Extraits

De Corinne Hermann et Philippe Jeanne, j'avais déjà lu le remarquable "Les Disparues d'Auxerre", sans doute l'ouvrage le plus complet et le plus juste sur ce que l'on appelle habituellement "l'Affaire Emile Louis" mais qui s'attarde également sur d'autres cas de jeunes filles et jeunes femmes s'étant évanouies dans la nature au coeur de l'Yonne - région qui, entre parenthèses, semble cumuler les dossiers mis au placard alors qu'ils devraient être encore sur la place publique.

"Un Tueur Peut En Cacher Un Autre" ne traite pas d'une affaire en particulier mais s'attaque à l'inquiétant problème causé par les tueurs en série maintenant que, avec les progrès de la technique et la libération des frontières, ils commencent à faire tache dans notre paysage européen. Il fut en effet une époque, guère si lointaine que cela, où les Européens - et nous autres, Français, en particulier - assurions avec superbe que le phénomène était typique de la société américaine, de sa culture de l'arme à feu et de son goût quasi inné pour la violence. Désormais, le discours a un peu changé et les tueurs en série sont admis - si l'on ose dire - à revendiquer leur place, en France comme dans le reste de l'Europe.

Ce virage à cent-quatre-vingt degrés de nos instance dirigeantes, toutes tendances politiques confondues, les a malheureusement amenées à s'emparer - une fois de plus - du modèle américain afin de le faire concorder avec les tueurs européens. Elles découvrent aussi avec enthousiasme les merveilles d'un profilage dont les méthodes font du surplace depuis maintenant plus de quarante ans mais que continuent à glorifier, pour des raisons d'audimat et de gros sous, les séries venues d'Outre-Atlantique. Ce faisant, on oublie que les bons profileurs sont rares et que, étant humains, ils restent faillibles. Et aussi, et surtout, que les méthodes qui fonctionnent aux USA ont beaucoup de mal à faire leurs preuves en Europe.

Même s'il met en danger la société dans laquelle il est né, le tueur en série, tout monstre qu'il est, n'en reste pas moins tributaire de ladite société. En lui, malgré tout, sont gravées des références (ou des contre-références) qui lui viennent de ses racines, et ce sont à elles qu'il revient, y compris quand il tue.