman à lire absolument, une réussite d'une rare maîtrise, aussi puissant et détonant que "Blonde" - et c'est de plus une très belle chanson funèbre, dédiée aux mânes perdus d'une petite fille à qui le désir des adultes déroba sa courte vie avant de la détruire définitivement. Délibérément, froidement - avec autant d'indifférence que si l'on écrasait une mouche.

Petite Soeur Mon Amour - Joyce Carol Oates ( I )

My Sister My Love Traduction : Claude Seban

Extraits Personnages

Peu connue en France, l'affaire JonBenét Ramsey, qui fit les gros titres de la presse américaine à la fin des années quatre-vingt-dix, demeure encore à ce jour non résolue, et ce en dépit des aveux du pédophile John Mark Karr, en 2006, aveux qu'il fut très facile aux enquêteurs de démonter en raison, notamment, des imprécisions et des contradictions qu'ils recelaient. Rappelons brièvement les faits :

Le 25 décembre 1996, la petite JonBenét Ramsey, âgée de six ans et quatre mois, est battue à mort, étranglée et violée. On ne retrouvera son corps, dans la chaufferie de la demeure familiale, que huit heures après la déclaration de sa disparition, faite par ses parents, John et Patricia Ramsey, le lendemain, 26 décembre. Les Ramsey avaient fait état d'une très étrange demande de rançon rédigée par écrit et retrouvée par la mère sur un meuble dans le hall. Aucune trace d'effraction n'est relevée et, à l'extérieur, dans la neige fraîche, il n'y a pas de traces de pas. Dans la cave cependant, la vitre d'un soupirail est brisée : la chose avait été constatée depuis longtemps et les Ramsey songeaient à faire venir un réparateur.

Dès le début, les parents vont être suspectés ainsi que leur jeune fils de neuf ans, le frère aîné de JonBenét. Tous appartiennent à la haute bourgeoisie de Boulder, dans l'Etat du Colorado. Le père est cadre supérieur dans une grosse boîte industrielle et possède son jet privé. Il était toujours (ou presque) en voyages d'affaires et menait, semble-t-il, joyeuse vie avec des maîtresses occasionnelles. Le couple Ramsey se lézardait, la chose est indubitable. Et les enfants étaient pris dans le maelström. Pour compenser (??) l'échec de sa vie d'épouse, Patricia - Patsy pour les intimes - avait fait de sa toute petite fille une "mini-Miss" qui, maquillée et habillée en conséquence, écumait les podiums de la région et y remportait de nombreux titres : car la petite JonBenét était très jolie. Ce qui n'empêchait pas l'enfant qu'elle était encore et avant tout d'être toujours incontinente la nuit, ce qui avait le don de révulser sa mère ...

Ici, quelques photographies de l'enfant-miss - dont on peut penser que certaines ont tout pour réjouir les pédophiles.Quelques sites - anglophones - exposant l'affaire : ici et ici. (Attention : sur le dernier site, certaines photographies peuvent choquer les âmes sensibles.)(A suivre ...)