Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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mercredi, juillet 21 2010

Il Etait Une Fois & Pour Toujours - Alison Lurie

Boys & Girls Forever Traduction : Emmanuelle Fletcher

Ce volume peut se lire comme un complément de "Ne Le Dites Pas Aux Grands." Lurie y a rassemblé les notes et les articles qu'elle n'avait pas réussi à placer dans le précédent ouvrage et c'est là également qu'elle étudie les quatre seuls cas européens qu'elle ait pris en compte : Hans-Christian Andersen, Carlo Collodi, Tove Jansson et Laurent de Brunhoff.

Au contraire de Moumine le Troll, création de la Finlandaise Tove Jansson, et de Babar l'Eléphant, imaginé par Jean de Brunhoff et repris par son fils, Laurent, l'oeuvre d'Andersen comme celle de Collodi affichent clairement les racines qu'elles plongent dans le monde adulte. Andersen lui-même était étonné de voir nombre de ses contes recommandés aux enfants. Quant à Collodi, l'intégralité de l'intrigue qu'il a imaginée, bien éloignée de l'ersatz (sympathique mais très édulcoré) mis en images par Walt Disney, s'apparente plus au roman noir teinté de fantastique qu'au conte pour enfants, fût-il du type "Barbe-Bleue." L'un des mérites d'Alison Lurie est non seulement de l'apprendre à ses lecteurs américains mais aussi de nous le rappeler, à nous autres, Européens.

Sinon, les auteurs anglo-saxons ont toujours la part belle dans ce second volume : Franck Baum, "papa" du Magicien d'Oz et de la petite Dorothy (ce que l'on ignore souvent, c'est qu'il n'y a pas une mais toute une foule d'aventures de Dorothy qui, toutes, se situent au Pays d'Oz), Louisa May Alcott et ses "Quatre Filles du Dr March", la "Boîte à Délices" de John Masefield, le Dr Seuss (Theodore Seuss Geisel, très connu aux USA), Salman Rushdie ("Haroun et la Mer Aux Histoires") et quelques autres encore.

Parmi eux, j'ai été assez surprise de découvrir Walter de La Mare, l'un des auteurs favoris de Lovecraft, auteur de nouvelles au fantastique subtil et d'un roman dont l'héroïne, Miss M., est une naine. Le chapitre que lui consacre Alison Lurie m'a laissée perplexe car elle non plus ne paraît guère convaincue.

Bien entendu, il est aussi fait mention ici d'un certain jeune sorcier nommé Harry Porter et de sa créatrice, J. K. Rowling. Bien que Lurie ait probablement fait paraître son livre avant la parution du quatrième tome, "Harry Potter et la Coupe de Feu", l'analyse qu'elle fait de la saga potterienne, opposée aux remugles bassement christianisés de Tolkien et de C. S. Lewis (auteur du "Monde de Narnia"), est remarquable de finesse - et de prescience.

Bref, un second volume indispensable pour tous ceux qui ont lu "Ne Le Dites Pas Aux Grands." ;o)

Ne Le Dites Pas Aux Grands - Alison Lurie

Don't Tell The Grown-Ups Traduction : Monique Chassagnol

Voici un essai de très grande qualité sur la littérature enfantine anglo-saxonne dont l'Européen continental ne connaît pas toujours les grands noms. Les quatre premiers chapitres traitent cependant du conte de fées et des histoires pour la jeunesse en général, ce qui explique les allusions aux frères Grimm et aux racines européennes de ces histoires que, avec le français Charles Perrault, ils furent parmi les premiers à rassembler.

Lurie saisit d'ailleurs l'occasion de nous rappeler que, à l'origine, beaucoup de ces contes comportaient ce que nous appellerions aujourd'hui des scènes gore et que personne ne semblait s'en émouvoir. (Sur ce plan, on pourra consulter de façon appréciable, mais sur un autre niveau, le très intéressant ouvrage de Bruno Bettelheim sur la psychanalyse appliquée aux contes de fées. Pour ses livres sur l'autisme, par contre, passez votre chemin. )

En effet, outre les marâtres qui, reines ou paysannes, finissent très mal parce que condamnées à cracher jusqu'à leur dernière heure crapauds venimeux, serpents, araignées et autres charmantes petites bêtes, on pense tout de suite à l'histoire si représentative de Hansel & Gretel, ces deux enfants qui - en état de légitime défense, certes - n'hésitent pas à pousser dans son four l'horrible sorcière-ogresse qui prétend les dévorer rôtis. Comme quoi, le monde de l'enfance et les récits qu'on s'y chuchote ont toujours fait montre d'une cruauté qui, hélas ! fait partie de la vie elle-même. Alison Lurie déplore d'ailleurs - et je partage son opinion - que, de nos jours, on tende à supprimer les fins atroces (mais très morales, somme toute) des contes de notre enfance sous le prétexte plus que douteux qu'il ne faut pas traumatiser les enfants.

Mais il y a plus étrange : ceux-là mêmes qui veulent à tous prix "protéger" les pauvres petits des horreurs prétendument distillées par les contes de fées ne semblent avoir aucun scrupule à les laisser béer devant n'importe quel programme télévisé ou jeu vidéo bien sanglant ... ;o)

A compter du cinquième chapitre, Lurie passe du général au particulier en évoquant les univers de Beatrix Potter, Frances Hodgson Bennett (créatrice du petit lord Fauntleroy et de bien d'autres petits héros), d'Edith Nesbit (auteur de la fin de l'ère victorienne qui fut la première, semble-t-il, en tous cas en Angleterre, à écrire sans condescendance pour les enfants), d'A. A. Milne (immortel auteur du non moins immortel Winnie l'Ourson), sans oublier James Barrie et son Peter Pan ainsi que le grand mais méconnu T. H. White, auteur d'une réécriture des chroniques arthuriennes à l'usage des enfants et des adolescents.

Lurie use d'un langage tout à fait accessible aux profanes, ne fait pas dans la pédanterie et nous fait partager sa passion pour un thème qu'elle maîtrise mais dont on regrette qu'elle ne puisse le traiter dans son intégralité. On rêverait par exemple de lire son avis sur la saga de Mary Poppins et à la vie de sa créatrice, Pamela L. Travers, ou bien encore nous confier ce qu'elle pense d'Enid Blyton et de ses séries "Mystère" et "Club des Cinq" à moins qu'elle ne préfère demeurer en terre américaine avec l'analyse des aventures de Nancy Drew-Alice Roy ou des Frères Hardy.

Mais enfin, tel qu'il est, "Ne Le Dites Pas Aux Grands" se révèle un ouvrage de tout premier ordre, à lire et à conserver. ;o)