The Killing of the Tinkers Traduction : Catherine Cheval & Marie Ploux

Extraits Personnages

Pour tenter d'oublier une énième déception amoureuse, Jack Taylor, Irlandais pur-sang, a eu l'idée suicidaire de monter se noyer dans le grand bain londonien. Il n'a - évidemment - pas pu se dénicher l'appartement qu'il souhaitait à Bayswater, a dû, à la place, s'accommoder d'un studio minable et, finalement, s'est résolu à regagner son Galway natal. L'accueil est unanime - c'est la phrase traditionnelle pour les brebis qui rentrent au bercail : "Tu es revenu." Car contrairement à ce qu'affirme le grand Thomas C. Wolfe en exergue du roman ("Vous ne pouvez pas revenir."), en Irlande en tous cas, on peut.

Compte tenu de l'éclectisme pour le moins prononcé des connaissances de Jack, Bruen consacre quelques uns des premiers chapitres à nous suggérer avec malice les diverses intonations de ce "Tu es revenu !", à commencer par le classique et très catho : "Jésus ! Marie ! Joseph ! Regardez qui c'est qu'est revenu !"

Oui, Jack Taylor est revenu et reprend ses vieilles habitudes, à savoir chercher les embrouilles et écluser un maximum. Nouveauté issue de l'expérience londonienne : il aime bien désormais se faire un ou deux petits rails pour se remettre les idées en place.

Aurons-nous, cette fois-ci, une véritable intrigue policière ? Eh ! bien, contrairement à ce qu'il se passait dans "Delirium Tremens", c'est oui : le titre anglais le révèle d'ailleurs en toutes lettres. En fait, Taylor est embauché par Sweeper, un tinker, afin d'élucider une histoire de meurtres dans la communauté.Il faut savoir que les tinkers sont des nomades spécifiquement irlandais, qui se sont mis à vaguer de-ci, de-là, à l'époque de la Grande Famine du milieu du XIXème. Ils n'ont aucun lien de parenté avec les roms, gitans, manouches et autre bohémiens. Ils n'en sont pas plus aimés par la population sédentaire qui, comme partout en ce monde, voit d'un oeil suspicieux ces gens désormais incapables de s'attacher à une terre qu'on leur a jadis volée et qui se sont vus contraints de s'adapter à un monde qui les livrait sans pitié à la grande main crochue de la Faim.

Et une fois de plus, à l'instar de tant de ses confrères du polar international, Taylor va se tromper d'assassin. Ce qui vaudra au malheureux une fin atroce. A peine aura-t-il réalisé sa terrible erreur, que Taylor met un contrat sur le véritable meurtrier. Mais cela rétablit à peine l'équilibre et on peut craindre à juste titre l'état dans lequel on va le retrouver dans le troisième tome de la série, "Le Martyre des Magadalènes."

Une fois encore, Ken Bruen nous donne un polar d'ambiance : un mélange de glauque et de noir, des moments de franche hilarité qui basculent sans prévenir dans l'absence d'espoir, la souffrance conjuguée sur tous les tons (celle de Jack, qui a fait de lui, dès l'enfance, un écorché vif mais aussi celle de ses amis Jeff et Cathy qui viennent d'avoir un adorable petit bébé malheureusement atteint de trisomie 21), de la violence là encore à toutes les sauces, de la plus légère à la plus grumeleuse, des personnages corsés et dont la majorité reviennent pour le deuxième acte et des dialogues toujours aussi incroyables. Sans oublier la poésie - parfaitement, la poésie ! - et le défilé des auteurs, souvent inconnus du lecteur francophone, qui sont les favoris de Jack.

C'est sûr : ça ne plaira pas à tout le monde. Mais ce n'est pas grave : Jack Taylor détesterait l'idée que le premier venu puisse l'aimer.