Horns Ende Nouvelle Traduction : François Matthieu

Extraits Personnages

Publié cinq ans après "L'Ami Etranger" mais achevé bien avant lui, "La Fin de Horn" permet à son auteur de donner la pleine mesure de son style avec un récit complexe et foisonnant, où chacun tente de fuir ou de ranimer ses souvenirs autour de la mort d'un homme. Qu'en est-il exactement des raisons de cette mort ? Pourquoi Horn est-il allé se pendre à un arbre, dans la forêt de Guldenberg ? Etait-ce une affaire personnelle ou politique ? Et la version officielle de l'histoire recoupe-t-elle bien les évènements ?

Hein aime à dénoncer les mille manières que peut avoir une société totalitaire pour étouffer, pour écraser un homme - et pour bâillonner les autres. Il pose ici la question de la falsification de la mémoire collective par des procédés dont celui - bien connu des staliniens pour ne citer qu'eux - qui consiste à gommer un tel ou un tel sur une photographie officielle reste le moins subtil. Il reste entendu que ce que l'on peut faire à l'échelle mondiale, est aussi possible dans une dimensions plus privée, lorsque les circonstances l'exigent.

Infime rouage administratif, envoyé pour une faute vénielle sur la voie de garage qu'est le musée de de Guldenberg, Horn est un homme réservé, qui se livre peu mais fait honnêtement son travail d'historiographe Jusqu'à ce qu'une nouvelle erreur de sa part, provoquée par cette partie de lui qui refuse de penser "selon la ligne", vienne réveiller les vieux démons et ramène à son domicile deux policiers d'un genre très spécial, qui lui rappellent fort à propos que sa soeur a quitté illégalement le pays et qu'on le suspecte d'entretenir des relations avec elle ...

Autour de Horn, une petite ville thermale assoupie sous les brumes de l'hiver ou sous l'entêtant soleil de l'été et où les jours s'écoulent avec une feinte insouciance. Et les narrateurs qui nous restituent leurs souvenirs fragmentés : Kruschkatz, le maire, qui aurait tant voulu que les choses ne se fussent pas déroulées ainsi ; le Dr Spodeck, un cynique qui gagne à être connu ; Gertrud Fishlinger, l'épicière, peut-être le personnage le plus attachant du roman ; Thomas qui, adolescent, a découvert le corps de Horn, pendu à un arbre dans la forêt, et puis, de temps à autre, Marlene, la fille "différente" mais chérie de M. Gohl, personnage qui nous rappelle l'une des pages les plus inhumaines de l'époque nazie. Tous ont connu Horn, tous ont vécu le drame et tous le déplorent. Certains regrettent de ne pas avoir su écouter, voir, prévoir ... Et d'autres regrettent d'avoir détourné le regard pour, justement, ne pas voir.

Un roman d'une grande richesse stylistique, qu'on a plaisir à lire à haute voix. Un roman bourré d'émotion mais qui ne tombe jamais dans le mélodrame. Un roman qui, mieux que "L'Ami Etranger", nous fait pénétrer dans l'univers de Christoph Hein, assurément l'un des plus grands auteurs allemands contemporains.