Toxic Parents : Overcoming Their Hurtful Legacy & Reclaiming Your Life Traduction : Isabelle Morel Préface : Danielle Ropoport

Extraits

Ils y sont tous. Ou presque. Les hybrides, les polyvalents de la maltraitance et du chantage affectif, ceux qui rassemblent en eux plusieurs de ces tares qui les empêchent de se comporter comme des parents responsables et aimants, ceux-là ne sont pas étudiés, le propos du livre de Susan Forward, écrit en collaboration avec Craig Buck, étant de disséquer les failles, de les mettre bien en vue sur la table d'examen et de laisser le lecteur tirer ses propres conclusions.

D'abord, vient le parent déficient. On ne peut pas dire de lui qu'il soit violent ou méchant mais il est d'une lâcheté incomparable. Incapable d'affronter les responsabilités qui sont les siennes, il s'arrange pour que, peu à peu, son fils ou sa fille, voire les deux, le prenne en charge. Insensiblement, au fil des années, l'enfant devient le parent de ses propres parents. C'est lui qui fait le ménage et les courses. C'est lui encore qui demande du crédit aux commerçants. C'est lui qui veille à ce que la petite soeur ou le petit frère fasse bien ses devoirs et se couche à l'heure ... Il mettra longtemps à découvrir le sens de l'expression "chantage affectif." Il se peut même qu'il refuse d'admettre que ses parents si faibles, si gentils, si "aimants", qui affirment encore "avoir toujours agi pour son bien", le pratiquaient et le pratiquent toujours en virtuose.

Le parent dominateur, lui, est un fanatique du contrôle. De même que le parent déficient, il vit son enfant comme une extension de lui-même, extension sur laquelle il doit garder une maîtrise absolue. Pour ce faire, il tend à étouffer systématiquement toute idée d'initiative chez son rejeton soit en l'infantilisant, en le couvant au maximum, de telle sorte que l'enfant devienne incapable de choisir une paire de chaussures sans lui en référer, soit en le dévalorisant par un discours étudié et les mimiques qui vont avec, tel le père qui donne un ouvrage à faire à son fils et qui lui dit ensuite, en levant les yeux au ciel et en secouant la tête, l'air navré : "Mon pauvre garçon, tu ne feras jamais rien de ta vie ..."

Et il y a encore le parent alcoolique, le parent violent et le parent incestueux.[ Sans oublier tous ceux qui mêlent allègrement les étiquettes. Un point commun à tous : c'est toujours sur eux et sur eux seuls qu'ils s'attendrissent, souvent jusqu'aux larmes. Les uns accusent le Destin de leur faiblesse. Les autres affirment qu'eux aussi, leur père les battait, et qu'ils n'en sont pas morts, et que c'était "pour leur bien", que, donc, c'est par sens du devoir qu'ils envoient régulièrement leurs enfants valdinguer contre le mur et que, vous savez, monsieur-dame, dans tout ça, c'est lui, le maltraitant, qui souffre le plus, parfaitement ! ... Les incestueux pour leur part clament bien haut que jamais, non, JAMAIS ... et que, si leur fille (ou leur fils) ne les avait pas aguichés alors qu'elle (ou il) n'avait que cinq ans ... JAMAIS, non, monsieur, JAMAIS !

... Imaginez un instant - un seul - ce que cela donne quand le parent alcoolique se confond avec le père incestueux ou encore lorsque, au père incestueux et alcoolique fuyant toutes ses responsabilités, s'ajoute une mère déficiente qui ne voit rien, n'entend rien et ne sait rien ... sauf une chose : son mari (ou son compagnon) est un dieu ...

"Parents Toxiques" est un livre que toutes celles et tous ceux qui ont eu l'un ou l'autre de ces parents-là se doivent de lire au moins une fois. Lecture douloureuse, truffée d'épines, qui réveille les plaies toujours délicatement suppurantes de l'enfance mais lecture qui, pourtant, apaise. Fidèle à ses convictions personnelles et, de manière plus générale, à la théorie psycho-religieuse qui veut que le pardon assure la guérison, Forward prône la remise des fautes à ceux qui les ont commises. Mais elle admet de bonne grâce qu'atteindre à ce résultat est extrêmement difficile.

Elle propose donc essentiellement un travail sur soi (impliquant entre autres la rédaction d'une lettre à l'enfant que l'on fut et qui n'eut pas le temps de vivre son enfance) qui, à défaut du pardon accordé aux tortionnaires du passé, permet au moins à celui ou celle qui fut leur victime de rompre avec eux et de reconstruire tout ce qui, en eux, peut l'être. Certes, il manquera toujours une parcelle infime, tout au fond, près du coeur - une parcelle que seul pourrait restituer le parent qui l'a jadis dérobée si seulement il le voulait et si la chose était encore en son pouvoir. Mais, que voulez-vous, on fera avec : les enfants de "parents toxiques" en ont l'habitude depuis si longtemps ...