Twilight in the Forbidden City Traduction : Christian Thymonier

Extraits

Pour les amateurs de mémoires et de journaux, ce livre, rédigé par celui qui fut le précepteur britannique du dernier empereur de Chine appartenant à la dynastie mandchoue, Hsüan T'ung, mieux connu sous son nom de naissance, P'u Yi, constitue une aubaine.

Non que le lecteur soit tout-à-fait dupe de l'enthousiasme avec lequel Johnston évoque son impérial élève. On sait la ferveur que l'idée royaliste inspire en général à nos cousins d'outre-Manche : et bien que se voulant un loyal sujet de Sa Très Gracieuse Majesté le Roi George V, il est normal qu'un gentleman tel que Johnston ait reporté un peu de sa vénération monarchique sur l'occupant du trône du Dragon.

A cet élève prestigieux, il prête beaucoup de qualités. Mais il arrive que son intégrité foncière - on ne peut en effet mettre en doute l'honnêteté du personnage - rattrape notre précepteur occidental qui, dans un éclair de lucidité, note avec beaucoup de finesse que les qualités de son pupille lui venaient certainement de sa mère alors que nombre de ses zones d'ombre - et de lâcheté - lui avaient été léguées par sa famille paternelle.

Reginald Johnston a voué au dernier monarque Ch'ing une affection que celui-ci lui a bien rendue. On se prend même à rêver sur l'influence, assurément bénéfique, que le précepteur aurait pu exercer sur son élève s'il n'avait été contraint par les règles diplomatiques de l'abandonner à son destin après son départ pour le Japon. Certes, dans ces pages, Johnston affirme que la fuite de l'Empereur à la légation japonaise de Pékin constituait, sur l'instant, la seule bonne solution. Mais on peut douter que, après l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne contre le Japon, il aurait maintenu cette position. Seulement, il était mort depuis un an lorsque éclata la Seconde guerre mondiale.

En un style élégant et précis, il nous détaille dans le menu non seulement la fin d'une dynastie séculaire mais aussi le paysage politique de la Chine de l'époque, partagée entre monarchistes, pseudo-républicains, nationalistes et seigneurs de la guerre opportunistes. Les communistes quant à eux sont encore loin de posséder la notoriété qu'ils connaîtront par la suite mais cela ne les empêche pas de tenir leur rôle dans ce jeu trouble et effrayant, qui se joue à l'échelle d'un continent et dans un climat de gotterdammerung asiatique. (Le titre original est d'ailleurs infiniment plus juste que sa traduction française - et plus poétique.)

Tous ceux qui s'intéressent à l'Histoire et tout particulièrement à l'Histoire de la Chine moderne ne pourront que dévorer ces "Mémoires" d'un homme que l'on devine assez vaniteux, très tâtillon, amoureux de la pompe, mais aussi intelligent, intègre et loyal - à sa patrie, à ceux qu'il servait et à ses convictions. ;o)